La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/09/2024 | FRANCE | N°12400461

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 septembre 2024, 12400461


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


MY1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 18 septembre 2024








Cassation partielle




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 461 F-D


Pourvoi n° S 23-10.112




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________>



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 SEPTEMBRE 2024


La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-10.112 contre l'arrêt rendu le 10 n...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 septembre 2024

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 461 F-D

Pourvoi n° S 23-10.112

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 SEPTEMBRE 2024

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-10.112 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant à l'association Bureau central français (BCF), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Le Griel, avocat de l'association Bureau central français, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 novembre 2022), le 14 avril 2014, alors qu'il circulait en France, un véhicule conduit par [F] [W], immatriculé en Allemagne et assuré par la société WGV Versicherungen, ayant comme passagère Mme [V], a percuté le véhicule conduit par M. [R], immatriculé en France et assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).

2. Assignée en indemnisation de son préjudice par Mme [V], la société Axa a appelé en garantie le Bureau central français (le BCF) en qualité de représentant en France de la société WGV Versicherungen.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Axa fait grief à l'arrêt de dire que la loi allemande est applicable à l'appel en garantie formé à l'encontre du BCF ès qualités et en application de la loi allemande relative aux accidents de la circulation dite "Straflenverkehrgesetz ¿ StVG", de fixer l'assiette du recours en contribution de la société Axa à l'encontre du BCF à hauteur de la seule somme 72 345,98 euros et, en conséquence, de le condamner à lui payer la seule somme de 72 345,98 euros versée au titre de l'indemnisation de Mme [V], alors « que lorsqu'en vertu d'une obligation non contractuelle, une personne (« le créancier ») a des droits à l'égard d'une autre personne (« le débiteur ») et qu'un tiers a l'obligation de désintéresser le créancier ou encore que le tiers a désintéressé le créancier en exécution de cette obligation, la loi applicable à cette obligation du tiers détermine si et dans quelle mesure celui-ci peut exercer les droits détenus par le créancier contre le débiteur selon la loi régissant leurs relations ; qu'il en résulte que l'assureur de responsabilité français assurant la responsabilité civile d'un assuré impliqué dans un accident de la circulation survenu sur le territoire français, tenu d'indemniser la victime en application de la loi du 5 juillet 1985, est subrogé dans les droits de celle-ci selon la loi française applicable et que, par l'effet de cette subrogation, l'assureur est investi de tous les droits de la victime (« créancier ») à l'encontre des responsables de l'accident (« débiteurs »), lors même que ceux-ci n'auraient pas été condamnés, ni leur assureurs, à indemniser la victime (« créancier ») ; que, si un créancier a des droits à l'égard de plusieurs débiteurs responsables au titre de la même obligation et que l'un de ceux-ci l'a désintéressé en totalité ou en partie, le droit qu'a ce dernier d'exiger une compensation de la part des autres débiteurs est régi par la loi applicable à son obligation non contractuelle envers le créancier ; que la loi applicable à la responsabilité civile extracontractuelle découlant d'un accident de la circulation routière est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu ; qu'il en résulte que l'assureur français, subrogé dans les droits de la victime (« créancier ») d'un accident de la circulation survenu sur le territoire français, exerce son recours contre l'assureur du coresponsable selon la loi française dès lors que celui-ci est tenu d'indemniser la victime ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'un accident de la circulation est survenue le 14 avril 2014 à Pont du Navoy impliquant le véhicule conduit par Mme [W], de nationalité allemande, immatriculé en Allemagne et garanti par l'assureur allemand WGV Versicherungen, dans lequel se trouvait Mme [V], passagère et le véhicule conduit par M. [R], immatriculé en France, assuré par la société Axa France IARD ; qu'il résulte encore de l'arrêt attaqué que Mme [W] était entièrement responsable de l'accident et que la société Axa France Iard avait été condamnée à indemniser Mme [V] et que celle-ci exerçait un recours pour le tout contre l'assureur (représenté par le BFC) du responsable de l'accident, tenu de garantir son assurée ; qu'en infirmant le jugement pour la raison que « l'article 20 de Rome II aborde la question de la loi applicable au recours entre coresponsables, qualité qui n'est pas celle du BCF en tant que délégataire d'un assureur ; que ce dernier n'a pas été condamné in solidum avec Axa par le jugement définitif en date du 2 juillet 2015 qui a opposé Mme [V] et l'intimée ; qu'en outre, responsable et assureur n'ont pas la "même obligation" comme le texte l'exige », quand la société Axa France IARD, subrogée dans les droits la victime [Mme [V]], exerçait le recours de celle-ci relevant du droit français contre l'assureur du responsable de l'accident [Mme [W]], au titre de l'obligation dont ce dernier était tenu au même titre que l'assuré de la société Axa France IARD [M. [R]], la cour d'appel a violé les articles 4, 19 et 20 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil (Rome II) et 3 de la convention sur la loi applicable en matière d'accident de la circulation routière du 4 mai 1971. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 19 et 28, alinéa 1er, du règlement n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit Rome II, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles et l'article 3 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière :

4. Le premier de ces textes dispose :

« Lorsqu'en vertu d'une obligation non contractuelle, une personne («le créancier ») a des droits à l'égard d'une autre personne (« le débiteur ») et qu'un tiers a l'obligation de désintéresser le créancier ou encore que le tiers a désintéressé le créancier en exécution de cette obligation, la loi applicable à cette obligation du tiers détermine si et dans quelle mesure celui-ci peut exercer les droits détenus par le créancier contre le débiteur selon la loi régissant leurs relations. »

5. Aux termes du deuxième texte visé, le règlement Rome II n'affecte pas l'application des conventions internationales auxquelles un ou plusieurs Etats membres sont parties lors de son adoption et qui règlent les conflits de lois en matière d'obligations non contractuelles.

6. Selon le troisième, la loi applicable à la responsabilité civile extra-contractuelle découlant d'un accident de la circulation routière est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu.

7.Selon la Cour de justice de l'Union européenne (7 mai 2023, aff. C-264/22, Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'Autres Infractions (FGTI), pt. 22), « l'article 19 du règlement Rome II précise que le tiers subrogé peut exercer les droits de la personne lésée selon la loi régissant les relations entre cette personne et l'auteur d'un dommage. Il en résulte que c'est selon cette dernière loi que le tiers subrogé peut exercer, à la place de la personne lésée, l'action dont dispose cette dernière contre l'auteur de ce dommage. En d'autres termes, la loi applicable à l'action du tiers subrogé contre l'auteur dudit dommage est celle applicable à l'action de la victime contre cet auteur. »

8. Pour dire que la loi allemande était applicable à l'appel en garantie formé par la société Axa à l'encontre du BCF ès qualités, l'arrêt retient que selon l'article 19 du règlement Rome II, la loi applicable à l'obligation pour un assureur d'indemniser le dommage causé par l'assuré à une victime est déterminée conformément aux dispositions de l'article 7 du règlement Rome I du 17 juin 2008 puisque cette obligation d'indemnisation trouve sa source dans un contrat d'assurance (responsabilité contractuelle), qu'il s'agit donc de la loi allemande qui régit en l'espèce l'obligation faite à l'assureur du responsable du fait dommageable d'indemniser Mme [V] ce qui procède du contrat d'assurance et que c'est le contrat qui lie la compagnie d'assurance allemande et Mme [W], responsable du fait dommageable, qui va déterminer l'étendue de l'indemnisation au sens de la loi allemande.

9. En statuant ainsi, alors que l'assiette du recours en garantie de l'assureur subrogé dans les droits de la victime doit être déterminée au regard de la loi applicable à l'accident de la circulation, désignée par la Convention de La Haye du 4 mai 1971, la cour d'appel a violé les textes susvisés, les deux premiers par fausse application et le dernier par refus d'application.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que « seule la faute du véhicule allemand conduit par Mme [W] est à l'origine de l'accident dont Mme [V] a été victime », l'arrêt rendu le 10 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne le Bureau central français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Bureau central français et le condamne à payer à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400461
Date de la décision : 18/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 sep. 2024, pourvoi n°12400461


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Le Griel

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400461
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award