LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 octobre 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1036 F-D
Pourvoi n° G 23-13.002
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 OCTOBRE 2024
Mme [L] [M], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 23-13.002 contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2022 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société GIE Logistic, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [M], de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société GIE Logistic, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Palle, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 20 janvier 2022), Mme [M] a été engagée en qualité de responsable unité organisation/coordination par le GIE Logistic le 13 mars 2012 et a été affectée au service maintenance et sécurité des sites extérieurs dépendant de la direction « Covea Immobilier ».
2. Selon un avis du 28 novembre 2016, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste et apte à un autre poste dans un autre département de l'entreprise.
3. Licenciée le 27 mars 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de ses demandes en paiement d'indemnités de préavis, de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de remise de documents de fin de contrat rectifiés, alors « que le refus par le salarié inapte du poste de reclassement proposé n'implique pas à lui seul le respect de son obligation par l'employeur, auquel il appartient d'établir qu'il ne dispose d'aucun autre poste compatible avec l'état de santé de ce salarié ; que pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré que l'employeur justifiait de recherches conformes aux préconisations de la médecine du travail (visite médicale du 28 novembre 2016) effectuées au sein du groupe MAAF/MMA et que la seule circonstance qu'aucun poste correspondant, en termes de fonctions et de rémunération, à l'emploi dont été titulaire Mme [M] avant la déclaration d'inaptitude était insuffisante à caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de moyens de recherche sérieuse et loyale de reclassement ; qu'en statuant par ces motifs, alors qu'elle relevait dans le même temps que l'employeur avait proposé, le 26 janvier 2017, à la salariée un seul poste de reclassement éloigné de son domicile, qui entraînait une baisse de sa rémunération et de sa classification (poste de manager sinistres construction), bien que par lettre du 17 janvier 2017, les responsables ressources humaines MAAF/MMA avaient indiqué à l'employeur qu'il existait au moins deux postes disponibles compatibles avec les préconisations du médecin du travail, dont celui de responsable équipe Fidelia, ce dont il résultait que l'employeur n'établissait pas qu'il ne disposait d'aucun autre poste que celui proposé compatible avec l'état de santé de la salariée ; que la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci, mélangé de fait et de droit, est nouveau.
6. La salariée soutenait devant la cour d'appel qu'un seul poste lui avait été proposé alors que deux postes de reclassement avaient été identifiés.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
8. Selon ce texte, lorsqu'à l'issue de la suspension du contrat de travail consécutive à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
9. Pour dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, l'employeur ayant satisfait à son obligation de recherche de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail, l'arrêt constate que l'employeur a interrogé les responsables des services des ressources humaines MAAF/MMA, que le 17 janvier 2017 il lui a été indiqué que deux postes étaient disponibles, que le 26 janvier 2017, l'employeur a proposé un poste de manager sinistres construction à la MMA [Localité 3] à la salariée qui l'a refusé le 1er février 2017 en indiquant, notamment, que cette proposition entraînait un déclassement fonctionnel et salarial inacceptable.
10. L'arrêt retient ensuite que la seule circonstance qu'aucun poste correspondant, en termes de fonctions et rémunération à l'emploi dont la salariée était titulaire avant la déclaration d'inaptitude, n'était disponible, est insuffisante à caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement.
11. En statuant ainsi, alors que le refus par la salariée du poste de reclassement proposé n'implique pas à lui seul le respect de l'obligation de recherche de reclassement par l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [M] de ses demandes en nullité du licenciement et en dommages-intérêts fondées sur le harcèlement moral et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention des risques psycho-sociaux, l'arrêt rendu le 20 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne le GIE Logistic aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le GIE Logistic et le condamne à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.