LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 24-84.966 F-B
N° 01395
SL2
16 OCTOBRE 2024
REJET
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 OCTOBRE 2024
[J] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 4 juillet 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de vol avec violences ayant entraîné la mort, a ordonné la prolongation exceptionnelle de sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [J] [G], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Michon, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. [J] [G], alors âgé de dix-sept ans, a été mis en examen du chef rappelé ci-dessus et placé en détention provisoire le 5 juin 2019.
3. Il a été mis en accusation devant la cour d'assises des mineurs et condamné à vingt ans de réclusion criminelle par arrêt du 10 février 2023.
4. Il a interjeté appel de cette décision.
5. La chambre de l'instruction a ordonné une prolongation exceptionnelle pour six mois de sa détention provisoire par arrêt du 8 février 2024, lequel a été cassé par arrêt de notre chambre du 22 mai 2024 (pourvoi n° 24-81.369) au motif que les mentions de l'arrêt ne permettaient pas de s'assurer que la décision avait été rendue par une juridiction compétente.
6. L'affaire a été renvoyée devant la juridiction du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.
7. Par « arrêt » du 19 juin 2024, le président de la chambre de l'instruction a ordonné une prolongation de la détention provisoire pour une durée de six mois.
8. C'est l'arrêt attaqué par un pourvoi du 21 juin 2024 (n° 24-84.776).
9. Puis, saisi par le procureur général, le président de la chambre de l'instruction a tenu une audience lors de laquelle [J] [G] a comparu en visioconférence.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
10. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prolongé sa détention provisoire pour une durée de six mois supplémentaires, alors « que par dérogation à l'article 706-71 du code de procédure pénale, il ne peut pas être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour statuer sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire d'un mineur, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que monsieur [G], poursuivi en qualité de mineur, a comparu pour le débat relatif à la prolongation de sa détention provisoire par visioconférence ; qu'en statuant ainsi, sans qu'il ne soit fait état dans l'arrêt ni dans aucune autre pièce de la procédure que son transport paraissait devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion, le président de la chambre de l'instruction, statuant en chambre du conseil, a violé l'article L. 334-6 du code de la justice pénale des mineurs. »
Réponse de la Cour
12. C'est à tort que le président de la chambre de l'instruction a procédé au débat aux fins de prolongation exceptionnelle de la détention provisoire par visioconférence sans constater l'existence de risques graves de troubles à l'ordre public ou d'évasion, dès lors qu'il résulte de la combinaison des articles L. 15-2 et L. 334-6 du code de la justice pénale des mineurs que le recours à la visioconférence n'est possible, pour un mineur devenu majeur en cours de procédure, qu'à cette condition.
13. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que [J] [G], majeur au moment des débats et assisté d'un avocat, ayant accepté le recours à la visioconférence et n'ayant soulevé aucune contestation, a ainsi renoncé à se prévaloir de cette irrégularité.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prolongé sa détention provisoire pour une durée de six mois supplémentaires, alors :
« 1°/ que la cassation d'un arrêt constituant le titre de détention du demandeur au motif que ses mentions ne permettent pas de s'assurer qu'il a été rendu par une juridiction compétente entraîne l'annulation de ce titre de détention et, sauf intervention d'un nouveau titre de détention avant l'expiration du précédent, l'impossibilité pour une juridiction d'en ordonner sa prolongation ; que lorsque l'accusé est détenu, si l'audience ne peut se tenir devant la cour d'assises d'appel avant l'expiration du délai d'un an à compter de l'appel, le président de la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel, par une décision mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle durée de six mois, qui peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par un arrêt en date du 22 mai 2024 (pourvoi n° R 24-81.369), la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 8 février 2024 qui avait ordonné une première prolongation exceptionnelle de la détention provisoire de monsieur [G] pour une durée de six mois supplémentaires au motif que les mentions contradictoires de la décision ne permettaient pas de déterminer si cette dernière avait été rendue par la chambre de l'instruction ou par son président, seul compétent pour ordonner cette prolongation ; que ce n'est que le 19 juin 2024, soit plus d'un an après l'appel interjeté par monsieur [G] le 16 février 2023 à l'encontre de l'arrêt de la cour d'assises de mineurs, soit après l'expiration du précédent titre de détention, que la juridiction de renvoi a ordonné une première prolongation de la détention provisoire de monsieur [G] ; qu'en l'état de cette première prolongation tardive, le président de la chambre de l'instruction, statuant en chambre du conseil, ne pouvait à nouveau prolonger la détention provisoire de monsieur [G] pour une durée de six mois supplémentaires ; qu'en statuant ainsi, le président de la chambre de l'instruction, statuant en chambre du conseil, a violé les articles 380-3-1 du code de procédure pénale, et 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ subsidiairement, que la juridiction qui statue après cassation d'une décision qui a ordonné à titre exceptionnel la prolongation de la détention provisoire au motif que ses mentions contradictoires ne permettaient pas de déterminer si cette dernière avait été rendue par la chambre de l'instruction ou par son président, seul compétent pour ordonner cette prolongation doit, après cet anéantissement des mentions de l'arrêt, rechercher si la décision en question avait été rendue par une juridiction compétente et, dans la négative, constater l'absence de titre de détention et ordonner une remise en liberté ; qu'en ne procédant pas à une telle recherche, le président de la chambre de l'instruction, statuant en chambre du conseil, a violé les articles 380-3-1 et 593 du code de procédure pénale, et 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ plus subsidiairement, qu'à supposer que la première prolongation exceptionnelle de la détention provisoire, ordonnée le 19 juin 2024 pour une durée de six mois supplémentaires, était valable, une nouvelle prolongation le 4 juillet 2024 pour une nouvelle durée de six mois était hâtive ; qu'en statuant comme il l'a fait, le président de la chambre de l'instruction, statuant en chambre du conseil, a violé les articles 380-3-1 du code de procédure pénale, et 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
16. Pour écarter le moyen présenté par [J] [G], selon lequel sa détention n'a pas été prolongée dans le délai légal en raison de la cassation intervenue, la décision attaquée énonce qu'une décision de prolongation a bien été prise dans le délai légal, du fait de la décision intervenue le 8 février 2024, et que la Cour de cassation n'a pas considéré que [J] [G] était détenu sans titre.
17. En statuant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
18. Dès lors, le moyen doit être écarté.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'en application des dispositions des articles 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.