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02/10/2024 | FRANCE | N°42400529

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 octobre 2024, 42400529


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


FM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 2 octobre 2024








Cassation




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 529 F-D


Pourvoi n° A 23-14.605












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_____________________

____




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 OCTOBRE 2024


1°/ La société [N] [R] & [F] [D], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [N] [R],


...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 octobre 2024

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 529 F-D

Pourvoi n° A 23-14.605

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 OCTOBRE 2024

1°/ La société [N] [R] & [F] [D], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [N] [R],

2°/ la société Les Mandataires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [X] [I],

toutes deux agissant en quallité de co-liquidateur judiciaire de la société H3M,

ont formé le pourvoi n° A 23-14.605 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-2), dans le litige les opposant :

1°/ à la société H3M, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ à la société Children Brand Holding, société de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 5] (Luxembourg),

3°/ à la société [A] & associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [X] [A],

4°/ à la société Ajilink [K] [H], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [K],

toutes deux pris en qualité de co-administrateur judiciaire de la société H3M,

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des sociétés [R] & [D] et Les Mandataires, ès qualités de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat des sociétés H3M et Children Brand Holding, après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 janvier 2023) et les productions, la société H3M, qui exploite les marques « la compagnie des petits » et « Allo bébé », a été mise en redressement judiciaire le 28 janvier 2021 sur sa déclaration de cessation des paiements.

2. Le 9 mars 2021, les administrateurs et mandataires judiciaires de cette société ont assigné la société de droit luxembourgeois Children Brand Holding, propriétaire des marques précitées pour les avoir acquises de la société H3M en 2015 et 2020, aux fins de lui voir étendre la procédure collective pour confusion des patrimoines.

3. Le 20 avril 2021, le tribunal s'est déclaré compétent et a prononcé l'extension de la procédure.

4. Au cours de l'instance d'appel contre cette décision formé par la société Children Brand Holding puis par la société H3M, un plan de cession partielle des actifs de ces sociétés a été adopté le 27 mai 2021 et, le même jour, elles ont été mises en liquidation judiciaire, les sociétés [N] [R] & [F] [D] et Les Mandataires étant désignées liquidateurs judiciaires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Les liquidateurs font grief à l'arrêt de déclarer le tribunal territorialement incompétent et en conséquence, de déclarer irrecevable leur demande en extension de la procédure, alors « que, lorsqu'il est constaté que le ministère public a fait connaître son avis par écrit sans être présent à l'audience, il doit également résulter de la décision que cet avis a été communiqué ou mis à la disposition des parties afin de leur permettre d'y répondre en temps utile ; qu'en relevant en l'espèce que le ministère public avait, par avis du 25 octobre 2022, conclu à l'irrecevabilité de l'action de la société H3M et à la confirmation du jugement ayant étendu la procédure de redressement de cette société à la société Children Brand Holding, sans constater que cet avis avec été notifié aux parties ou autrement mis à leur disposition, la cour d'appel a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Le ministère public ayant émis un avis conforme aux prétentions qu'ils avaient présentées devant la cour de d'appel, les liquidateurs sont sans intérêt à invoquer une violation du principe de la contradiction fondée sur l'absence de transmission de cet avis.

7. Le moyen n'est donc pas recevable.

Mais, sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Les liquidateurs font le même grief à l'arrêt, alors « que les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité principale ; que le centre des intérêts principaux correspond au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par des tiers ; que s'il est présumé être le lieu du siège statutaire, une appréciation globale d'un ensemble d'éléments objectifs et pertinents peut révéler que le centre effectif de ces intérêts est situé dans un État membre autre que celui du siège statutaire ; qu'à cet égard, le centre des intérêts principaux d'une société ayant pour objet d'investir dans l'acquisition de marques et de brevets doit être fixé au lieu du principal établissement des entreprises exploitant ces marques ou brevets, dès lors qu'il apparaît aux yeux des tiers que ces entreprises en assurent également la gestion ; qu'en l'espèce, les liquidateurs expliquaient que la société luxembourgeoise Children Brand Holding, dont l'objet statutaire consistait dans l'acquisition de marques et de brevets, était titulaire de marques qui étaient pour la plupart exploitées en France par des sociétés françaises, que la gestion de ces marques étaient également assurées en France par ces mêmes entreprises, notamment la société H3M, et que la société Children Brand Holding n'avait été immatriculée au Luxembourg que pour des raisons fiscales ; qu'ils précisaient que la consultation des mentions légales figurant sur les sites Internet de ces marques ne renvoyaient qu'à la société H3M, sans faire aucune mention de la société Children Brand Holding ; qu'en opposant que le fait que la gestion des marques en cause aurait été assumée en France par la société française H3M était insuffisante à démontrer que le centre opérationnel et décisionnel de la société Children Brand Holding se trouvait en France, aux seuls motifs que sa vocation était internationale, qu'elle était implantée de manière habituelle au Luxembourg, et que ses titres de propriété intellectuelle étaient enregistrés dans ce pays, quand ces circonstances n'étaient pas de nature à priver de toute portée, pour fixer le centre des intérêts principaux, le fait que les marques qui constituaient l'objet statutaire de la société Children Brand Holding étaient exploitées et gérées en France, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles 3 du règlement UE 2015/848 du 20 mai 2015 et L. 621-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 3 du réglement (UE) n° 2015/848 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité :

9. Par un arrêt du 15 décembre 2011 (C-191/10), la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE), après avoir constaté que le règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, ne contenait pas de régles de compétence se référant expressément à l'extension, au motif d'une confusion des patrimoines, d'une procédure d'insolvabilité ouverte dans un État membre à une société dont le siège statutaire est situé dans un autre État membre, a dit pour droit que ce réglement doit être interprété en ce sens qu'une juridiction d'un État membre qui a ouvert une procédure principale d'insolvabilité à l'encontre d'une société, en retenant que le centre des intérêts principaux de celle-ci est situé sur le territoire de cet État, ne peut étendre, en application d'une règle de son droit national, cette procédure à une deuxième société, dont le siège statutaire est situé dans un autre État membre, qu'à la condition qu'il soit démontré que le centre des intérêts principaux de cette dernière se trouve dans le premier État membre et qu'il est nécessaire, pour renverser la présomption selon laquelle ce centre se trouve au lieu du siège statutaire, qu'une appréciation globale de l'ensemble des éléments pertinents permette d'établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de la société visée par l'action aux fins d'extension se situe dans l'État membre où a été ouverte la procédure d'insolvabilité initiale.

10. Le règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 ne contenant pas non plus de règle de compétence se référant expressément à l'extension, au motif d'une confusion des patrimoines, d'une procédure d'insolvabilité ouverte dans un État membre à une société dont le siège statutaire est situé dans un autre État membre et son article 3 § 1 étant rédigé dans des termes identiques à celui de l'article 3 § 1 du règlement du 29 mai 2000, il s'en déduit, sans aucun doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union sur les questions soulevées par le moyen, que la règle énoncée par la CJUE dans son arrêt du 15 décembre 2011 précité s'applique de façon similaire aux procédures soumises au règlement du 20 mai 2015.

11. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que l'allégation selon laquelle la gestion des marques « la compagnie des petits » et « Allo bébé » aurait été assumée par la société H3M est insuffisante à démontrer que le centre opérationnel et décisionnel de la société Children Brand Holding, société à vocation internationale implantée de manière habituelle sur le territoire luxembourgeois et dont les titres de propriété intellectuelle sont juridiquement situés au Luxembourg, se trouve en France.

12. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants dès lors qu'elle avait constaté que l'objet social de la société Children Brand Holding consistait à acquérir et gérer un portefeuille de droits de propriété intellectuelle et sans rechercher, comme elle y était invitée, si les marques « la compagnie des petits » et « Allo bébé » ne constituaient pas l'essentiel de ce portefeuille et si elles n'étaient pas gérées, de manière vérifiable par les tiers, par la société qui les exploitait en France, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Children Brand Holding aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400529
Date de la décision : 02/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 26 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 oct. 2024, pourvoi n°42400529


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400529
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