LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 septembre 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 492 F-B
Pourvoi n° S 21-24.571
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
1°/ Le directeur général des douanes et droits indirects, domiclié [Adresse 1],
2°/ la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° S 21-24.571 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant à la société Toyota material handling manufacturing France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du directeur général des douanes et droits indirects et de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Toyota material handling manufacturing France, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2021), et les productions, la société Toyota material handling manufacturing France (la société), importe du Japon des composants destinés à être assemblés en France, transportés dans des caisses en plastique ou dans des modules en métal. Ces emballages sont ensuite réexportés vers le Japon.
2. La société déclare les emballages dans la position tarifaire afférente aux parties et pièces détachées qu'ils contiennent en se fondant sur les dispositions de la règle générale 5 b) de la nomenclature combinée.
3. Après avoir conclu à une importation sans déclaration des emballages plastiques et métalliques importés, l'administration des douanes a émis, le 31 mai 2016, un avis de mise en recouvrement (AMR) d'un montant de 5 051 901 euros à l'encontre de la société que celle-ci a contesté.
4. Sa contestation ayant été rejetée, la société a assigné l'administration des douanes aux fins d'annulation de l'AMR.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. Le directeur général des douanes et droits indirects fait grief à l'arrêt de dire que les emballages de la société Toyota material handling manufacturing France pouvaient être déclarés à la même position tarifaire que les marchandises qu'ils contenaient, en application de la règle n° 5, b) relative aux critères de classement d'une marchandise importée, de dire, rectifiant ce faisant une erreur matérielle entachant le jugement déféré, qu'en vertu de l'article 32 du code des douanes communautaire, le coût des emballages ne devait pas être ajouté au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées, dès lors qu'il n'était pas supporté par l'acheteur, et, en conséquence, d'annuler l'avis de mise en recouvrement émis à l'encontre de la société le 31 mai 2016 pour son entier montant, soit 5 051 901 euros, alors « qu'en considérant, pour estimer que les contenants en plastique et en métal que la société avait importés avaient pu être déclarés sous la même position tarifaire que les composants qu'ils contenaient, que la règle générale n° 5, b) pour l'interprétation de la nomenclature combinée laisse le choix aux opérateurs de déclarer ou non les emballages susceptibles d'être utilisés valablement d'une façon répétée sous la même position tarifaire que les marchandises qu'ils contiennent, quand cette règle ne pouvait faire dépendre le classement tarifaire de ces emballages d'un libre choix des opérateurs et devait, dès lors, être interprétée comme imposant aux opérateurs de classer les emballages réutilisables sous la position tarifaire qui leur est propre et non sous la position tarifaire des marchandises qu'ils contiennent, la cour d'appel a violé le principe de sécurité juridique, l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun et la règle générale n° 5, b) pour l'interprétation de la nomenclature combinée. »
Réponse de la Cour
Vu la nomenclature combinée figurant à l'annexe I du Règlement (CEE) n° 2658/87 du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 948/2009 du 30 septembre 2009, et la règle générale 5, b), pour l'interprétation de la nomenclature combinée, figurant à la première partie, titre I, A, de celle-ci :
6. Selon la règle générale 5, b), pour l'interprétation de la nomenclature combinée, sous réserve des dispositions de la règle 5 a), les emballages contenant des marchandises sont classés avec ces dernières lorsqu'ils sont du type normalement utilisé pour ce genre de marchandises. Toutefois, cette disposition n'est pas obligatoire lorsque les emballages sont susceptibles d'être utilisés valablement d'une façon répétée.
7. La Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit que, dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de sections ou de chapitres, et que le classement tarifaire des marchandises dans la nomenclature combinée doit être effectué conformément aux règles générales pour son interprétation (arrêt du 10 mars 2021, « BalevBio » EOOD c/ Teritorialna direktsia Severna morska, Agentsia « Mitnitsi », C-941-19).
8. Il en résulte que la règle générale 5, b), qui est impérative, et dont l'objet est de permettre de déterminer avec précision le classement des emballages contenant des marchandises, ne peut être interprétée comme conférant à l'importateur la faculté de choisir, de façon arbitraire, la position sous laquelle les emballages doivent être déclarées.
9. Pour dire que les emballages de la société Toyota material handling manufacturing France pouvaient être déclarés à la même position tarifaire que les marchandises qu'ils contenaient, en application de la règle n° 5, b) relative aux critères de classement d'une marchandise importée, dire qu'en vertu de l'article 32 du code des douanes communautaire, le coût des emballages ne devait pas être ajouté au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées, dès lors qu'il n'était pas supporté par l'acheteur, et, en conséquence, annuler l'AMR, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la règle générale 5, b), dispose que les emballages de marchandises sont classés avec ces dernières lorsqu'il sont utilisés pour ce genre de marchandise, mais que ce classement n'est pas obligatoire dès lors que les emballages peuvent être réutilisés de façon répétée, laissant le choix à l'opérateur concerné de s'y conformer ou non.
10. En statuant ainsi, alors que, lorsque les emballages sont susceptibles d'être utilisés valablement d'une façon répétée, et dès lors qu'il ne s'agit pas d'emballages habituellement utilisés pour la commercialisation de boissons, confitures, moutarde, épices ou autres, selon la note explicative de la nomenclature combinée des Communautés européennes (JO 2002, C 256, p. 1), ils doivent être déclarés sous la position tarifaire qui leur est propre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Toyota material handling manufacturing France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Toyota material handling manufacturing France et la condamne à payer au directeur général des douanes et droits indirects la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.