LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 octobre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 568 F-D
Pourvoi n° M 23-12.522
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 OCTOBRE 2024
La société Sopribat, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° M 23-12.522 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mutuelle des architectes français assurances (MAF assurances), société d'assurance mutuelle à côtisations variables, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 17],
2°/ à la société d'Architecture Rouquette-Vidal, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9], [Localité 6],
3°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 11], [Localité 22],
4°/ à M. [F] [N], domicilié [Adresse 14], [Localité 15],
5°/ à Mme [C] [Y], épouse [M], domiciliée [Adresse 12], [Localité 18],
6°/ à Mme [X] [Y], domiciliée [Adresse 26], [Localité 13],
7°/ à Mme [H] [Y], domiciliée [Adresse 10], [Localité 6], majeure sous tutelle ayant pour tuteur Mme [C] [Y],
8°/ à Mme [E] [Y], domiciliée [Adresse 7], [Localité 6],
9°/ à la société BPCE IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 23], [Localité 19], anciennement dénommée Assurances banque populaire IARD,
10°/ à la société Exo Gaine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 28], [Localité 20],
11°/ à la société SMABTP, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 16],
12°/ à la société Nojama, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10], [Localité 6],
13°/ à la société Chassaing technologies, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 25], [Localité 5], anciennement dénommée Sud Aveyron dépannages froid,
14°/ à la société Allianz IARD, dont le siège est [Adresse 24], [Localité 21],
15°/ à la société Ollier Alu, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 27], [Localité 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Sopribat, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français assurances et de la société d'Architecture Rouquette-Vidal, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la SMABTP, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Sopribat du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes [C], [X] [H] et [E] [Y] et contre les sociétés Axa France IARD, BPCE IARD, Exo Gaine, Nojama, Chassaing technologies, Allianz IARD et Ollier Alu.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 novembre 2022), en 2009, M. [N] a confié à la société d'architectes Rouquette-Vidal, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la réfection de l'étanchéité de la dalle d'un parking d'un immeuble à usage commercial donné à bail à la société Nojama.
3. L'exécution des travaux d'étanchéité a été confiée à la société Sopribat, assurée pour sa responsabilité décennale auprès de la SMABTP.
4. Se plaignant de nouveaux désordres, la locataire a assigné le bailleur, qui a appelé en garantie les constructeurs et leurs assureurs.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. La société Sopribat fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable des désordres n° 3 (deuxième cause) et de la condamner à relever et garantir M. [N] de ce chef, alors « que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; que les premiers juges n'ont pas retenu la responsabilité de la société Sopribat, mais celle de la société d'Architecture Rouquette-Vidal, dans la survenance des désordres n° 3 (deuxième cause) ; qu'en prétendant confirmer le jugement sur la responsabilité de la société Sopribat dans la survenance des désordres n° 3 (deuxième cause), sans caractériser l'existence d'une faute imputable à la société Sopribat, en lien de causalité avec les désordres litigieux, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé les conditions de la responsabilité de l'entreprise de travaux à l'égard du maître d'ouvrage, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
7. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
8. Pour déclarer la société Sopribat responsable des désordres n° 3 (deuxième cause), l'arrêt retient que la responsabilité de cette société n'est pas contestée dans la survenance des désordres n° 1 et n° 3, de sorte que le jugement doit être confirmé sur ce point.
9. En se déterminant ainsi, alors que la société Sopribat ne reconnaissait pas sa responsabilité, qui n'avait pas été retenue par le jugement au titre des désordres n° 3, sans caractériser en quoi ceux-ci pouvaient être imputés à un manquement à ses obligations contractuelles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
10. La société Sopribat fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que M. [N] sollicitait, dans ses conclusions, la confirmation du jugement qui avait condamné la société Sopribat, la SMABTP, la société d'Architecture Rouquette-Vidal et la MAF à le garantir au titre des désordres de la source n° 1, et la société d'Architecture Rouquette-Vidal et la MAF à le garantir des condamnations prononcées au titre de la source n° 3 des désordres (deuxième cause) ; qu'en condamnant la société Sopribat à garantir M. [N] des condamnations prononcées au titre des désordres n° 3 (deuxième cause), quand le maître d'ouvrage ne formulait aucune demande en ce sens contre la société Sopribat, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
11. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
12. L'arrêt condamne la société Sopribat à relever et garantir M. [N] pour les désordres n° 3 (deuxième cause).
13. En statuant ainsi, alors que M. [N] ne demandait pas la garantie de la société Sopribat de ce chef, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation s'étend à la condamnation de la société Sopribat à relever et garantir M. [N] des deux tiers des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais irrépétibles et des dépens et frais d'expertise judiciaire, y compris les sommes exposées à ce titre en appel.
Mise hors de cause
15. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la SMABTP, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Sopribat responsable pour les désordres n° 3 (deuxième cause), en ce qu'il la condamne à relever et garantir M. [N] pour les désordres n° 3 (deuxième cause) soit la somme de 53 532,28 euros TTC, et en ce qu'il la condamne à relever et garantir M. [N] des deux tiers des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais irrépétibles et des dépens et frais d'expertise judiciaire, y compris les sommes exposées à ce titre en appel, l'arrêt rendu le 24 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;
Met hors de cause la SMABTP ;
Condamne M. [N], la société d'Architecture Rouquette-Vidal et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [N], la société d'Architecture Rouquette-Vidal et la Mutuelle des architectes français à payer à la société Sopribat la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-quatre.