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19/09/2024 | FRANCE | N°22400785

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 septembre 2024, 22400785


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 19 septembre 2024








Cassation




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 785 F-D


Pourvoi n° W 22-19.036








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024


M. [V] [F], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 22-19.036 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2022 par la cour d'appel de Bastia (chambre civi...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 septembre 2024

Cassation

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 785 F-D

Pourvoi n° W 22-19.036

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024

M. [V] [F], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 22-19.036 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2022 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant au Syndicat professionnel des pilotes maritimes de Haute-Corse, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau,Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [F], de la SCP Spinosi, avocat du Syndicat professionnel des pilotes maritimes de Haute-Corse, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 18 mai 2022), M. [F], pilote au sein de la station de pilotage de [Localité 1] et membre, en cette qualité, du Syndicat professionnel des pilotes maritimes de la Haute-Corse (le syndicat), a fait l'objet d'arrêts de travail à compter du 3 avril 2018 jusqu'au 9 octobre 2010.

2. A ce titre, il a perçu du syndicat une indemnisation dont les modalités sont définies à l'article 4 du Règlement intérieur financier du syndicat (le RIF).

3. Estimant que le calcul des indemnités n'était pas conforme au RIF, M. [F] a saisi un tribunal aux fins d'obtenir une indemnisation supplémentaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. M. [F] fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à payer au syndicat la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1° / que le juge ne peut pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ; que l'article 4 du règlement intérieur financier de la station de pilotage de la Haute-Corse du 24 octobre 2012 énonce que « la différence entre la recette de la station définie à l'article 2 et les dépenses, constitue la masse partageable à répartir entre les pilotes actifs, les pilotes retraités, les veuves et les orphelins ; Cette masse partageable est éventuellement augmentée des profits exceptionnels et diminuée des pertes exceptionnelles ; Sauf en cas de faute lourde, ou d'excès grave pouvant lui être imputé après contrôle de l'administration des affaires maritimes ou des tribunaux, tout pilote en arrêt de travail pour accident du travail maritime, maladie en cours de navigation ou maladie hors navigation perçoit de la station un salaire calculé mensuellement comme suit : Pour l'année civile en cours : La station complétera la prise en charge ENIM (assurance maladie) afin de servir à l'intéressé un salaire net équivalent à son salaire net moyen acquis depuis le début de l'année plafonné au salaire qu'il aurait perçu ce mois là ; la prise en charge par la station cessera à la première de ces deux limites atteintes : 90 jours d'arrêt de travail, 3 arrêts de travail ; A l'arrêt de la prise en charge par la station il sera reversé à l'intéressé les indemnités alors allouées par l'assurance prévoyance (AGF) » ; qu'en énonçant, pour le débouter de ses demandes indemnitaires, que « sur l'article 4 du RIF du 24 octobre 2012, s'agissant de l'interprétation de l'expression " pour l'année civile en cours ", la locution " en cours " désignant une situation en train de se faire, en l'espèce la période de douze mois du 1er janvier au 31 décembre de l'année au cours de laquelle on se trouve, permet de justifier l'application faite par l'intimé du renouvellement du calcul de l'indemnisation à chaque année civile au cours de laquelle les indemnités sont dues », de sorte que le syndicat aurait fait une juste une application du texte consistant à renouveler chaque année le mécanisme d'indemnisation, pour ajuster le montant de l'indemnité, au chiffre d'affaires du syndicat cette année-là, quand aucune des dispositions de l'article 4 du RIF applicable ne prévoyait un tel réajustement au cours d'une même période d'arrêt de travail et que l'article 4 imposait au contraire sans équivoque, à l'issue de la période de 90 jours d'arrêt de travail, à la station de cesser le versement du complément de salaire et corrélativement de reverser obligatoirement et intégralement au pilote intéressé les indemnités reçues de l'institution de prévoyance, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 4 du règlement intérieur financier de la station de pilotage de Haute-Corse du 24 octobre 2012, en violation du principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis et de l'article 1192 du code civil ;

2°/ que l'article 4 du règlement intérieur financier de la station de pilotage de la Haute-Corse du 24 octobre 2012 énonce que « la différence entre la recette de la station définie à l'article 2 et les dépenses, constitue la masse partageable à répartir entre les pilotes actifs, les pilotes retraités, les veuves et les orphelins ; Cette masse partageable est éventuellement augmentée des profits exceptionnels et diminuée des pertes exceptionnelles ; Sauf en cas de faute lourde, ou d'excès grave pouvant lui être imputé après contrôle de l'administration des affaires maritimes ou des tribunaux, tout pilote en arrêt de travail pour accident du travail maritime, maladie en cours de navigation ou maladie hors navigation perçoit de la station un salaire calculé mensuellement comme suit : Pour l'année civile en cours : La station complétera la prise en charge Enim (assurance maladie) afin de servir à l'intéressé un salaire net équivalent à son salaire net moyen acquis depuis le début de l'année plafonné au salaire qu'il aurait perçu ce mois-là ; la prise en charge par la station cessera à la première de ces deux limites atteintes : 90 jours d'arrêt de travail, 3 arrêts de travail ; A l'arrêt de la prise en charge par la station il sera reversé à l'intéressé les indemnités alors allouées par l'assurance prévoyance (AGF) » ; qu'en énonçant, pour le débouter de ses demandes indemnitaires, que « sur l'article 4 du RIF du 24 octobre 2012, s'agissant de l'interprétation de l'expression " pour l'année civile en cours ", la locution " en cours " désignant une situation en train de se faire, en l'espèce la période de douze mois du 1er janvier au 31 décembre de l'année au cours de laquelle on se trouve, permet de justifier l'application faite par l'intimé du renouvellement du calcul de l'indemnisation à chaque année civile au cours de laquelle les indemnités sont dues », de sorte que le syndicat aurait fait une juste une application du texte consistant à renouveler chaque année le mécanisme d'indemnisation, pour ajuster le montant de l'indemnité, au chiffre d'affaires du syndicat cette année-là, quand aucune des dispositions de l'article 4 du RIF applicable ne prévoyait un tel réajustement au cours d'une même période d'arrêt de travail et que l'article 4 imposait au contraire sans équivoque, à l'issue de la période de 90 jours d'arrêt de travail, à la station de cesser le versement du complément de salaire et corrélativement de reverser obligatoirement et intégralement au pilote intéressé les indemnités reçues de l'institution de prévoyance, la cour d'appel a violé l'article 4 du règlement intérieur financier de la station de pilotage de Haute-Corse du 24 octobre 2012. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

6. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt relève d'abord que l'expression « pour l'année en cours » figurant à l'article 4 du RIF désigne une situation en train de se faire, en l'espèce la période de l'année civile au cours de laquelle on se trouve, ce qui permet de justifier l'application faite par le syndicat du renouvellement du calcul de l'indemnisation à chaque année civile au cours de laquelle les indemnités sont dues.

7. Il rappelle ensuite que le RIF n'est pas une convention conclue entre les parties mais un acte administratif qui règle, dans son domaine, la situation des pilotes maritimes dépendant de son ressort.

8. Il en déduit que le renouvellement annuel, qui aboutit à un plafonnement de l'indemnisation, se justifie au regard des exigences de solidarité et d'égalité, et de la finalité du syndicat.

9. Il précise que le principe de droit constitutionnel d'égalité justifie aussi le plafonnement prévu par le nouveau RIF, et permet qu'un pilote en arrêt de travail ne perçoive pas une indemnisation supérieure aux rémunérations des pilotes en activité.

10. Il ajoute qu'aucune disposition de contrat d'assurance ne prévoit que l'intégralité des indemnités versées par l'assureur au syndicat doit être reversée au pilote en arrêt de travail, et que l'intégration de ces indemnités dans la masse partageable permet de les répartir équitablement entre les pilotes.

11. En statuant ainsi, alors, d'une part, que le RIF ne prévoit pas le renouvellement chaque année du mécanisme d'indemnisation en faveur des pilotes en arrêt de travail, ni l'intégration des indemnités versées par l'assureur de prévoyance dans la masse partageable, ni la limitation à l'année civile en cours du versement des indemnités de prévoyance, d'autre part, que le mécanisme d'indemnisation mis en place, qui prévoit une prise en charge temporaire de la perte financière subie par le pilote en arrêt de travail par le syndicat vise, notamment, à compenser la période de carence dans le versement des indemnités par l'organisme social auquel sont affiliés les pilotes, laquelle ne se renouvelle pas chaque année, lorsque l'arrêt de travail se prolonge d'une année sur l'autre, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes de l'article 4 de ce règlement intérieur, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne le Syndicat professionnel des pilotes maritimes de la Haute-Corse aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Syndicat professionnel des pilotes maritimes de la Haute-Corse et le condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400785
Date de la décision : 19/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 18 mai 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 sep. 2024, pourvoi n°22400785


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400785
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