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02/10/2024 | FRANCE | N°52400961

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 octobre 2024, 52400961


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1




COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 2 octobre 2024








Cassation




M. SOMMER, président






Arrêt n° 961 FS-B


Pourvoi n° H 23-12.702






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024


La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 23-12.702 contre le jugement rendu le 27 décembre 2022 par le conseil de prud'homme...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 octobre 2024

Cassation

M. SOMMER, président

Arrêt n° 961 FS-B

Pourvoi n° H 23-12.702

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024

La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 23-12.702 contre le jugement rendu le 27 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Nevers (section commerce), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [N] [R], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [R], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Nevers, 27 décembre 2022) et les productions, Mme [R] a été engagée en qualité d'agent colis, le 28 janvier 2011, par l'établissement public La Poste, devenu la société La Poste.

2. Licenciée pour inaptitude non consécutive à une maladie professionnelle ou à un accident du travail le 8 mars 2021, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une indemnité de préavis, fondée sur les dispositions conventionnelles.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief au jugement de le condamner à verser à la salariée une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de le condamner à établir et à transmettre à celle-ci un bulletin de salaire rectificatif pour le mois de mars 2021 et une attestation Pôle emploi rectifiée et de le condamner à lui verser une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'article 69 de la convention commune La Poste France Télécom dispose que : "Après la période d'essai, le délai du préavis réciproque en cas de démission ou de licenciement pour un motif autre que la faute grave ou la force majeure est fixé selon un tableau qui détaille la durée du préavis selon l'ancienneté et la catégorie professionnelle du salarié" ; qu'il ajoute : "En cas de licenciement, la durée de préavis est augmentée d'un mois pour les agents contractuels âgés de 50 à 55 ans, et de trois mois à partir de 55 ans. À la demande de l'agent contractuel, l'exploitant peut dispenser celui-ci d'effectuer tout ou partie du préavis. Pendant la durée du préavis, l'agent contractuel a droit à deux heures d'absence par jour, cumulables, pour chercher un autre emploi. Ces heures sont rémunérées" ; que ces dispositions, qui édictent un droit au préavis en application de l'article L. 1234-1 du code du travail au profit des salariés licenciés pour un motif autre qu'une faute grave ou un cas de force majeure et en fixent la durée, ne prévoient ni sa rémunération, ni l'indemnisation éventuelle du préavis non effectué ; que pour condamner La Poste à indemniser le préavis non effectué de la salariée, licenciée pour impossibilité de reclassement suite au constat de son inaptitude d'origine non professionnelle, le conseil de prud'hommes a énoncé : "... que l'article 69 de la convention commune, résultant d'un accord d'entreprise, prévoit expressément de ne pas indemniser le préavis d'un salarié licencié dans le cas d'une faute grave ou de la force majeure. A contrario, il prévoit donc d'indemniser ce préavis dans toutes les autres formes de rupture du contrat de travail" ; qu'en statuant de la sorte, le conseil de prud'hommes a violé par fausse interprétation les dispositions conventionnelles susvisées. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond.

5. Cependant, dans ses conclusions, l'employeur prétendait que la convention commune La Poste France Télécom ne faisait pas exception aux dispositions de l'article L. 1226-4 du code du travail qui excluent du bénéfice de l'indemnité compensatrice de préavis les salariés licenciés pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel.

6. Le moyen, qui n'est pas contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 69 de la convention commune La Poste France Télécom :

7. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

8. Selon l'article 69 de la convention collective susvisée, après la période d'essai, le délai du préavis réciproque en cas de démission ou de licenciement pour un motif autre que la faute grave ou la force majeure est fixé en fonction de l'ancienneté et de la classification du salarié.

9. Pour allouer à la salariée une indemnité de préavis, le jugement retient que l'article 69 de la convention commune prévoit expressément de ne pas indemniser le préavis d'un salarié licencié dans le cas d'une faute grave ou de la force majeure et qu'a contrario, il prévoit donc d'indemniser ce préavis dans toutes les autres formes de rupture du contrat de travail.

10. En statuant ainsi, alors que l'indemnité de préavis n'est pas due au salarié qui est dans l'impossibilité de l'exécuter et que l'article 69 susvisé ne prévoit pas le versement d'une telle indemnité dans le cas de la rupture du contrat de travail en raison de l'inaptitude du salarié consécutive à une maladie ou un accident non professionnel, le conseil de prud'hommes, qui a constaté que la rupture du contrat de travail avait été prononcée en raison de l'inaptitude physique de la salariée, a violé, par fausse interprétation, le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 27 décembre 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Nevers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Moulins ;

Condamne Mme [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400961
Date de la décision : 02/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Indemnités - Indemnité compensatrice de préavis - Privation - Impossibilité d'exécution - Inaptitude consécutive à une maladie non professionnelle - Condition

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention commune La Poste-France Télécom du 4 novembre 1991 - Article 69 - Préavis de licenciement - Indemnité de préavis - Versement - Inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel - Rupture en raison de l'inaptitude du salarié - Rupture du contrat de travail - Portée

Le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité d'exécuter. Viole, par fausse interprétation, l'article 69 de la convention commune La Poste France Télécom, la décision qui alloue au salarié une indemnité de préavis alors que cet article ne prévoit pas le versement d'une telle indemnité dans le cas de la rupture du contrat de travail en raison de l'inaptitude du salarié consécutive à une maladie ou un accident non professionnel


Références :

Article 69 de la convention commune La Poste-France Télécom du 4 novembre 1991.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Nevers, 27 décembre 2022

Sur la privation du droit à l'indemnité compensatrice de préavis en raison de l'impossibilité de l'exécuter, à rapprocher : Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-13199, Bull., (cassation partielle) (2).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 oct. 2024, pourvoi n°52400961


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 10/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400961
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