LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 octobre 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 549 F-D
Pourvoi n° U 23-16.301
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 OCTOBRE 2024
La société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° U 23-16.301 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société France eco Energy, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à M. [J] [Y], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 2 mars 2023), le 19 novembre 2018, par contrat conclu hors établissement, M. [Y] (l'emprunteur) a commandé auprès de la société France eco Energy (le vendeur) la fourniture et l'installation d'une centrale photovoltaïque et d'un chauffe-eau thermodynamique, dont le prix a été financé par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Projexio, aux droits de laquelle se trouve la société Cofidis (la banque).
2. Invoquant des irrégularités du bon de commande, l'emprunteur a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat principal et du crédit affecté.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser à l'emprunteur le montant total des échéances du prêt et de rejeter sa demande en remboursement du capital emprunté, alors « que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de services emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; qu'en se déterminant par la considération manifestement inopérante qu' en tout état de cause, l'emprunteur n'a jamais été destinataire des fonds empruntés, directement entre les mains du vendeur, et s'il a été livré de l'installation, il doit la tenir à disposition de ce dernier", la cour d'appel n'a pas caractérisé le préjudice subi par l'emprunteur consécutif à la faute commise par la banque, la restitution de l'installation étant la seule conséquence de l'annulation du contrat principal en raison de l'irrégularité formelle du bon de commande imputable au fournisseur, la cour d'appel a violé les articles L. 312-54 du code de la consommation et 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 312-55 du code de la consommation et 1231-1 du code civil :
4. En cas de résolution ou d'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, la faute du prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, ne dispense l'emprunteur de restituer le capital emprunté que si celui-ci justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
5. Pour condamner la banque à rembourser à l'emprunteur le montant total des échéances du prêt et rejeter sa demande en remboursement du capital emprunté, l'arrêt retient que le manquement de la banque à son obligation de vérifier la régularité du bon de commande avant de verser les fonds est à l'origine d'un préjudice pour l'emprunteur dès lors que celui-ci n'a pas pu mettre un terme à l'opération, qu'il n'a jamais été destinataire du capital du prêt, directement versé entre les mains du vendeur, et que s'il a été livré de l'installation photovoltaïque, il doit la tenir à disposition de ce vendeur.
6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le préjudice en lien causal avec la faute de la banque lors de la délivrance des fonds, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement formée contre le vendeur, alors « qu'en affirmant que la banque fournissait au vendeur un imprimé modèle bon de commande, quand il résultait clairement de l'article 3 de la convention de crédit vendeur signée le 10 mars 2017 entre le vendeur et la banque que celle-ci fournissait à son partenaire les seuls formulaires de documents précontractuels et contractuels de crédit, la cour d'appel a dénaturé ladite stipulation et violé l'article 1192 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
8. Pour rejeter le recours formé par la banque à l'encontre du vendeur, l'arrêt retient que la banque a fourni au vendeur un imprimé modèle de bon de commande insuffisamment précis pour permettre un descriptif des caractéristiques essentielles des biens achetés répondant aux prescriptions légales.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'article 3 de la convention signée le 10 mars 2017 entre le vendeur et la banque que celle-ci s'engageait à fournir à son partenaire les seuls formulaires de documents précontractuels et contractuels relatifs au contrat de crédit, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une certaine somme formée contre le vendeur, alors « que, dans ses conclusions d'appel, la société Cofidis faisait valoir qu'en vertu de l'article 6 de la convention crédit vendeur conclue avec la société France eco Energy Le vendeur est responsable à l'égard de Cofidis de la bonne exécution des obligations mises à sa charge lors de l'accord de crédit et plus généralement au titre de la présente convention. Il assume les conséquences financières qui pourraient découler du non-respect de ses obligations par lui et par ses préposés et supportera toute perte pouvant en résulter pour les établissements de crédit, en capital, intérêts et frais", et qu'en conséquence, elle était fondée à solliciter le remboursement des fonds qu'elle a transmis à la société venderesse mais également l'allocation d'une somme équivalente aux intérêts qu'elle aurait perçus si le contrat de crédit s'était poursuivi jusqu'à son terme" ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, tiré d'un recours contractuel de la banque contre le vendeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux
conclusions constitue un défaut de motifs.
12. Pour rejeter le recours formé par la banque à l'encontre du vendeur, l'arrêt retient qu'en fournissant au vendeur, qui n'est pas un professionnel du droit, un imprimé modèle de bon de commande insuffisamment précis pour permettre un descriptif des caractéristiques essentielles des biens achetés répondant aux prescriptions légales et en manquant à son obligation de vérification du bon de commande avant de procéder à la libération des fonds alors qu'elle dispose d'un service juridique spécialisé, la banque a commis des fautes qui sont à l'origine exclusive de son propre préjudice.
13. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la banque qui invoquait l'exécution d'une convention conclue avec le vendeur, stipulant que celui-ci était responsable de la bonne exécution des obligations mises à sa charge lors de l'accord de crédit, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Cofidis à rembourser à M. [Y] le montant total des échéances payées, soit la somme de 6 257,84 euros, sauf à parfaire à la date du jugement, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision, rejette la demande, formée par la société Cofidis contre M. [Y], en remboursement du capital emprunté, rejette la demande, formée par la société Cofidis, en condamnation de la société France eco Energy à lui payer la somme de 32 662,51 euros en exécution du contrat du 10 mars 2017 et condamne solidairement, ou in solidum, la société Cofidis et la société France eco Energy à payer à M. [Y] les sommes de 800 euros, au titre de la première instance, et 2 500 euros, au titre de l'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens, l'arrêt rendu le 2 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille vingt-quatre.