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19/09/2024 | FRANCE | N°22400805

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 septembre 2024, 22400805


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 19 septembre 2024








Cassation sans renvoi




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 805 F-B


Pourvoi n° P 22-23.146










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_____

____________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024


La société Monceau générale assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-23.146 contre l'ar...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 septembre 2024

Cassation sans renvoi

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 805 F-B

Pourvoi n° P 22-23.146

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024

La société Monceau générale assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-23.146 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2022 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société SNCF voyageurs, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société Fret SNCF, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

toutes deux venant aux droits de la société SNCF mobilités,

3°/ à la société SNCF réseau, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

4°/ à la société Stex, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

défenderesses à la cassation.

La société Stex a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Monceau générale assurances, de la SCP Gury & Maitre, avocat de la société Stex, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat des sociétés SNCF voyageurs et Fret SNCF, venant aux droits de la société SNCF mobilités, et de la société SNCF réseau, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Isola, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 septembre 2022), le 25 janvier 2011, une collision a eu lieu entre un train de marchandises, conduit par un employé de la Société nationale des chemins de fer français (la SNCF), et un convoi exceptionnel, conduit par un employé de la société Stex.

2. Par jugement du 20 mars 2012, un tribunal correctionnel a, notamment, condamné la société Stex à une peine d'amende pour blessures involontaires par personne morale avec incapacité n'excédant pas trois mois, déclaré recevables les constitutions de partie civile du conducteur du train et de la SNCF et a ordonné le renvoi de l'affaire sur intérêts civils.

3. Par jugement du 11 février 2015, le tribunal correctionnel, statuant sur intérêts civils, a, notamment, déclaré la société Stex entièrement responsable des dommages subis par le conducteur du train et la SNCF mais s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'indemnisation du préjudice matériel sollicité par celle-ci. Il a, par ailleurs, déclaré le jugement opposable à la société Monceau générale assurances (l'assureur), assureur de la société Stex.

4. Par arrêt du 8 novembre 2017, la cour d'appel de Lyon a constaté la prescription de l'action civile.

5. Les 22 mai, 23 mai et 6 juin 2018, les sociétés SNCF mobilités et SNCF réseau, venant aux droits de la SNCF, ont assigné, notamment, la société Stex et l'assureur devant un tribunal de grande instance à fin d'indemnisation.

6. En cause d'appel, les sociétés SNCF voyageurs et Fret SNCF sont venues aux droits de la société SNCF mobilités.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi de l'assureur et le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi provoqué de la société Stex, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

7. Par son moyen, l'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en responsabilité civile engagée par la société SNCF mobilités, aux droits de laquelle viennent les sociétés SNCF voyageurs et Fret SNCF, et la société SNCF réseau à l'encontre de la société Stex et à son encontre, de déclarer la société Stex entièrement responsable des dommages matériels causés aux sociétés SNCF mobilités et SNCF réseau, de le condamner à garantir la société Stex contre les condamnations pécuniaires résultant de sa responsabilité dans les dommages subis par ces sociétés et de le condamner in solidum avec la société Stex à verser diverses sommes aux sociétés SNCF réseau, SNCF voyageurs et Fret SNCF, alors « que l'interruption de prescription résultant de la demande en justice est non avenue lorsque celle-ci est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir ; que constitue notamment une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que la prescription ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'action civile engagée par la SNCF devant la juridiction pénale a été jugée irrecevable, la cour d'appel de Lyon ayant « par un arrêt en date du 8 novembre 2017, [...] statuant sur appel du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Roanne du 11 février 2015 qui avait déclaré la société Stex entièrement responsable des préjudices subis par la SNCF, [...] constaté la prescription de l'action civile » ; qu'il en résultait que l'interruption de la prescription née de la constitution de partie civile de l'Epic SNCF aux droits duquel viennent les sociétés Fret SNCF, SNCF réseau et SNCF voyageurs était non avenue ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 2224 et 2243 du code civil. »

8. Par son moyen, la société Stex fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en responsabilité civile engagée par la société SNCF mobilités, aux droits de laquelle viennent les sociétés SNCF voyageurs et Fret SNCF, et la société SNCF réseau à son encontre et celle de l'assureur, de la déclarer entièrement responsable des dommages matériels causés aux sociétés SNCF mobilités et SNCF réseau, et de la condamner, in solidum avec l'assureur à verser diverses sommes à ces sociétés, alors « que l'interruption de prescription résultant de la demande en justice est non avenue lorsque celle-ci est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir ; que constitue notamment une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que la prescription ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'action civile engagée par la SNCF devant la juridiction pénale a été jugée irrecevable en raison de la prescription de l'action publique, par un arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 8 novembre 2017, statuant sur l'appel formé contre le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Roanne le 11 février 2015 ; qu'en décidant que l'action en responsabilité des sociétés Fret SNCF, SNCF réseau et SNCF voyageurs n'était pas prescrite, au motif inopérant tiré de ce que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon ne constituait pas une décision définitive de rejet de la demande d'indemnisation, mais seulement une décision constatant la prescription de l'action civile devant la juridiction pénale, et tandis qu'il résultait de ses propres constatations que l'interruption de la prescription née de la constitution de partie civile de l'Epic SNCF aux droits duquel sont ensuite venues les sociétés Fret SNCF, SNCF réseau et SNCF voyageurs était non avenue, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2243 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241, alinéa 1er, et 2243 du code civil :

9. Aux termes du premier de ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

10. Aux termes du second, l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.

11. Selon une jurisprudence constante, l'effet interruptif de prescription est non avenu lorsque la demande en justice est définitivement rejetée par un moyen de fond ou est déclarée irrecevable par une fin de non-recevoir (2e Civ., 21 mars 2019, pourvoi n° 17-10.663, publié).

12. Pour déclarer recevable l'action en responsabilité civile engagée par la société SNCF réseau et la société SNCF mobilités à l'encontre de la société Stex et de l'assureur, l'arrêt retient que la SNCF a eu connaissance des faits justifiant son action en indemnisation, le jour de la collision, soit le 25 janvier 2011, et disposait donc d'un délai expirant le 25 janvier 2016 pour agir.

13. Il relève que la SNCF, aux droits de laquelle viennent les sociétés SNCF voyageurs, Fret SNCF et SNCF réseau, s'est constituée partie civile devant un tribunal correctionnel, ce qui a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription.

14. Il retient que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 8 novembre 2017, qui a constaté l'irrecevabilité de l'action civile engagée par la SNCF devant la juridiction pénale pour des motifs liés aux règles de prescription de l'action publique, ne constitue pas une décision définitive de rejet de la demande, mais seulement une décision constatant la prescription de l'action civile devant la juridiction pénale.

15. L'arrêt en déduit que l'action des sociétés SNCF mobilités et SNCF réseau, qui a été engagée en mai et juin 2018, dans le délai de cinq ans suivant l'arrêt pénal, est recevable.

16. En statuant ainsi, alors que la juridiction pénale avait constaté la prescription de l'action civile et avait en conséquence définitivement rejeté cette dernière, au sens de l'article 2243 du code civil, la cour d'appel, qui ne pouvait que constater que cette décision rendait non avenue l'interruption de prescription résultant de la constitution de partie civile, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

19. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 9, 10, 11 et 12 que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 8 novembre 2017 a rendu non avenue l'interruption de la prescription résultant de la constitution de partie civile de la SNCF devant la juridiction pénale et que l'action de la société SNCF mobilités, aux droits de laquelle viennent les sociétés SNCF voyageurs et Fret SNCF, et de la société SNCF réseau, est irrecevable comme étant prescrite pour avoir été engagée en 2018, soit plus de cinq ans après la connaissance du dommage.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare prescrite l'action en indemnisation engagée par la société SNCF réseau et la société SNCF mobilités, aux droits de laquelle viennent les sociétés SNCF voyageurs et Fret SNCF ;

Condamne les sociétés SNCF voyageurs, Fret SNCF et SNCF réseau aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Lyon ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400805
Date de la décision : 19/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Interruption non avenue - Cas - Constitution de partie civile - Décision du juge pénal sur la prescription de l'action civile - Portée

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Interruption non avenue - Cas - Action civile devant le juge pénal - Prescription de l'action civile - Portée

Par application de l'article 2243 du code civil, lorsque l'action civile devant le juge pénal est déclarée prescrite, l'interruption de prescription résultant de la constitution de partie civile est non avenue. En conséquence, encourt la cassation l'arrêt qui déclare non prescrite l'action en responsabilité exercée devant le juge civil plus de cinq ans après les faits, au motif que la procédure pénale a interrompu la prescription


Références :

Article 2243 du code civil.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 20 septembre 2022

2e Civ., 24 janvier 1996, pourvoi n° 93-21870, Bull. 1996, II, n° 13 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 sep. 2024, pourvoi n°22400805


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Gury et Maitre, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 18/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400805
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