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18/09/2024 | FRANCE | N°52400881

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 septembre 2024, 52400881


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 18 septembre 2024








Cassation partielle




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 881 F-D


Pourvoi n° W 22-23.659








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUP

LE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024


La société Seo communication, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 septembre 2024

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 881 F-D

Pourvoi n° W 22-23.659

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024

La société Seo communication, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-23.659 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [U] [E], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Seo communication, de Me Ridoux, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Palle, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 novembre 2022), Mme [E] a travaillé pour la société Seo communication en qualité de prestataire de service du 1er septembre 2015 à la fin du mois de janvier 2019.

2. Sollicitant la requalification de la relation en un contrat de travail à temps complet, elle a saisi la juridiction prud'homale le 23 avril 2019.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et cinquième branches

Enoncé du moyen

3. La société Seo communication fait grief à l'arrêt de dire que la relation avec Mme [E] doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et de la condamner en conséquence à payer à Mme [E] diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, alors :

« 2°/ que l'arrêt ajoute qu' "Il ressort des modalités de facturation des prestations, telles qu'elles étaient prévues par l'article 2 du "contrat de prestations de service" conclu entre les parties, qui prévoyait la possibilité pour le prestataire de facturer 4 500 euros aux mois de mai et de décembre de chaque année en cas de travail satisfaisant, que la société disposait de la faculté de sanctionner son travail, en la rémunérant en fonction de l'appréciation qu'elle portait sur la qualité de ce dernier" ; qu'en se prononçant ainsi, bien que l'attribution d'une gratification, relevant du pouvoir discrétionnaire du co-contractant, "en cas de travail satisfaisant", ne saurait s'analyser en un pouvoir de sanction en cas de méconnaissance de ses ordres et directives, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser l'existence d'un pouvoir de sanction et par là même d'un lien de subordination et a violé l'article L. 8221-6 du code du travail, ensemble l'article L. 1221-1 du même code ;

5°/ que peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution ; que l'arrêt attaqué relève qu' "Au surplus, outre le fait que la salariée rendait des comptes à la société s'agissant de sa disponibilité et se voyait adresser des demandes imposant une réactivité immédiate, la cour observe qu'elle figurait dans l'organigramme de l'intimée dans lequel il était mentionné qu'elle occupait le poste de responsable administrative, qu'elle était la seule personne chargée de l'ensemble des questions liées à la gestion administrative, des ressources humaines et des services généraux de la société, qu'elle disposait d'équipements fournis par la société, qu'elle justifie avoir participé à un séminaire d'équipe au mois de mai 2017, qu'elle disposait d'une procuration sur le compte bancaire de la société, qu'elle pouvait être sollicitée directement par le personnel de la société pour des questions opérationnelles diverses, le SMS horodaté au 27 juin 2017 à 22 heures 36 laissant par exemple apparaître qu'elle était prévenue lorsque l'alarme de la société sonnait" ; qu'en se prononçant ainsi, cependant que les différents éléments retenus par la cour d'appel s'inscrivaient dans l'exécution de son contrat de prestations de service d' "office manager", qui consistait à assurer "toutes les activités de soutien qui contribuent au bon fonctionnement de l'entreprise, à savoir, la gestion des ressources humaines, la gestion financière, la logistique, etc., ou plus généralement, tout ce qui se rapport[e] aux services généraux", et ne permettaient pas de démontrer que Mme [E] travaillait au sein d'un service organisé par la société SEO Communication, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser l'existence d'un lien de subordination et partant d'un contrat de travail, a violé l'article L. 8221-6 du code du travail, ensemble l'article L. 1221-1 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 8221-6 du code du travail :

4. Il résulte de ce texte que les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail. L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre.

5. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.

6. Pour dire que la relation entre la société Seo communication et Mme [E] doit être requalifiée en un contrat de travail, l'arrêt retient, d'abord, que le président de la société adressait régulièrement à Mme [E] des consignes qu'elle devait respecter et en déduit que l'intéressée ne disposait pas de la faculté d'exécuter ses prestations comme bon lui semble. Il ajoute que, s'il ressort de SMS et de courriers électroniques produits par la société que Mme [E] a pu informer ponctuellement le dirigeant de la société de ce qu'elle ne travaillerait pas ou serait en formation et qu'elle adressait régulièrement ses plannings au personnel de l'agence concernant ses jours de présence, ces correspondances ne sauraient suffire à remettre en cause la réalité des directives qu'elle recevait du dirigeant de la société.

7. Il retient, ensuite, qu'en ce qui concerne le contrôle exercé par la société sur le travail réalisé par Mme [E], les invitations pour le bilan que lui a adressées le dirigeant de la société les 26 juillet 2016 et 17 janvier 2019, ainsi que les différents courriers électroniques dans lesquels tous deux ont évoqué ces bilans, démontrent que son travail faisait l'objet d'un contrôle effectif par le dirigeant de la société.

8. L'arrêt ajoute qu'il ressort des modalités de facturation des prestations, telles qu'elles étaient prévues par l'article 2 du « contrat de prestations de services » conclu entre les parties, qui prévoyait la possibilité pour le prestataire de facturer 4 500 euros aux mois de mai et de décembre de chaque année en cas de travail satisfaisant, que la société disposait de la faculté de sanctionner son travail, en la rémunérant en fonction de l'appréciation qu'elle portait sur la qualité de ce dernier.

9. L'arrêt relève enfin que Mme [E] rendait des comptes à la société s'agissant de sa disponibilité et se voyait adresser des demandes imposant une réactivité immédiate, qu'elle figurait dans l'organigramme de l'intimée dans lequel il était mentionné qu'elle occupait le poste de responsable administrative, qu'elle était la seule personne chargée de l'ensemble des questions liées à la gestion administrative, des ressources humaines et des services généraux de la société, qu'elle disposait d'équipements fournis par la société, qu'elle justifie avoir participé à un séminaire d'équipe au mois de mai 2017, qu'elle disposait d'une procuration sur le compte bancaire de la société, qu'elle pouvait être sollicitée directement par le personnel de la société pour des questions opérationnelles diverses.

10. En statuant ainsi, alors d'une part qu'il résultait de ses constatations que les missions assurées par Mme [E] correspondaient à l'exécution du contrat de prestations de service et que la société n'en déterminait pas unilatéralement les conditions d'exécution, d'autre part que le choix dont disposait l'intéressée de facturer davantage aux mois de mai et de décembre ne caractérise pas l'existence d'un pouvoir de sanction, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt requalifiant la relation entre la société Seo communication et Mme [E] en un contrat de travail entraîne la cassation des chefs de dispositif disant que les parties sont liées par un contrat de travail à temps complet, que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet au 31 janvier 2019, condamnant la société Seo communication à payer à Mme [E] diverses sommes à titre de rappel de salaires, des congés payés afférents, d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour travail dissimulé, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ordonnant la remise des documents de fin de contrat, disant n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte et condamnant la société Seo communication aux dépens de première instance et d'appel, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit l'action formée par Mme [E] recevable comme n'étant pas prescrite, déboute la société Seo communication de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne Mme [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400881
Date de la décision : 18/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 sep. 2024, pourvoi n°52400881


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ridoux, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400881
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