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19/09/2024 | FRANCE | N°22400809

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 septembre 2024, 22400809


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


AF1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 19 septembre 2024








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 809 F-D


Pourvoi n° Y 22-23.155












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024


M. [D] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-23.155 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2022 par la cour d'appel de...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 septembre 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 809 F-D

Pourvoi n° Y 22-23.155

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024

M. [D] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-23.155 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

2°/ à la société MMA IARD,

Ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Y], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 septembre 2022), afin de bénéficier de la réduction d'impôts sur le revenu prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, au titre du dispositif dit « Girardin industriel », M. [Y] a souscrit à un projet, monté par la société Diane et proposé par la société Gesdom, consistant en un investissement dans des centrales photovoltaïques sur l'Île de La Réunion par l'intermédiaire de sociétés en participation (SEP).

2. M. [Y] a ainsi versé à la société Diane la somme de 31 122 euros, outre celle de 68 euros au titre des frais de dossier, et a bénéficié d'une réduction d'impôts sur ses revenus 2010 de 39 900 euros.

3. Cependant, l'administration fiscale a estimé qu'une installation dans le secteur photovoltaïque devait être considérée comme constitutive d'un investissement réalisé, ouvrant droit à réduction d'impôt, uniquement à compter de la date de raccordement au réseau électrique ou du dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement. Dans la mesure où ces démarches n'avaient pas été effectuées au 31 décembre de l'année considérée pour les installations concernées par l'investissement de M. [Y], une procédure de rectification a été engagée contre lui.

4. M. [Y], estimant avoir subi un préjudice du fait des sociétés Diane et Gesdom, a assigné en indemnisation l'assureur de ces dernières, la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (l'assureur).

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

5. M. [Y] fait grief à l'arrêt d'écarter la responsabilité de la société Gesdom, de fixer le préjudice subi à la somme de 31 112 euros, de rejeter ses demandes au titre d'un manque à gagner, des intérêts de retard, d'une résistance abusive, de dire que la police n° 112 788 909 n'a pas vocation à s'appliquer au présent litige, de dire que la police n° 120 137 363 s'applique, de rejeter toute demande en paiement à ce titre en raison de l'épuisement du plafond de garantie et de rejeter toutes les autres demandes, alors « que s'analysent en un préjudice réparable les intérêts de retard payés par le contribuable qui n'a pas acquitté à l'échéance l'impôt légalement dû en raison du manquement du professionnel chargé de monter une opération d'optimisation fiscale ; qu'en énonçant, pour limiter à la somme de 31 112 euros le montant du préjudice subi par M. [Y], que les intérêts de retard ne constituaient pas un dommage réparable puisqu'ils n'avaient pas le caractère d'une sanction, mais étaient destinés à réparer le préjudice subi par le Trésor du fait de la perception différée de sa créance et étaient compensés par l'avantage de trésorerie qui en était résulté pour M. [Y], qui n'avait pas payé immédiatement les sommes dues, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

6. Il résulte de ces textes que le paiement des pénalités de retard mises à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale lui refusant le bénéfice de la réduction d'impôt escomptée d'une opération de défiscalisation ne constitue pas un préjudice indemnisable, sauf s'il est établi que, sans la faute des personnes en charge de cette opération dont la responsabilité est recherchée, ce contribuable n'aurait pas été exposé au paiement de ces pénalités.

7. Pour rejeter la demande d'indemnisation formées par l'investisseur au titre du préjudice correspondant au montant des intérêts de retard, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'ils ne constituent pas un dommage réparable puisqu'ils n'ont pas le caractère d'une sanction mais sont destinés à réparer le préjudice subi par le Trésor du fait de la perception différée de sa créance et qu'ils sont compensés par l'avantage de trésorerie qui en est résulté pour M. [Y].

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, sans les fautes commises par les sociétés Gesdom et Diane dans le montage de l'opération de défiscalisation et le suivi de son exécution, l'investisseur aurait échappé aux intérêts de retard mis à sa charge, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

9. M. [Y] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en laissant sans réponse les conclusions de M. [Y] soutenant que, dès 2008, la constitution de la société SFER par les fondateurs des sociétés Diane et Gesdom pour fournir les centrales photovoltaïques aux sociétés de portage, rechercher les exploitants locaux et réaliser les démarches techniques et administratives pour l'installation des centrales, révélait une collaboration entre ces sociétés dès la conception du montage, bien en amont de sa commercialisation, et que le rôle central de la société Gesdom dans le montage était, en outre, corroboré par la domiciliation à son siège des sociétés intervenantes (SFER, SMCP, Factdom), ce dont il se déduisait que la société Gesdom était intervenue dans le montage de l'opération de défiscalisation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

10. Tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

11. Pour rejeter les demandes formées par M. [Y] au titre de la responsabilité de la société Gesdom, l'arrêt énonce que si le nom de cette société apparaît en en-tête sur le contrat « Simpladmi », le prestataire est la société Diane et non Gesdom, aucun élément ne venant démontrer qu'elle ait été en contact avec le souscripteur, ni qu'elle était en charge de l'opération de montage et de son suivi.

12. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [Y], qui faisait valoir qu'en 2008, les fondateurs de la société Gesdom avaient, par le biais de sociétés civiles, constitué la société SFER pour fournir les centrales photovoltaïques aux sociétés de portage, rechercher des exploitants locaux, réaliser les démarches techniques et administratives pour l'installation des centrales, et que le rôle central de la société Gesdom dans le montage du produit était corroboré par la domiciliation à son siège des sociétés intervenantes SFER, SMCP et Factdom, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa neuvième branche

Enoncé du moyen

13. M. [Y] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en énonçant que « la police n° 112 788 909 vise l'activité d'ingénierie financière », que « le contrat précise que sont assurées à ce titre les activités se rattachant à une activité de CIF et la liste des activités vise en substance : l'ingénierie financière, les démarcheurs bancaires et financiers, intermédiaires en opération de banque » mais qu'elle « n'inclut pas l'activité de montage d'opération en défiscalisation » , quand une telle restriction ne se trouve nullement dans cette police, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, et a violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

14. Pour dire que la police n° 112 788 909 n'a pas vocation à s'appliquer au présent litige, l'arrêt expose que ce contrat précise que sont assurées les activités d'ingénierie financière, de démarchage bancaire et financier, d'intermédiation en opérations de banque, se rattachant à une activité de conseil en investissement financier, sans inclure l'activité de montage d'opération en déficalisation.

15. Il ajoute que la société Diane est intervenue en qualité de monteur de produit en défiscalisation et au titre de son suivi administratif et fiscal, ce qui écarte l'application du contrat en cause dès lors que cette activité ne répond pas à la définition d'ingénierie financière et en tout état de cause, ne revêt aucun caractère bancaire ou financier.

16. En statuant ainsi, alors que le contrat d'assurance litigieux prévoit que sont assurées, outre l'activité de conseil en investissements financiers, celle d'ingénierie financière, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

Et sur le moyen relevé d'office

17. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 124-1-1 du code des assurances :

18. Les dispositions du texte susvisé consacrant la globalisation des sinistres
ne sont pas applicables à la responsabilité encourue par un professionnel
en cas de manquements à ses obligations d'information et de conseil, celles-ci, individualisées par nature, excluant l'existence d'une cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler à un fait dommageable unique.

19. Pour rejeter toute demande en paiement au titre du contrat d'assurance n° 120 137 363 en raison de l'épuisement du plafond de garantie, l'arrêt énonce que l'assureur invoque à bon droit la globalisation des sinistres en application de l'article L124-1-1 du code des assurances, dès lors que les sinistres ont tous une même cause.

20. Il ajoute que le contrat prévoit une limite de garantie par sinistre, opposable aux tiers, que l'allégation d'un plafond par année d'assurance est injustifiée et qu'au regard des éléments de preuve apportés, il y a lieu de constater l'épuisement de la garantie.

21. En statuant ainsi, alors qu'elle retenait que la société Diane avait manqué à son obligation d'information, ce dont il résultait que la responsabilité de l'assurée était engagée au titre de ses manquements dans l'exécution d'obligations dont elle était spécifiquement débitrice à l'égard de M. [Y], la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif écartant la responsabilité de la société Gesdom entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant les demandes de l'investisseur au titre d'un manque à gagner, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

23. Cette cassation conduira la cour d'appel de renvoi à apprécier l'application du contrat d'assurance n° 112.788.909 à la société Gesdom.

24. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'assureur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il écarte la responsabilité de la société Gesdom, fixe le préjudice subi à la somme de 31 112 euros, rejette les demandes de M. [Y] au titre d'un manque à gagner et des intérêts de retard, dit que la police n° 112.788.909 n'a pas vocation à s'appliquer au présent litige et rejette toute demande en paiement au titre du contrat d'assurance n° 120.137.363 en raison de l'épuisement du plafond de garantie, l'arrêt rendu le 19 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et les condamne in solidum à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400809
Date de la décision : 19/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 septembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 sep. 2024, pourvoi n°22400809


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400809
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