LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 octobre 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 947 F-D
Pourvoi n° B 22-18.972
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 OCTOBRE 2024
La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-18.972 contre l'arrêt rendu le 13 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à M. [E] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 mai 2022), le 17 novembre 2012, M. [F] (l'assuré) a sollicité de la caisse du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse), une autorisation préalable de prise en charge de soins programmés en Suisse pour le 17 décembre 2012.
2. La caisse ayant refusé cette prise en charge au motif qu'elle n'était pas prévue par la réglementation française, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours de l'assuré et de la condamner à lui payer une certaine somme au titre des frais médicaux exposés lors de cette intervention, alors :
« 1°/ que les caisses d'assurance maladie ne peuvent procéder, sur entente préalable, au remboursement des frais de soins dispensés aux assurés sociaux et à leurs ayants droit dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou en Suisse qu'à la condition que la prise en charge de ces soins soit prévue par la réglementation française ; que par suite, la demande d'entente préalable portant sur des soins dispensés le 17 décembre 2012, dont la prise en charge n'est pas prévue par la réglementation française, est inopérante ; qu'en ordonnant la prise en charge des soins litigieux, au motif que la demande d'entente préalable de l'assuré était demeurée sans réponse pendant quinze jours, la cour d'appel a violé l'article R. 332-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 27 avril 2005 au 24 mai 2014.
2°/ que les caisses d'assurance maladie ne peuvent procéder, sur entente préalable, au remboursement des frais de soins dispensés aux assurés sociaux et à leurs ayants droit dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou en Suisse qu'à la condition que la prise en charge de ces soins soit prévue par la réglementation française ; que par suite, la cour d'appel qui, faisant siennes les conclusions d'une précédente expertise, reconnaissait que la prise en charge des soins litigieux n'était pas prévue par la réglementation française et, d'autre part, que « les dispositions applicables lors de la demande d'autorisation permettaient à la caisse d'opposer un refus pour le seul motif que les soins envisagés ne figurent pas parmi les soins dont la prise en charge est prévue par la réglementation française » n'a pu ordonner la prise en charge des soins litigieux, sans violer l'article R. 332-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 27 avril 2005 au 24 mai 2014. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 20 § 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, rendu applicable par la décision n° 1/2012 du 31 mars 2012 du comité mixte institué par l'Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération Suisse, d'autre part, et les articles R. 332-3 et R. 332-4, devenus R. 160-1 et R. 160-2, du code de la sécurité sociale :
4. En application des dispositions combinées des deux premiers de ces textes, les soins dispensés aux assurés sociaux ou à leurs ayants droit qui s'avèrent médicalement nécessaires au cours d'un séjour temporaire dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse font l'objet, en cas d'avance de frais, d'un remboursement par les caisses d'assurance maladie dans les conditions prévues dans l'Etat de séjour ou, en cas d'accord de l'assuré social, dans les conditions prévues par la législation française, sans que le montant du remboursement puisse excéder le montant des dépenses engagées par l'assuré et sous réserve des adaptations prévues aux articles R. 332-4 à R. 332-6.
5. Il résulte des dispositions combinées des premier et dernier de ces textes que les soins dispensés, sur autorisation préalable des caisses d'assurance maladie, dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse, dans le cadre d'un déplacement aux fins de recevoir un traitement adapté, sont soumis aux mêmes règles de remboursement. En l'absence de réponse de la caisse dans le délai qui lui est imparti pour statuer sur la demande de l'assuré, l'autorisation est réputée accordée.
6. Pour accueillir le recours de l'assuré, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient, après avoir constaté que les soins litigieux ne sont pas pris en charge par la réglementation française, que la décision de rejet est intervenue le 18 décembre 2012 alors que la demande d'accord préalable de l'assuré a été reçue par la caisse le 20 novembre 2012. Il en déduit qu'en I'absence de décision de refus de prise en charge notifiée au plus tard le 5 décembre 2012, l'assuré était en droit de considérer sa demande comme étant réputée accordée. Il ajoute que la prise en charge des soins litigieux doit être ordonnée en considération, d'une part, des conclusions de l'expertise technique, dont il résulte que les soins litigieux ne peuvent être prodigués en France dans le cadre d'un traitement identique, d'autre part, de la possibilité d'exercer un recours ouvert, en cas de refus de l'organisme, par le dernier alinéa de l'article R. 332-4 du code de la sécurité sociale.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que l'intervention chirurgicale litigieuse ne figurait pas au nombre des actes dont la prise en charge est prévue par la réglementation française, ce dont il résultait que la caisse n'était pas tenue au remboursement des frais avancés par l'assuré, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Il résulte de ce qui est dit au point 7 que la caisse n'étant pas tenue au remboursement des soins litigieux, il y a lieu de débouter l'assuré de sa demande de remboursement de la somme de 6 877,55 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement qui déclare recevable le recours de M. [F], l'arrêt rendu le 13 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
INFIRME le jugement pour le surplus ;
DEBOUTE M. [F] de sa demande de prise en charge de son intervention chirurgicale du 17 décembre 2012 ;
Condamne M. [F] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [F], tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence et le condamne à payer à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 3 000 euros.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-quatre.