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09/10/2024 | FRANCE | N°52401007

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 octobre 2024, 52401007


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 9 octobre 2024








Rejet




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1007 F-D


Pourvoi n° E 23-14.770






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
____________

_____________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 OCTOBRE 2024


La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 23-14.770 contre l'arrêt rendu le 16 février 202...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 octobre 2024

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1007 F-D

Pourvoi n° E 23-14.770

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 OCTOBRE 2024

La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 23-14.770 contre l'arrêt rendu le 16 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [O] [W], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [W], après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société La Poste (La Poste) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2023), Mme [W] a été engagée en qualité de factrice par contrat à durée indéterminée du 31 janvier 2013 par La Poste. Elle a été élue secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en décembre 2014.

3. Le 5 septembre 2018, elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'annulation du blâme qui lui a été notifié le 7 novembre 2017 et de paiement de dommages-intérêts par l'employeur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. La Poste fait grief à l'arrêt d'annuler le blâme notifié le 7 novembre 2017 et de la condamner à verser à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors :

« 2°/ que s'analyse comme une réunion syndicale au sens des articles 4 à 7 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 la prise de parole d'un représentant syndical sur les lieux du service, dans le cadre de son mandat, pour exposer aux agents présents l'intérêt d'une grève à laquelle appelle l'organisation syndicale qu'il représente ; que la licéité d'une telle réunion est subordonnée à la formulation d'une demande d'autorisation au moins une semaine à l'avance ; qu'en l'espèce, il ressort de la lettre écrite et produite aux débats par la salariée, représentant du personnel et représentante syndicale CGT, qu'elle a été sanctionnée pour avoir, pendant une pause sur les lieux du service, tenu "en tant que représentante syndicale" à l'intention des agents présents des propos développant une "analyse critique de la loi travail [qu'elle jugeait] légitime puisque c'est [son] organisation syndicale CGT qui appelait à cette journée d'actions contre la loi Travail" ; que cette prise de parole de nature syndicale et en lien avec son mandat présentait le caractère d'une réunion syndicale, laquelle ne pouvait être tenue que moyennant une demande d'autorisation formulée au moins une semaine avant sa date, sans qu'il importe qu'elle se soit déroulée pendant le temps de pause ; qu'en annulant cependant cette sanction la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 4 à 7 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;

3°/ que si les agents de La Poste qui exercent des fonctions syndicales jouissent, comme les autres membres du personnel, de la liberté d'expression, cette liberté doit être conciliée, dans l'exercice de leur mandat, avec le respect des règles encadrant l'exercice du droit syndical dans la fonction publique qui leur sont applicables ; que méconnaît ces règles et encourt, dès lors, une sanction disciplinaire objectivement justifiée par l'abus commis dans l'exercice de son mandat, le représentant syndical qui, sans respecter la procédure d'autorisation préalable des réunions syndicales destinée à permettre à l'employeur de s'organiser, prend en cette qualité la parole sur les lieux du service pour inviter ses collègues à une grève organisée par l'organisation syndicale à laquelle il appartient ; que tel était le cas de la salariée qui avait expressément revendiqué avoir tenu sur le lieu de travail "en tant que représentante syndicale" à l'intention des agents présents des propos développant une "analyse critique de la loi travail [qu'elle jugeait] légitime puisque c'est [son] organisation syndicale CGT qui appelait à cette journée d'action contre la loi Travail" ; qu'en annulant la sanction délivrée pour cette méconnaissance des dispositions réglementaires gouvernant l'exercice du droit syndical aux motifs inopérants que "la salariée était en pause" et que "durant cette pause, les paroles de la salariée n'ont jamais été diffamatoires, ni injurieuses", la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 7 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982, ensemble par fausse application les articles L. 1121-1 et L. 1333-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail que, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression et qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Par ailleurs, le salarié titulaire d'un mandat, sauf abus, ne peut être sanctionné en raison de l'exercice de son mandat pendant son temps de travail.

7. D'autre part, il résulte des articles 4 et 7 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique que les réunions statutaires ou d'information que peuvent tenir les organisations syndicales à l'intérieur des bâtiments administratifs en dehors des horaires de service ne doivent pas porter atteinte au bon fonctionnement du service ou entraîner une réduction de la durée d'ouverture de ce service aux usagers, les demandes d'organisation de telles réunions devant, en conséquence, être formulées au moins une semaine avant la date de la réunion.

8. Ayant par motifs propres et adoptés, dans son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, d'une part constaté que les paroles imputées à la salariée avaient été tenues par celle-ci au cours d'une discussion de nature privée entre collègues sur leur temps de pause et non pas dans l'exercice de son mandat syndical, faisant ainsi ressortir que la tenue par la salariée, quoique titulaire d'un mandat électif, de tels propos ne constituait pas une réunion statutaire ou d'information d'une organisation syndicale soumise aux conditions de demande d'autorisation au sens des articles 4 et 7 du décret précité, et d'autre part retenu que ces propos n'étaient pas diffamatoires ni injurieux ou excessifs, de sorte que n'était caractérisé de la part de la salariée aucun abus à la liberté d'expression, la cour d'appel en a exactement déduit que le blâme notifié à la salariée devait être annulé.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société La Poste aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Poste et la condamne à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401007
Date de la décision : 09/10/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 février 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 oct. 2024, pourvoi n°52401007


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401007
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