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23/10/2024 | FRANCE | N°42400589

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 octobre 2024, 42400589


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


SH






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 23 octobre 2024








Cassation partielle




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 589 F-D


Pourvoi n° G 22-14.516










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
__________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 OCTOBRE 2024


La société Migaud, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 22-14.516 contre l'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

SH

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 octobre 2024

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 589 F-D

Pourvoi n° G 22-14.516

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 OCTOBRE 2024

La société Migaud, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 22-14.516 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Guiet frères, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Migaud, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 janvier 2022), le 27 août 2018, la société Guiet frères a commandé à la société Migaud un déchaumeur qui devait être financé par un crédit-bail consenti par la société CNH Industrial Capital. L'équipement a été livré le 23 octobre 2018 et facturé le même jour au crédit-bailleur.

2. Le 22 août 2019, se prévalant de l'absence de signature du contrat de crédit-bail par la société Guiet frères, la société Migaud l'a assignée en résolution du contrat de vente, restitution du matériel et paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Migaud fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a dit irrecevables ses demandes formées contre la société Guiet frères, lesquelles tendaient à voir constater que celle-ci n'avait pas signé de contrat de crédit-bail avec la société CNH Industrial Capital Europe mais avait signé
en revanche le bon de commande auprès de la société Migaud du déchaumeur qui lui a été livré, à voir prononcer la résolution de la vente de ce matériel et à voir en conséquence condamner la société Guiet frères à sa restitution ainsi qu'au paiement d'une indemnité de détention, ensemble à voir ordonner une expertise de l'état du bien devant être restitué, alors « que la personne qui commande un bien ayant vocation à être financé au moyen d'un contrat de crédit-bail demeure personnellement liée au vendeur de ce bien si finalement le contrat de crédit-bail, et le mandat dont il aurait été assorti, n'a pas été effectivement conclu, faute pour l'organisme de crédit-bail d'avoir reçu de l'utilisateur l'acceptation de l'offre de financement qui lui a été soumise ; que la société Migaud soutenait, preuve à l'appui, que le contrat de crédit bail initialement envisagé ne s'était en réalité jamais formé, faute pour la société Guiet Frères d'avoir fait retour à l'établissement de crédit du contrat de financement dûment signé ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le bon de commande des matériels agricoles vendus par la société Migaud était libellé au seul nom de la société Guiet frères et que celle-ci ne justifiait pas de l'envoi à l'établissement de crédit-bail du contrat de financement dûment signé ; qu'en raisonnant néanmoins, pour déclarer irrecevable la société Migaud à poursuivre à l'encontre de la société Guiet frères la résolution du contrat de vente, comme si le crédit-bailleur s'était effectivement substitué à la société Guiet frères et que celle-ci n'avait donc agi qu'en qualité de mandataire du crédit-bailleur, sans s'être assurée, en dépit des éléments de preuve contraires versés aux débats, que le contrat de crédit-bail avait été effectivement conclu, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile, 1121 du code civil et L. 313-7 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir relevé que le bon de commande, bien que libellé au nom de la société Guiet frères mentionne le paiement du prix de CB Capflex, l'arrêt retient qu'il s'en évince que la commande a été effectuée par l'intermédiaire d'un crédit-bail. Il ajoute que la société Guiet frères n'a agi que comme mandataire du crédit-bailleur pour la signature de cette commande, que le procès-verbal de livraison a été signé par la société Migaud en qualité de mandataire du bailleur et que, par l'envoi du contrat de location, la société CNH industrial Capital avait ratifié le mandat en vertu duquel l'entreprise utilisatrice a souscrit l'obligation et pris livraison du matériel.

5. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a caractérisé l'accord des parties pour la conclusion du crédit-bail, a légalement justifié sa décision.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. La société Migaud fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes tendant à voir constater qu'elle était demeurée propriétaire du déchaumeur que la société Guiet frères détenait sans droit ni titre, à voir en conséquence cette dernière condamnée à le lui restituer ainsi qu'à lui payer une indemnité de détention, et à voir ordonner une expertise de l'état du bien devant être restitué, alors que « le droit de propriété constitue un droit réel opposable à tous, dont la preuve peut être rapportée par tout moyen ; qu'aussi bien, celui qui prétend être demeuré propriétaire d'un bien en vertu d'une clause de réserve de propriété, faute de règlement de son prix, peut faire la preuve par ce biais de son droit de propriété, y compris à l'encontre des tiers au contrat renfermant cette clause ; qu'en considérant que la clause de réserve de propriété dont était assorti le bon de commande du déchaumeur litigieux n'était opposable qu'à l'établissement de crédit-bail supposé avoir acquis ce bien, mais non à la société Guiet Frères, pour la raison qu'elle n'aurait signé ce bon de commande qu'en qualité de mandataire du crédit-bailleur, pour en déduire que la société Migaud ne rapportait pas la preuve de son droit de propriété, la cour d'appel a violé les articles 544 et 1199 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 544, 1199, 1200 et 2371 du code civil :

7. Il résulte du premier de ces textes que la propriété d'un bien se prouve par tous moyens et de ces autres textes que le vendeur d'un bien vendu avec réserve de propriété peut demander au tiers détenteur du bien sa restitution à défaut de complet paiement à l'échéance.

8. Pour dire irrecevables les demandes de la société Migaud tendant à voir constater qu'elle était demeurée propriétaire du déchaumeur, à voir en conséquence la société Guiet frères condamner à le lui restituer, l'arrêt retient que la clause de réserve de propriété, mentionnée en tête du bon de commande que la société Migaud n'a signée qu'en qualité de mandataire du crédit-bailleur, n'est opposable qu'à la société CNH Industrial Capital.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'une clause de réserve de propriété en faveur de la société Migaud était prévue sur le bon de commande et que la société Guiet frères en avait connaissance dès lors qu'elle l'avait signé le 27 août 2018, en qualité d'utilisatrice crédit-preneuse du matériel demeuré impayé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. La société Migaud fait le même grief à l'arrêt alors « qu'une cour d'appel ne peut écarter les prétentions dont elle est saisie sans avoir préalablement examiné les nouvelles pièces produites devant elle pour justifier les prétentions soumises aux premiers juges ; qu'en retenant, par motifs adoptés du jugement entrepris, qu'il n'était pas justifié du non règlement du prix dû à la société Migaud par la société CNH Industrial Capital et donc de la conservation par la société Migaud de son droit de propriété sur ce bien et, de nouveau par motif propre, que la société Migaud ne rapportait pas la preuve de son droit de propriété sur le bien litigieux, sans avoir examiné l'attestation que la société Migaud avait obtenue le 12 janvier 2021 de la société CNH Industrial Capital Europe, produite pour la première fois en cause d'appel, aux termes de laquelle le crédit-bailleur avait expressément confirmé "n'avoir procédé à aucun paiement au profit (de la société Migaud) concernant le matériel litigieux" et précisé que "de ce fait, le matériel en cause n'a fait l'objet d'aucun transfert de propriété entre les sociétés Migaud et CNH Industrial Capital", la cour d'appel a entaché son arrêt d'une insuffisance de motifs, en violation des articles 455 et 563 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 455 et 563 du code de procédure civile :

11. Il résulte de ces textes que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions.

12. Pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel retient que la clause de réserve de propriété, mentionnée en tête dudit bon de commande, n'est opposable qu'à cette société jusqu'à paiement intégral du prix et que la société Migaud, n'étant pas cocontractante de la société Guiet frères, a été à bon droit été jugée irrecevable en ses actions aux fins de résiliation du contrat et de restitution du bien, ainsi qu'en sa demande d'expertise et sa demande indemnitaire, faute de preuve de sa qualité de propriétaire.

13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la clause de réserve de propriété figurait sur le bon de commande signé par la société Guiet frères et sans examiner, même succinctement l'attestation produite en cause d'appel par la société Migaud dans laquelle le crédit-bailleur avait expressément confirmé n'avoir procédé à aucun paiement au profit de la société Migaud, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

14. La société Migaud fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'après avoir considéré que la société Migaud, faute d'être la cocontractante de la société Guiet frères et faute de preuve de sa qualité de propriétaire, avait à bon droit été jugée irrecevable dans ses actions aux fins de résolution du contrat et de restitution du bien, ainsi qu'en sa demande d'expertise et sa demande indemnitaire, la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris qui avait jugé tout à la fois la société Migaud irrecevable et mal fondée en ses demandes, fins et prétentions, ce en quoi elle a consacré l'excès de pouvoir commis par les premiers juges et commis elle-même un excès de pouvoir, en violation de l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 122 du code de procédure civile :

15. Le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond.

16. L'arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement qui a déclaré irrecevable l'action de la société Migaud puis débouté celle-ci de ses demandes ;

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de la société Migaud tendant à voir constater qu'elle était demeurée propriétaire du déchaumeur que la société Guiet frères détenait et à voir celle-ci condamnée à le lui restituer et à payer une indemnité de détention et à ordonner une expertise, et, par voie de retranchement, en ce qu'il confirme le jugement qui a déclaré mal fondées les demandes de la société Migaud, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers autrement composée ;

Condamne la société Guiet frères aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Guiet frères à payer à la société Migaud la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400589
Date de la décision : 23/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 25 janvier 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 oct. 2024, pourvoi n°42400589


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400589
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