LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 septembre 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 482 F-D
Pourvoi n° E 23-13.574
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
L'établissement public administratif sous la tutelle du ministère de la transition écologie et de la cohésion des territoires Météo-France, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-13.574 contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Meteoconsult, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'établissement public administratif sous la tutelle du ministère de la transition écologie et de la cohésion des territoires Météo-France, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Meteoconsult, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 janvier 2023), Météo-France, établissement public administratif créé par le décret n° 93-861 du 18 juin 1993, a fourni à la société Meteoconsult (la société), qui diffuse, dans divers médias, des prévisions, études et informations météorologiques à destination des entreprises et du public, des prestations ou données d'imagerie et d'observation en exécution de conventions conclues successivement depuis 1994. La dernière, conclue en 2016 pour une durée de deux ans, a été renouvelée tacitement à son terme jusqu'au 31 décembre 2018.
2. La société a assigné Météo-France en responsabilité et indemnisation, soutenant que cet établissement était à l'origine d'une rupture brutale de leur relation commerciale en lui ayant imposé à l'échéance de cette convention une augmentation tarifaire majeure et une diminution des prestations assurées.
3. Par jugement du 28 février 2022, le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent et la société a interjeté appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Météo-France fait grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de commerce compétent pour connaître du litige et de renvoyer les parties au fond devant cette juridiction, alors :
« 1°/ que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des actions en responsabilité dirigées contre les personnes publiques à raison de l'exercice de leurs activités de service public administratif ; que, pour admettre la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de l'action en responsabilité de la société Meteoconsult dirigée contre l'établissement public Météo-France, la cour d'appel s'est fondée sur plusieurs motifs tirés, en premier lieu, du caractère prétendument "commercial" des activités exercées par Météo-France au profit de la société Meteoconsult dans le cadre de la convention du 14 janvier 2016, en deuxième lieu, de l'existence de différences entre les prestations accomplies dans le cadre de cette convention et celles désormais susceptibles de donner lieu au paiement d'une redevance sur le fondement de l'article D. 324-5-1 du code des relations entre le public et l'administratif, en troisième lieu, de la signature après l'entrée en vigueur de dispositions législatives en 2015 et 2016 de nouvelles conventions et la poursuite d'une
activité commerciale, en quatrième lieu, de la nature de la convention ayant lié la société Meteoconsult à Météo-France jusqu'en 2018 ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure que l'action de la société Meteoconsult ne tende à mettre en cause la responsabilité de l'établissement public à caractère administratif Météo-France à raison de l'exercice de son activité de service public administratif, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble des articles 1er et 2 du décret n° 93-861 du 18 juin 1993 ;
2°/ que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des actions en responsabilité dirigées contre les personnes publiques à raison de l'exercice de leurs activités de service public administratif ; que la nature administrative ou industrielle et commerciale d'un service public s'apprécie au regard de son objet, de l'origine de ses ressources et de ses modalités de fonctionnement ; qu'en retenant la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de l'action en responsabilité de la société Meteoconsult dirigée contre Météo-France sans se prononcer sur la nature de l'activité exercée par cet établissement public au regard des critères précités, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble des articles 1er et 2 du décret n° 93-861 du 18 juin 1993 ;
3°/ que tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à énoncer que, compte tenu de la nature de la convention liant les parties jusqu'en 2018, le tribunal de commerce est [?] compétent pour connaître de l'action pour rupture brutale de la relation commerciale établie entre Météo-France et Meteoconsult, sans préciser la nature juridique, privée ou administrative, de cette convention, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation imprécise, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les litiges relatifs à la mise en oeuvre de l'obligation de service public faite aux personnes publiques de mettre à la disposition des usagers des données publiques dans les conditions prévues par le code des relations entre le public et l'administration relèvent de la compétence exclusive de la juridiction administrative ; que sous couvert d'une action pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, la demande de la société Meteoconsult ne tend qu'à remettre en cause l'exécution par Météo-France de cette obligation de service public ; qu'en admettant pourtant la compétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur un tel litige, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, des articles 1er et 2 du décret n° 93-861 du 18 juin 1993, ensemble des articles L. 324-1, L. 324-3, L. 324-4, L. 324-5 et D. 324-5-1 du code des relations entre le public et l'administration. »
Réponse de la Cour
5. Après avoir analysé les activités exercées par Météo-France et énoncé qu'elle avait, outre des missions de service public administratif définies à l'article 2 du décret du 18 juin 1993 précité, des activités commerciales consistant à fournir des prestations météorologiques à des tiers, la cour d'appel, examinant l'objet de la convention conclue avec la société, a retenu que cette convention relevait de ces activités et n'associait pas cette société à l'exécution du service public administratif, que le prix forfaitaire prévu avait été librement convenu entre les parties conformément à l'article 16 du décret du 18 juin 1993 et n'a pas constaté que la convention comportait de clause exorbitante du droit commun.
6. Ayant ainsi fait ressortir par des motifs suffisants que la nature de cette convention était celle d'un contrat de droit privé dont les termes n'étaient pas affectés par les lois n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public et n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, complétées par le décret n° 2016-1617 du 29 novembre 2016 relatif aux catégories d'informations publiques de l'Etat et de ses établissements publics administratifs susceptibles d'être soumises au paiement d'une redevance de réutilisation, elle en a exactement déduit, sans excéder ses pouvoirs et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que l'action relative à la rupture brutale de la convention relevait de la compétence de la juridiction judiciaire.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'établissement public administratif Météo-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement public administratif Météo-France et le condamne à payer à la société Meteoconsult la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille vingt-quatre.