LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1002 F-D
Pourvoi n° M 23-16.271
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [R], veuve [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 30 mars 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 OCTOBRE 2024
Mme [D] [R], veuve [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-16.271 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Le Nettoyage, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de Me Bouthors, avocat de Mme [R], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Le Nettoyage, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juin 2022) et les productions, Mme [R], veuve [E], a été engagée en qualité d'agent de service, le 1er décembre 2002, par la société Le Nettoyage (la société). Elle exerçait en dernier lieu la fonction de chef d'équipe.
2. Elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, le 1er juillet 2015.
3. Contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été intégralement remplie de ses droits durant la relation de travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 30 novembre 2015.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite en vertu de l'article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail, issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, sa demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, alors « qu'il résulte de l'article 455 du code de procédure civile que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs et que l'action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit, en vertu de la combinaison des articles 2244 du code civil et L. 1471-1 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 24 septembre 2017, par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'au cas présent, la cour d'appel, pour retenir le point de départ de la prescription concernant le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ne pouvait, comme elle l'a fait, omettre de prendre en compte la demande de Mme [E] telle qu'expressément mentionnée dans ses conclusions, visant le manquement de l'employeur au regard des visites médicales périodiques tous les 24 mois quand ces manquements n'ayant pas cessé de produire leurs effets avant la fin du contrat de travail, le point de départ du délai de prescription était ainsi reporté au 1er juillet 2015, date du licenciement de la salariée, la saisine prud'homale intervenue le 30 novembre 2015 n'étant pas alors atteinte par la prescription ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile pour défaut de réponse à conclusions, ensemble les articles 2244 du code civil et L. 1471-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
6. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de son employeur à son obligation de santé et de sécurité, l'arrêt retient qu'il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, et des dispositions transitoires de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, que la salariée aurait dû engager son action au plus tard le 17 juin 2015. Il ajoute que son action à ce titre était prescrite à la date de sa saisine du conseil de prud'hommes le 30 novembre 2015.
7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que son employeur avait manqué à son obligation de santé et de sécurité pour ne pas avoir organisé les visites médicales de reprise suite à un accident de travail et, de façon générale, ne pas avoir fait passer de visite médicale périodique tous les 24 mois, ce dont il résultait qu'elle se fondait sur des faits qui n'avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [E] de sa demande en dommages-intérêts pour manquement de son employeur à son obligation de santé et de sécurité, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Le Nettoyage aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Nettoyage à payer à Me Bouthors la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille vingt-quatre.