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16/10/2024 | FRANCE | N°12400562

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 octobre 2024, 12400562


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


MY1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 16 octobre 2024








Cassation partielle sans renvoi




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 562 F-D


Pourvoi n° K 23-16.385








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
__

_______________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 OCTOBRE 2024


1°/ Mme [B] [U], domiciliée [Adresse 1],


2°/ la société La Médicale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],


ont...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 octobre 2024

Cassation partielle sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 562 F-D

Pourvoi n° K 23-16.385

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 OCTOBRE 2024

1°/ Mme [B] [U], domiciliée [Adresse 1],

2°/ la société La Médicale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],

ont formé le pourvoi n° K 23-16.385 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2023 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [D] [W], Veuve [L], domiciliée [Adresse 6],

2°/ à M. [P] [W], domicilié [Adresse 9],

3°/ à Mme [C] [W], épouse [US], domiciliée [Adresse 4],

4°/ à M. [KH] [W], domicilié [Adresse 10],

5°/ à M. [X] [E], domicilié [Adresse 2],

6°/ à Mme [T] [N]-[W],

7°/ à Mme [S] [N]-[W],

8°/ à Mme [OG] [N], épouse [W], prise tant en son nom personnel, qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [A] [N]-[W] et [G] [N]-[W],

tous trois domiciliées [Adresse 10],

9°/ à M. [F] [US], domicilié [Adresse 7], pris tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs [H] [W]-[US] et [V] [W]-[US],

10°/ à Mme [Y] [J]-[W],

11°/ à M. [Z] [J]-[W],

12°/ à M. [M] [J]-[W],

13°/ à Mme [R] [J]-[W],

14°/ à M. [K] [J]-[W],

tous cinq domiciliés [Adresse 9],

15°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère, dont le siège est [Adresse 3], agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan,

16°/ à la mutuelle [Localité 11] Mederic, dont le siège est [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme [U], de la société La Médicale, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [D] et [C] [W], de MM. [P] et [KH] [W], après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 mars 2023), le 25 mai 2015, [O] [W] est décédé d'un infarctus du myocarde, après avoir consulté, le 21 mai 2015, Mme [U], cardiologue (le praticien), qui avait réalisé un examen clinique et un électrocardiogramme.

2. Après avoir obtenu une expertise en référé, Mme [D] [L], M. [P] [W], Mme [C] [W], M. [KH] [W], M. [X] [E], Mme [T] [W], Mme [S] [W], Mme [OG] [I], prise tant en son nom personnel, qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [A] [N] et [G] [N], M. [F] [US], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs [H] [US] et [V] [US], Mme [Y] [J], M. [Z] [J], M. [M] [J], Mme [R] [J], M. [K] [J] (les consorts [W]), ont assigné le praticien et la société La Médicale (l'assureur) en responsabilité et indemnisation.

3. La responsabilité du praticien a été retenue au titre d'un retard de diagnostic à l'origine d'une perte de chance de survie de 95%.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. Le praticien et l'assureur font grief à l'arrêt de les condamner à payer à Mme [D] [L] la somme de 74 713,33 euros au titre du préjudice économique résultant du décès de son mari, après application du taux de perte de chance de 95%, à la somme de 78 645,61 euros, alors « que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'il en résulte que la réparation du dommage ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'en cas de décès de la victime directe, le préjudice économique subi par les proches, correspondant à la perte de revenus de la victime directe, est constituée par la perte annuelle patrimoniale du foyer ; que pour capitaliser la perte annuelle patrimoniale du foyer, il convient de multiplier celle-ci par le prix de l'euro de rente viagère, en prenant compte le sexe de celui des deux époux qui avait l'espérance de vie la plus faible, et son âge à la date du décès ; qu'en allouant à Madame [L] veuve [W], au titre de l'indemnisation de son préjudice économique résultant du décès de son mari, Monsieur [O] [W], d'une part, la somme de 62.057,61 euros, correspondant à la capitalisation de la perte annuelle patrimoniale du foyer, en prenant en compte l'âge de Monsieur [O] [W] à la date de son décès, à savoir 67 ans, et d'autre part, la somme de 16.588 euros au titre des aréages échus à compter de la date du décès de Monsieur [O] [W], à savoir juin 2015, jusqu'à la date de la décision de première instance, à savoir le 4 septembre 2019, pour en déduire un préjudice économique global de 74.713,33 euros, après application du taux de perte de chance de 95% à la somme de 78.645,61 euros, la Cour d'appel, qui a alloué à Madame [L] veuve [W] deux indemnités réparant le même préjudice, pour la période séparant la date du décès de celle du jugement de première instance, a violé le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

6. Il résulte de ce texte et de ce principe que le juge ne peut indemniser deux fois le même préjudice.

7. Pour fixer le préjudice économique subi par Mme [D] [L] à la suite du décès de son époux après avoir évalué sa perte annuelle de revenus, l'arrêt lui alloue les arrérages échus entre le 25 mai 2015, date du décès de son époux, et le 3 septembre 2019, date du jugement, puis capitalise la perte annuelle en retenant un euro de rente correspondant à l'âge de M. [W] au moment du décès.

8. En statuant ainsi, sans prendre en compte, pour capitaliser la perte annuelle de revenus, l' euro de rente correspondant à l'âge qu'aurait eu [O] [W] au jour du jugement, la cour d'appel a indemnisé deux fois le préjudice économique sur la période entre le décès et le jugement et violé le texte et le principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. En retenant une perte annuelle, dont le montant n'a pas été discuté par les parties, de 3 903,24 euros, il y a lieu d'allouer à Mme [D] [L] :
- du 25 mai 2015 au 4 septembre 2019, les arrérages échus évalués à 16 588 euros ([3 903,24 : 12 mois] x 51 mois) ;
- pour l'avenir une indemnité obtenue en appliquant la table 2018 avec un taux d'intérêt à 0,50%, avec l'euro de rente viagère pour un homme de 71 ans (l'âge qu'aurait eu M. [W] en 2019) : 3 903,24 euros x 13,265 = 51 776 euros.
Soit un total de : 16 588 + 51 776 = 68 364 euros.

12. La cassation du chef de dispositif condamnant le praticien et son assureur à indemniser le préjudice économique de Mme [D] [L] n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant Mme [U] et la société La Médicale aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [U] et la société La Médicale à payer à Mme [D] [L] la somme de 74 713,33 euros au titre de son préjudice économique, l'arrêt rendu le 29 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne in solidum Mme [U] et la société La Médicale à payer à Mme [D] [L] la somme de 68 364 euros en réparation de son préjudice économique consécutif au décès de son époux ;

Condamne Mme [D] [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400562
Date de la décision : 16/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 29 mars 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 oct. 2024, pourvoi n°12400562


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400562
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