LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 24-84.778 F-D
N° 01396
SL2
16 OCTOBRE 2024
CASSATION
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 OCTOBRE 2024
M. [J] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans, en date du 25 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J] [V], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Bloch, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [J] [V] a été mis en examen des chefs susmentionnés et placé en détention provisoire le 9 novembre 2023.
3. Par ordonnance du 4 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé sa détention provisoire.
4. M. [V] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prolongé la détention provisoire de M. [V] « à l'issue d'une audience tenue en visioconférence sans que la chambre de l'instruction se soit assurée de ce que ce procédé avait été accepté par l'intéressé ; l'arrêt a donc été rendu en violation des articles 706-71 et 199 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 706-71 du code de procédure pénale :
6. Il se déduit de ce texte que la personne détenue, lorsqu'elle est avisée de la date de l'audience au cours de laquelle il sera statué sur son placement en détention provisoire ou la prolongation de cette mesure, et du fait que le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle est envisagé, doit être informée de son droit de s'opposer à l'utilisation de ce moyen.
7. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que M. [V] a comparu par visioconférence à l'audience de la chambre de l'instruction devant statuer sur la prolongation de sa détention provisoire.
8. Si l'avis d'audience adressé le 16 juillet 2024 à la personne détenue mentionne que le président de la chambre de l'instruction a décidé de l'entendre en visioconférence, il ne l'informe pas de son droit de s'opposer à l'utilisation de ce moyen.
9. En statuant ainsi, alors que M. [V], s'il a été informé du recours à la visioconférence, ne l'a pas été de son droit de le refuser et que le fait qu'il ait comparu à l'audience par visioconférence sans s'y opposer ne vaut pas acceptation de l'utilisation de ce procédé, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
10. La cassation est par conséquent encourue.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prolongé la détention provisoire de M. [V] après avoir déclaré irrecevables les pièces dites complémentaires déposées à l'audience non visées dans le mémoire en défense, alors « que si aux termes de l'article 198 du code de procédure pénale tel qu'interprété par la chambre criminelle les mémoires des parties devant la chambre de l'instruction qui peuvent être déposés « jusqu'au jour de l'audience » doivent l'être au plus tard la veille de cette audience, il n'en est pas de même de pièces qui n'ont pas d'autre pas but que d'étayer les moyens d'un mémoire régulièrement déposé sans rien changer à l'argumentation des parties ; en déclarant irrecevables des pièces versées lors de l'audience aux fins d'appuyer la demande de mise en liberté au besoin sous contrôle judiciaire formulée régulièrement par écrit, la chambre de l'instruction a violé les articles 5 et 6 de la convention européenne des droits de l'homme, les droits de la défense et l'article 198 du code de procédure pénale dont elle a donné ainsi une interprétation disproportionnée. »
Réponse de la Cour
Vu les articles préliminaires et 198 du code de procédure pénale :
12. Les dispositions de l'article 198 susvisé ne font pas obstacle à ce que celui qui comparait devant la chambre de l'instruction puisse verser les pièces utiles à sa défense, afin qu'elles soient contradictoirement débattues, quand bien même elles ne seraient pas mentionnées dans le mémoire déposé dans le délai imparti.
13. Pour déclarer irrecevables les pièces versées à l'audience par l'avocat de M. [V], l'arrêt attaqué énonce qu'elles ne sont pas visées dans le mémoire déposé au greffe de la chambre de l'instruction.
14. En statuant ainsi, dès lors que l'avocat de M. [V] pouvait verser à l'audience à laquelle il comparaissait toutes pièces, même non visées dans son mémoire, utiles à la défense de celui-ci, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
15. La cassation est par conséquent également encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans, en date du 25 juillet 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bourges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.