LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 septembre 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 865 F-B
Pourvoi n° E 23-14.333
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 SEPTEMBRE 2024
La fédération des services CFDT, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 3], a formé le pourvoi n° E 23-14.333 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Mango France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la fédération des services CFDT, de la SCP Spinosi, avocat de la société Mango France, après débats en l'audience publique du 26 juin 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 janvier 2023), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-15.541), la société Mango France (la société) compte cent vingt-trois magasins répartis dans toute la France et emploie mille neuf cent vingt-six salariés.
2. Le 27 novembre 2018, la fédération des services CFDT (le syndicat), invoquant, d'une part, l'insuffisance de la base de données économiques et sociales, d'autre part, l'absence d'invitation à négocier un accord de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) et enfin l'absence de mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, a assigné la société et a notamment demandé d'enjoindre à cette dernière d'ouvrir des négociations sur la GEPP sous astreinte dans un certain délai et de condamner l'employeur à des dommages-intérêts pour entrave à cette négociation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes relatives à « la gestion prévisionnelle des emplois et des carrières », alors « que dans les entreprises et les groupes d'entreprises au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail d'au moins trois cents salariés, ainsi que dans les entreprises et groupes d'entreprises de dimension communautaire au sens des articles L. 2341-1 et L. 2341-2 du code du travail, comportant au moins un établissement ou une entreprise d'au moins cent cinquante salariés en France, l'employeur engage, au moins une fois tous les quatre ans, et en l'absence d'accord collectif au moins une fois tous les trois ans, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels ; que cette obligation de négociation est subordonnée à l'existence dans l'entreprise d'une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives ; que pour débouter la fédération syndicale de sa demande tendant à ce qu'il soit constaté la carence de la société à organiser une négociation sur la GPEC, la cour d'appel a relevé qu'en 2012 aucun délégué syndical n'avait été désigné au niveau de l'entreprise et que la CFDT n'a jamais formulé de demande de négociation sur la GPEC à l'époque ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, quand il était constant et acquis aux débats que le syndicat CFDT était représentatif au sein de l'entreprise depuis 2012 et qu'il avait désigné en son sein un délégué syndical, et qu'entre 2015 et 2019, aucune tentative de négociation d'un accord GPEC n'avait été effectuée par l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 2242-1 dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, L. 2242-2 et L. 2242-20 du code du travail dans leur rédaction alors applicable. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article L. 2242-2 du code du travail, dans les entreprises et les groupes d'entreprises au sens de l'article L. 2331-1 d'au moins trois cents salariés, ainsi que dans les entreprises et groupes d'entreprises de dimension communautaire au sens des articles L. 2341-1 et L. 2341-2 du code du travail, comportant au moins un établissement ou une entreprise d'au moins cent cinquante salariés en France, l'employeur engage, au moins une fois tous les quatre ans, en plus des négociations mentionnées à l'article L. 2242-1, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.
6. Selon l'article L. 2242-20 du même code, la négociation est au moins triennale en l'absence d'accord collectif.
7. Selon l'article L. 2312-22 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-19, le comité social et économique est consulté chaque année sur les orientations stratégiques de l'entreprise dont fait partie la gestion des emplois et des parcours professionnels et les consultations sont conduites au niveau de l'entreprise, sauf si l'employeur en décide autrement, et sous réserve de l'existence d'un accord de groupe.
8. Il en résulte que l'obligation de négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels est subordonnée à l'existence d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau de l'entreprise.
9. En l'espèce, l'arrêt constate que, si le syndicat CFDT avait désigné le 26 juillet 2012 une déléguée syndicale, cette désignation ne portait que sur l'établissement « zone 1 » tandis qu'en application du protocole d'accord préélectoral du 20 juillet 2012, l'entreprise comptait sept établissements distincts, qu'aucun délégué syndical n'avait été désigné au niveau de l'entreprise en 2012 et que ce n'est qu'à la suite des élections d'octobre 2016 que le syndicat CFDT a désigné, le 16 novembre 2016, deux déléguées syndicales au niveau de l'entreprise.
10. La cour d'appel en a déduit à bon droit que le délai de la négociation d'un accord sur la gestion des emplois et des parcours professionnels n'était pas acquis au moment de la saisine le 27 novembre 2018 du tribunal aux fins d'injonction.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la fédération des services CFDT aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.