LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 octobre 2024
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1000 F-D
Pourvoi n° N 23-15.076
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 OCTOBRE 2024
Mme [M] [C], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-15.076 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Blédina, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Panetta, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [C], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Blédina, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Panetta, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 novembre 2022), Mme [C] a été engagée en qualité de chef de marché, le 6 septembre 2001, par la société Blédina (la société).
2. Victime d'un accident du travail, entraînant une incapacité permanente, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre notifiée le 19 juin 2015.
3. Elle a saisi la juridiction prud'homale, le 20 juin 2017, en contestation de son licenciement.
4. Parallèlement, la salariée a initié deux autres procédures, la première par requête du 25 mars 2014 devant un tribunal du contentieux de l'incapacité en contestation de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie puis en formant appel devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAT), la seconde par acte du 4 mars 2016, devant un tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) en reconnaissance d'une faute intentionnelle, à défaut d'une faute inexcusable, de l'employeur.
5. Par ordonnance du 23 janvier 2018, le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes a ordonné la radiation de l'affaire.
6. La salariée a sollicité la réinscription de l'affaire par acte du 27 janvier 2020.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de constater que l'instance initiée à l'encontre de la société le 20 juin 2017 est frappée de péremption et de dire l'ensemble de ses demandes irrecevables, alors « que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; que si une demande de renvoi n'est pas en soi une diligence, elle doit être considérée comme telle lorsqu'elle est motivée par d'importants problèmes de santé et donc par l'impossibilité de soutenir ses demandes à l'audience ; qu'en retenant que la demande de renvoi du 8 novembre 2019 (tout comme les demandes précédentes) formée dans le cadre de la procédure devant la juridiction de sécurité sociale ne constituait pas par elle-même une diligence au sens de l'article 386 du code de procédure civile, quand elle constatait que cette demande était motivée par ''d'importants problèmes de santé, le tribunal précisant que le rétablissement du dossier sera soumis à la justification que la demanderesse est en état de soutenir ses demandes à l'audience'', la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 386 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
9. Au sens de ce texte, la diligence interruptive s'entend de celle de nature à faire progresser l'affaire ou lui donner une impulsion procédurale.
10. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, ayant retenu que la demande de renvoi du 8 novembre 2019 présentée par la salariée ne constituait pas, par elle-même, une diligence au sens de ce texte, en a déduit qu'elle n'avait pas interrompu la péremption de l'instance.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
12. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ qu'en cas de lien de dépendance direct et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompent la péremption de l'autre instance ; que l'exposante faisait valoir que tant que la CNITAT n'avait pas déterminé son taux d'IPP, le TASS ne pouvait se prononcer sur la rente définitive en lien avec la demande de reconnaissance de la faute intentionnelle de l'employeur ; qu'elle ajoutait que tant que la CNITAT n'avait pas rendu sa décision concernant la rente définitive, elle ne pouvait chiffrer les dommages-intérêts à réclamer devant le conseil de prud'hommes pour perte de chance et violation de l'obligation de sécurité, ce dont il résultait que les trois procédures étaient intrinsèquement liées entre elles ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'existait aucun lien de dépendance direct et nécessaire entre l'instance prud'homale en contestation du licenciement et la procédure en fixation du taux d'incapacité, la première tendant à réparer les conséquences du licenciement pour inaptitude et non les conséquences de l'accident du travail à l'origine de l'inaptitude sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si les trois procédures n'étaient pas intrinsèquement liées entre elles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile ;
3°/ que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il résulte pour elle ni perte ni profit ; que pour rétablir Mme [C] dans la situation qui aurait été la sienne si elle n'avait pas subi le dommage, le juge prud'homal devait nécessairement prendre en compte le niveau de la rente accident du travail qui dépend du taux attribué par la CNITAT ; que la cour d'appel ne pouvait donc pas conclure à l'absence de lien de dépendance direct et nécessaire entre les trois procédures, sans à aucun moment se prononcer sur ce point ; qu'en ne le faisant pas, elle a également privé sa décision de base légale au regard du principe de réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
13. Il résulte de l'article 386 du code de procédure civile que, si, en principe, l'interruption de la péremption ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies dans une instance interrompant la péremption de l'autre instance.
14. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé qu'il n'y avait pas de lien de dépendance direct et nécessaire entre l'instance tendant à obtenir devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, la fixation d'un taux d'incapacité à la suite d'un accident du travail, celle devant le tribunal des affaires de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et celle engagée devant le conseil de prud'hommes en contestation du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
15. Le moyen, qui est inopérant en sa troisième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille vingt-quatre.