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16/10/2024 | FRANCE | N°42400577

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 octobre 2024, 42400577


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


CC






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 16 octobre 2024








Rejet




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 577 F-D


Pourvoi n° P 23-20.114








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 OCTOBRE 2024


L'Association régionale pour l'intégration (ARI), association Loi 1901, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 23-20.114 cont...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CC

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 octobre 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 577 F-D

Pourvoi n° P 23-20.114

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 OCTOBRE 2024

L'Association régionale pour l'intégration (ARI), association Loi 1901, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 23-20.114 contre l'arrêt rendu le 4 mai 2023 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société Dexia crédit local, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de l'association régionale pour l'intégration, de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Dexia crédit local, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 mai 2023), en 2008, la société Dexia crédit local (la société Dexia) a consenti à l'association de parents et amis d'enfants handicapés Chrysalide Arc-en-ciel ¿ 13 Est (l'association Arc-en-ciel) un prêt destiné à financer des investissements, comprenant une clause relative aux conditions de remboursement anticipé du prêt.

2. En 2011, l'association Arc-en-ciel a procédé, avec l'accord de la société Dexia, à un apport partiel d'actifs, comprenant le prêt litigieux, à l'Association régionale pour l'intégration (l'ARI).

3. Soutenant que la clause relative au remboursement anticipé créait un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, l'ARI a, le 13 février 2013, assigné la société Dexia en annulation du contrat de prêt devant le tribunal judiciaire de Nanterre. En cause d'appel, l'ARI a invoqué le caractère abusif de cette clause.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'ARI fait grief à l'arrêt de confirmer les ordonnances rendues le 30 août 2019 et le 23 octobre 2020 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre, de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a fondé l'irrecevabilité de son action sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription et, statuant à nouveau et y ajoutant, de dire, sur saisine d'office, que l'ARI ne peut prétendre au bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation, rejeter en conséquence sa demande subséquente de nullité du contrat de prêt fondée sur l'existence d'une clause abusive, déclarer l'ARI irrecevable en sa demande de nullité du contrat de prêt fondée sur les dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence, rejeter l'ensemble de ses demandes de condamnation formées à l'encontre de la société Dexia, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles L. 442-6, III, alinéa 5, du code de commerce, dans sa version applicable à la cause, et D. 442-3 du même code que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juridictions spécialisées dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce ; que, lorsqu'un tribunal non spécialisé tranche un litige portant, notamment, sur l'application de ce texte, et que l'appel dudit jugement a été formé devant la cour d'appel, non spécialisée, du ressort naturel du tribunal, il appartient alors à ladite cour d'appel de déclarer l'appel formé devant elle recevable, puis de relever d'office l'excès de pouvoir commis par le tribunal et, en conséquence, d'annuler le jugement, enfin, de se déclarer elle-même dépourvue de pouvoir juridictionnel pour statuer sur le litige portant, notamment, sur l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce ; qu'en l'espèce, en s'étant abstenue de relever d'office l'irrecevabilité des demandes formées devant le tribunal judiciaire de Nanterre, juridiction non spécialisée devant laquelle avait notamment été invoqué l'article L. 442-6 du code de commerce, la cour d'appel, qui était elle-même dépourvue de tout pouvoir juridictionnel pour statuer sur un litige portant notamment sur l'application de ce texte, a violé les articles L. 442-6, III, alinéa 5, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019 applicable à la cause, ensemble l'article D. 442-3 du même code et l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, D. 442-3 et D. 442-4, devenus respectivement D. 442-2 et D. 442-3, du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par les deux derniers textes pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité, devenues l'article L. 442-1, du même code, institue une compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. L'ARI fait grief à l'arrêt de dire, sur saisine d'office, qu'elle ne peut prétendre au bénéfice des dispositions protectrices de code de la consommation, rejeter, en conséquence, sa demande subséquente de nullité du contrat de prêt fondée sur l'existence d'une clause abusive et rejeter l'ensemble de ses demandes de condamnation formée à l'encontre de la société Dexia, alors « que constitue un non-professionnel toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles, c'est-à-dire en rapport direct avec son activité professionnelle ; que, pour juger que l'ARI ne pouvait prétendre au bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation, la cour d'appel a affirmé que le contrat de financement souscrit par l'association Arc-en-ciel avait une destination professionnelle dans la mesure où il était destiné à financer "l'acquisition de l'immeuble de l'établissement construit par Nouveau Logis Provençal sur un terrain propriété de l'association, de financer les immobilisations immobilières de l'établissement Grande Linche, de consolider la trésorerie globale de l'association" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la destination professionnelle du contrat de prêt et, partant, à exclure la qualité de non-professionnelle de l'ARI, la cour d'appel a violé l'article liminaire du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article L. 132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

9. Est un non-professionnel, au sens de ce texte, une personne morale qui n'agit pas pour les besoins de son activité professionnelle.

10. Après avoir énoncé à bon droit que le fait qu'une personne morale n'ait, par principe, aucun but lucratif n'est pas exclusif de l'exercice d'une activité professionnelle et que l'application du droit de la consommation à une opération de crédit dépend non de la personnalité de la personne physique ou morale qui s'engage, mais de la destination contractuelle du prêt, fût-elle accessoire, l'arrêt relève, par motifs adoptés, que, ayant souhaité financer des investissements liés à son activité d'accueil, d'insertion et d'hébergement des personnes handicapées, l'association Arc-en-ciel a souscrit le prêt litigieux et, par motifs propres, qu'il résulte du procès-verbal du conseil d'administration de l'association que ce prêt avait pour objet de financer l'acquisition de l'immeuble de l'établissement Grande Linche, construit sur un terrain appartenant à l'association, de financer les immobilisations immobilières de cet établissement et de consolider la trésorerie globale de l'association. Il en déduit exactement que le contrat de prêt, destiné à financer des investissements de l'emprunteur, est intervenu pour les besoins des activités professionnelles de l'association Arc-en-ciel.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

12. L'ARI fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a fondé l'irrecevabilité de son action sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription et, statuant à nouveau et y ajoutant, dire, sur saisine d'office, qu'elle ne peut prétendre au bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation, rejeter en conséquence sa demande subséquente de nullité du contrat de prêt fondée sur l'existence d'une clause abusive et rejeter l'ensemble de ses demandes de condamnation formées à l'encontre de la société Dexia, alors :

« 1°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en confirmant le jugement, sauf en ce qu'il avait fondé l'irrecevabilité de l'action engagée par l'ARI sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, sans préciser le fondement juridique de l'irrecevabilité de l'action qu'elle confirmait en son principe, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

2°/ qu'un motif hypothétique équivaut à une absence de motif ; qu'en affirmant, pour confirmer le jugement en ce qu'il avait déclaré irrecevable l'action engagée par l'ARI, qu'en application du principe de concentration des moyens" l'appelante pourrait" être déclarée irrecevable à faire juger de nouveau la prétention visant à obtenir la nullité du contrat par la présentation d'un nouveau moyen, la cour d'appel a statué par un motif hypothétique, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article 563 du code de procédure civile ;

4°/ qu'excède ses pouvoirs le juge qui statue sur le fond après avoir déclaré l'action irrecevable ; qu'en jugeant que l'ARI ne pouvait prétendre au bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation, rejeter, en conséquence, la demande de l'ARI en nullité du contrat de prêt ainsi que l'ensemble de ses demandes de condamnation formées à l'encontre de la société Dexia, après avoir confirmé le jugement ayant déclaré son action irrecevable, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir en violation de l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

13. En premier lieu, l'arrêt énonce que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 2°, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, devenu l'article L. 442-1, I, 2°, du code de commerce, n'ont pas vocation à s'appliquer aux établissements dispensateurs de crédit et en déduit que la demande de l'ARI, en tant qu'elle est fondée sur ce texte, est irrecevable comme reposant sur un fondement juridique inopérant.

14. Dès lors, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de le rappeler dans le dispositif de l'arrêt, a précisé le fondement juridique de l'irrecevabilité de la demande de l'ARI en nullité du contrat de prêt fondée sur les dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence.

15. En second lieu, l'ARI n'ayant pas, en première instance, fondé sa demande sur les dispositions du code de la consommation, la cour d'appel, qui a confirmé le jugement déclarant irrecevable l'action de l'ARI, n'a pas excédé ses pouvoirs en disant que l'ARI ne pouvait prétendre au bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation et en rejetant, en conséquence, sa demande subséquente de nullité du contrat de prêt fondée sur l'existence d'une clause abusive.

16. Inopérant en ses deuxième et troisième branches, qui critiquent des motifs surabondants, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Association régionale d'insertion aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400577
Date de la décision : 16/10/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 mai 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 oct. 2024, pourvoi n°42400577


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent, SCP Françoise Fabiani - François Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400577
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