LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 23-81.329 FS-D
N° 00978
GM
1ER OCTOBRE 2024
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER OCTOBRE 2024
La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 3 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 22 février 2023, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de tromperie aggravée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa contestation de recevabilité de constitution de partie civile.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [2], les observations de la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association [1], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une information a été ouverte contre personne non dénommée du chef de tromperie aggravée portant sur les qualités substantielles de véhicules de marque [2] équipés de certains moteurs dépassant les seuils réglementaires d'émissions d'oxydes d'azote et les contrôles effectués sur ces moteurs, avec cette circonstance que les faits ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation des marchandises dangereuses pour la santé de l'homme ou de l'animal.
3. La société [2] (la société) a été mise en examen du chef de tromperie aggravée.
4. Les juges d'instruction ont rejeté sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'association [1].
5. La société a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de la société [2] tendant à voir constater l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'association [1], alors :
« 1°/ que l'article L. 142-2 du code de l'environnement s'interprète strictement ; que s'il vise la pratique commerciale trompeuse comportant des indications environnementales, cette infraction est distincte, par ses éléments constitutifs et les peines qui y sont applicables, de celle de tromperie aggravée par la circonstance d'une utilisation de la marchandise rendue dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal non visée par le texte précité ; qu'en assimilant ces deux infractions et en relevant que l'article L. 142-2 du code de l'environnement ne vise pas de dispositions légales précises, pour juger que l'association [1] était recevable à se constituer partie civile du chef de la tromperie aggravée objet de l'information judiciaire, la chambre de l'instruction a méconnu les articles L. 142-2 du code de l'environnement, L. 121-2, L. 441-1 et L. 454-3 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 142-2 du code de l'environnement :
8. Ce texte spécial d'interprétation stricte, qui permet aux associations agréées pour la défense de l'environnement de se constituer partie civile, définit de façon limitative les catégories d'infractions qui leur ouvrent ce droit et ne s'applique donc pas à tout fait ayant des conséquences environnementales.
9. Au nombre de ces infractions figurent celles aux dispositions législatives ayant pour objet la lutte contre les pratiques commerciales et les publicités trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques et publicités comportent des indications environnementales, ce qui renvoie aux pratiques commerciales trompeuses définies à l'article L. 121-2 du code de la consommation, et non à la tromperie aggravée prévue à l'article L. 454-3 de ce code, quand bien même les faits poursuivis sous cette dernière qualification auraient pour effet de porter atteinte à l'environnement.
10. Pour confirmer l'ordonnance ayant rejeté la demande d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'association [1], l'arrêt attaqué énonce notamment que la loi a étendu le domaine d'intervention des associations de protection de l'environnement aux pratiques commerciales et publicités trompeuses, sans distinguer entre une pratique commerciale trompeuse simple prévue à l'article L. 121- 2 du code de la consommation et la pratique trompeuse aggravée prévue aux articles L. 441-1 et L. 454-3 du même code.
11. En statuant ainsi, alors que l'information et la mise en examen de la société ne portent que sur des faits qualifiés de tromperie aggravée, infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1 et L. 213-2 du code de la consommation dans leur rédaction alors applicable et L. 441-1 et L. 454-3, 1°, du même code, distincte du délit de pratique commerciale trompeuse défini à l'article L. 121-2 du code de la consommation, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 22 février 2023 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT que la constitution de partie civile de l'association [1] est irrecevable ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt-quatre.