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24/09/2024 | FRANCE | N°C2401038

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 septembre 2024, C2401038


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° H 23-86.141 F-D


N° 01038




RB5
24 SEPTEMBRE 2024




CASSATION SANS RENVOI




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 SEPTEMBRE 2024






M. [Z] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 3 octobre 2023, qui, pour diffamation publique envers un particulier, l'a condamné à 1 000 euros d'amende dont 5...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° H 23-86.141 F-D

N° 01038

RB5
24 SEPTEMBRE 2024

CASSATION SANS RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 SEPTEMBRE 2024

M. [Z] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 3 octobre 2023, qui, pour diffamation publique envers un particulier, l'a condamné à 1 000 euros d'amende dont 500 euros avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [Z] [F], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 14 juin 2022, M. [N] [J] a fait citer M. [Z] [F] devant le tribunal correctionnel pour diffamation publique envers un particulier commise dans le cadre de l'interview qu'il a accordée, le 16 mars 2022, à [2], sous la rubrique intitulée « Invité/Volley, basket, rugby : [Localité 1], une ville de sports », lors d'une émission diffusée par voies hertzienne, câble, et numérique ainsi que sur le site internet « https://[2].fr/».

3. Par jugement du 16 février 2023, le tribunal a constaté la nullité de la citation et, en conséquence, a prononcé la nullité des poursuites engagées contre M. [F].

4. M. [J] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré nulle la citation délivrée par M. [J] à M. [F] et statuant à nouveau a rejeté l'exception de nullité de la citation, alors :

« 1°/ qu'en matière de diffamation, à peine de nullité, la citation ne doit laisser subsister aucune incertitude sur les faits reprochés ; qu'en jugeant, pour rejeter l'exception de nullité de la citation délivrée à M. [F], que les propos qui lui étaient reprochés auraient été « clairement mentionnés dans les motifs de l'assignation » quand, dans son paragraphe 6, une série de quatorze propos étaient retranscrits dans un encadré, immédiatement après lequel il était écrit « il s'agit des propos poursuivis dans le cadre de la présente procédure » (citation, p. 7 et 8), tandis que dans son paragraphe 8, il était écrit que « les propos concernés, extraits de l'interview ci-avant reproduite » étaient quatre d'entre eux seulement, mis en gras (citation, p. 8 et 9), discordance qui créait, ainsi, une incertitude quant à l'étendue des faits reprochés entre ceux figurant dans l'encadré du paragraphe 6, qualifiés de « poursuivis » ou ceux mis en gras dans le paragraphe 8, qualifiés de « concernés », la Cour d'appel a violé l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

2°/ qu'en tout état de cause, en matière de diffamation, à peine de nullité, la citation ne doit laisser subsister aucune incertitude sur les faits reprochés ; qu'en rejetant l'exception de nullité de la citation délivrée à M. [F], quand celle-ci appliquait deux dates différentes aux propos poursuivis, en visant le 16 mars 2022 dans son dispositif et certains de ses motifs (dispositif de la citation ; motifs de la, p. 4, al. 5, p. 8, al. 5, p. 9, dern. al.) tout en renvoyant au constat d'huissier censé en rapporter la preuve (motifs de la citation, p. 4, pén. al. ; p. 8, dern. al.) qui visait le 17 mars 2022 (annexe n° 5 de la citation, p. 1), discordance qui créait une incertitude sur les faits poursuivis, la cour d'appel a violé l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881. »

Réponse de la Cour

6. Pour ne pas faire droit au moyen de nullité de l'acte de poursuite, l'arrêt attaqué énonce que les propos reprochés sont clairement mentionnés dans les motifs de la citation qui précise qu'il s'agit de propos tenus lors de l'interview consentie le 16 mars 2022 à la chaîne [2], que les propos jugés diffamatoires sont reproduits et soulignés dans la citation qui se conclut par la phrase : « il s'agit des propos poursuivis dans le cadre de la présente procédure ».

7. Les juges ajoutent qu'il n'y a aucune contradiction entre le corps de la citation et son dispositif, et donc aucune incertitude possible, puisque le dispositif renvoie à l'interview du 16 mars 2022 et donc nécessairement aux propos que la partie civile estime diffamatoires et qu'elle a précisés plus avant dans son acte de poursuite.

8. Ils précisent que, par ailleurs, la citation vise uniquement l'interview du 16 mars 2022 et l'infraction de diffamation publique envers un particulier, sans ambiguïté possible.

9. En prononçant ainsi, dès lors que la citation reproduit précisément les passages incriminés tenus lors de l'interview litigieuse, qui sont soulignés et surlignés en gras, qu'elle en dénonce précisément le contenu, les qualifie, vise le texte applicable, et relève la date de cet entretien, de sorte qu'il ne pouvait exister aucune ambiguïté sur les propos litigieux, objet de la poursuite, le fait que le constat d'huissier annexé ait retenu que la date de diffusion des propos était le lendemain de celle mentionnée dans la citation étant inopérant, la cour d'appel a justifié sa décision.

10. Dès lors, le moyen ne peut être accueilli.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [F] coupable du délit de diffamation publique envers un particulier au préjudice de M. [J] commis à [Localité 1] dans le cadre d'une interview consentie le 16 mars 2022 à la chaîne [2] et a prononcé sur la peine et l'action civile, alors :

« 1°/ qu'est diffamatoire l'allégation ou l'imputation d'un fait précis et déterminé qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé ; qu'en jugeant, pour déclarer M. [F] coupable de diffamation, que lui serait imputable « l'allégation ou l'imputation d'un fait précis », à savoir « l'incompétence professionnelle » de Me [J] et que « la remise en cause de sa compétence professionnelle dans des termes très péjoratifs (aurait) constitu(é) une atteinte à (son) honneur » (arrêt p. 4, al. 5), quand il était, notamment, poursuivi pour avoir déclaré : « il y a un administrateur judiciaire, il est là pour faire un travail est préserver l'avenir du club », exprimant l'idée abstraite et, au demeurant, exacte que l'administrateur judiciaire d'un club de football, en l'occurrence Me [J], doit, dans l'exercice de ses fonctions, prendre toute initiative utile pour en assurer la pérennité, propos ne s'apparentant donc pas à l'allégation ou l'imputation d'un fait qui porterait atteinte à l'honneur ou à la considération de ce dernier, la Cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 10 de la convention européenne des droits de l'Homme ;

2°/ que pour être diffamatoire, une allégation ou une imputation doit se présenter sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; qu'en jugeant, pour déclarer M. [F] coupable de diffamation, que lui serait imputable « l'allégation ou l'imputation d'un fait précis », à savoir « l'incompétence professionnelle » de Me [J] (arrêt p. 4, al. 5), quand il était, pour le reste, poursuivi pour avoir déclaré que Me [J] était un administrateur judiciaire « totalement défaillant », « totalement inefficient, inefficace » et qui ne « fai(sait) pas son travail », propos qui exprimaient un jugement de valeur, sans contenir, en eux-mêmes, l'allégation ou l'imputation d'un fait suffisamment précis de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire et sans relever de circonstances extrinsèques de nature à leur donner leur véritable sens et à caractériser le délit poursuivi, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 10 de la convention européenne des droits de l'Homme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

12. Selon ce texte, seule l'allégation ou l'imputation d'un fait précis, de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire, et qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé, présente un caractère diffamatoire.

13. Il appartient à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le point de savoir si, dans les propos retenus dans la prévention, se retrouvent les éléments légaux de la diffamation publique, tels qu'ils sont ainsi définis.

14. Pour caractériser la diffamation, l'arrêt attaqué énonce que les propos litigieux portent l'allégation ou l'imputation d'un fait précis, en l'occurrence l'incompétence professionnelle de M. [J], et qu'en remettant en cause sa compétence dans des termes très péjoratifs, ils constituent sans conteste une atteinte à son honneur.

15. En prononçant ainsi, alors que les propos litigieux énoncés dans la citation relevaient, non pas de l'imputation d'un fait précis, mais de l'expression d'une opinion et d'un jugement de valeur sur les compétences professionnelles de l'intéressé, exclusifs de tout débat sur la preuve, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.

16. D'où il suit que la cassation est encourue.

Portée et conséquence de la cassation

17. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 3 octobre 2023 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2401038
Date de la décision : 24/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 03 octobre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 sep. 2024, pourvoi n°C2401038


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Ortscheidt, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2401038
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