LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 octobre 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1013 F-B
Pourvoi n° D 23-17.506
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 OCTOBRE 2024
Le groupement d'intérêt économique Alliance gestion, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-17.506 contre le jugement rendu le 9 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Paris (pôle social, contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à la féderation syndicale FIECI CFE-CGC,
2°/ à la Fédération nationale du personnel de l'encadrement des sociétés de service informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie (FIECI),
3°/ au Syndicat national de l'encadrement des professionnels des études et des conseils (SNEPEC),
tous trois ayant leur siège [Adresse 3],
4°/ à Mme [L] [H], domiciliée [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du groupement d'intérêt économique Alliance gestion, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la féderation syndicale FIECI CFE-CGC, de la Fédération nationale du personnel de l'encadrement des sociétés de service informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie, du Syndicat national de l'encadrement des professionnels des études et des conseils et de Mme [H], après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 9 juin 2023), le 2 février 2023, le GIE Alliance gestion (le GIE) et la fédération syndicale FIECI CFE-CGC (le syndicat) ont signé un protocole d'accord préélectoral en vue du renouvellement de la délégation du personnel au comité social et économique, prévoyant notamment que les proportions de femmes et d'hommes étaient respectivement de 70,24 % et 29,76 % dans le premier collège, trois sièges étant à pourvoir.
2. Par lettre du 22 février 2023, le syndicat a adressé au GIE au titre des « candidatures CFE-CGC pour le premier tour des élections du CSE du GIE Alliance gestion » pour le premier collège la candidature unique de Mme [H] en qualité de titulaire et suppléante.
3. Par lettre du 27 février 2023, le GIE a contesté la conformité de cette liste aux dispositions légales sur la représentation équilibrée entre les hommes et les femmes en demandant à l'organisation syndicale de modifier sa liste ou de la retirer. Le syndicat a maintenu sa liste.
4. A l'issue du premier tour du scrutin qui s'est déroulé le 13 mars 2023, le quorum n'a pas été atteint. Mme [H], qui était la seule candidate, a obtenu 100 % des suffrages valablement exprimés. Elle a été élue en qualité de titulaire au second tour qui s'est tenu le 28 mars 2023 où elle s'était présentée comme candidate libre.
5. Le 3 avril 2023, le GIE a saisi le tribunal judiciaire aux fins de juger que la liste de candidats présentée par le syndicat au premier tour des élections professionnelles organisées au sein du GIE Alliance gestion pour le premier collège, non-cadres, était irrégulière au regard des règles relatives à la représentation équilibrée des hommes et des femmes et à l'interdiction de présenter un unique candidat si plusieurs sièges sont à pourvoir et demandé en conséquence que ce syndicat soit jugé non représentatif et que les élections professionnelles soient annulées.
6. Par jugement du 9 juin 2023, le tribunal a débouté le GIE de l'ensemble de ses demandes principales, dont celle de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 2314-30 du code du travail.
7. A l'occasion du pourvoi formé contre ce jugement, le GIE a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Les dispositions de l'alinéa 3 de l'article L. 2314-32 du code du travail, qui ne prévoient comme sanction du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 du même code que la simple annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter, portent-elles atteinte, en ce qu'elles ne prévoient pas l'annulation des élections même lorsque l'irrégularité dans le déroulement des élections née de la présentation par une organisation syndicale d'une liste de candidat ne répondant pas aux exigences d'ordre public de l'article L. 2314-30 a été déterminante de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise, au principe résultant de l'article 34 de la Constitution selon lequel l'incompétence négative du législateur ne doit pas affecter un droit ou une liberté que la Constitution garantit, en l'occurrence le droit des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail et le principe d'égalité tels que garantis par les alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et les articles 1er, 5 et 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ? »
8. Par arrêt du 10 octobre 2023, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. Le GIE fait grief au jugement de le débouter de l'ensemble de ses demandes principales et de dire n'y avoir lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 2314-30 du code du travail, alors « que les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 2314-32 du code du travail, en ce qu'elles prévoient que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 n'entraîne que l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter, est contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée par le Conseil constitutionnel après renvoi par la Cour de cassation, privera le jugement attaqué de fondement juridique. »
Réponse de la Cour
11. La Cour de cassation ayant dit n'y avoir lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, le moyen est inopérant.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Le GIE fait grief au jugement de le débouter de l'ensemble de ses demandes principales, alors :
« 1°/ que les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin constituent une cause d'annulation des élections si, s'agissant du premier tour, elles ont été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise ; que lorsqu'une organisation syndicale présente au premier tour des élections une liste ne présentant qu'un seul candidat et ne respectant pas les exigences de l'article L. 2314-30 du code du travail et obtient plus de 10 % des suffrages exprimés, il en résulte que l'irrégularité est déterminante dans la qualité représentative de cette organisation syndicale, puisque si celle-ci avait respecté les exigences de l'article L. 2314-30 du code du travail, elle n'aurait pas présenté de liste, de sorte qu'elle n'aurait pas pu recueillir au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour et donc être jugée représentative ; qu'en l'espèce, pour débouter le GIE Alliance gestion de sa demande d'annulation des élections professionnelles, le tribunal judiciaire s'est borné à relever que "l'annulation, en application des dispositions de l'article L. 2314-32 du code du travail, de l'élection d'un candidat au titre du non-respect par la liste de candidats des prescriptions prévues à l'article L. 2314-30 du même code est sans effet sur la condition d'audience électorale requise par l'article L. 2122-1 (Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 2020 - n° 19-18.613)" ; qu'en statuant ainsi quand l'irrégularité qui entachait la liste de la FIECI CFE-CGC avait été déterminante dans la qualité représentative de cette organisation syndicale puisque celle-ci, qui n'avait présenté qu'une seule candidate sur sa liste, n'aurait pas dû présenter de liste et n'aurait donc pas dû recueillir au moins 10 % des suffrages au premier tour des élections et être jugée représentative, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2122-1, L. 2143-3, L. 2314-24 et L. 2314-5, L. 2314-30 du code du travail et les principes généraux du droit électoral ;
2°/ que les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin constituent une cause d'annulation des élections si elles ont eu une influence sur le résultat des élections ou si elles ont été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, en déboutant le GIE Alliance Gestion de sa demande d'annulation des élections professionnelles sans rechercher, comme il y était invité, si mise à part la FIECI CFECGC, les autres organisations syndicales n'avaient pas respecté les dispositions d'ordre public de l'article L. 2314-30 du code du travail en ne présentant pas de listes, ce qui les avait privées de la possibilité d'être jugées représentatives, de sorte que l'irrégularité qui entachait la liste de la FIECI CFE-CGC avait été déterminante sur le résultat du premier tour des élections et sur la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2122-1, L. 2143-3, L. 2314-24 et L. 2314-5, L. 2314-30 du code du travail et les principes généraux du droit électoral. »
Réponse de la Cour
13. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code du travail, dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants.
14. Il résulte par ailleurs de l'article L. 2314-32 du code du travail que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 entraîne la seule sanction de l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter et que, l'annulation, en application des dispositions de l'article L. 2314-32 du code du travail, de l'élection d'un candidat au titre du non-respect par la liste de candidats des prescriptions prévues à l'article L. 2314-30 du même code est sans effet sur la condition d'audience électorale requise par l'article L. 2122-1 du même code pour l'acquisition de la qualité de syndicat représentatif.
15. C'est en conséquence à bon droit que le tribunal a rejeté la demande du GIE d'annulation du premier tour des élections et consécutivement du score électoral du syndicat, ainsi que la demande d'annulation des élections, sans avoir à procéder aux recherches visées au moyen quant aux comportements hypothétiques du syndicat et d'éventuelles autres organisations syndicales et peu important qu'un second tour ait été organisé compte tenu du nombre de votants au premier tour.
16. Le moyen est, dès lors, inopérant.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le GIE Alliance gestion et le condamne à payer à la fédération syndicale FIECI CFE-CGC, à la Fédération nationale du personnel de l'encadrement des sociétés de service informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie, au Syndicat national de l'encadrement des professionnels des études et des conseils et à Mme [H] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille vingt-quatre.