LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 septembre 2024
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 840 F-D
Pourvoi n° G 22-19.116
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 SEPTEMBRE 2024
La société Maury imprimeur, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 22-19.116 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale A, Section 1), dans le litige l'opposant à M. [G] [R], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Maury imprimeur, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 19 mai 2022), M. [R] a été engagé en qualité de manutentionnaire, le 9 mars 2006, par la société Maury imprimeur (la société). En dernier lieu, il était affecté à un poste de second sur encarteuse et il travaillait de nuit.
2. Mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave, il a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt d'écarter l'existence d'une faute grave, de juger que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui payer diverses sommes à ce titre, alors :
« 1°/ que l'employeur, qui a l'obligation légale de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection de la santé et de la sécurité de ses salariés, sous peine de voir sa responsabilité civile et pénale engagée, doit, afin d'assurer le respect des règles de sécurité dans l'entreprise, pouvoir faire preuve de fermeté en licenciant pour faute grave un salarié qui a gravement enfreint celles-ci ; qu'en l'espèce, en écartant l'existence d'une faute grave du salarié lorsqu'il ressortait de ses propres constatations qu'en violation des dispositions du règlement intérieur qui interdit de pénétrer dans l'entreprise sous l'empire de l'alcool et des règles élémentaires de sécurité, le salarié, qui travaillait sur une machine dangereuse, était arrivé avec près de trois heures de retard le 28 mai 2016 dans un état alcoolisé après avoir consommé de l'alcool dans le cadre d'une fête de famille, que l'alcootest s'était révélé positif, que l'éviction du salarié s'imposait et que la s?ur du salarié avait dû raccompagner ce dernier à son domicile, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en jugeant que le licenciement du salarié ne reposait que sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave, sans répondre au moyen opérant de l'employeur qui faisait valoir qu'en licenciant pour faute grave le salarié, il n'avait fait qu'assurer l'effectivité de son obligation de sécurité, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3°/ qu'il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité et de celles des autres salariés, conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur ; qu'en l'espèce, après avoir jugé que l'état d'ivresse sur le lieu de travail était avéré et rendait nécessaire l'éviction du salarié de l'atelier, la cour d'appel a toutefois écarté l'existence d'une faute grave en retenant l'absence de passé disciplinaire et l'ancienneté du salarié ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants dès lors qu'il résultait de ses constatations que le salarié n'avait pas respecté une règle élémentaire de sécurité et créé un danger au moins pour lui-même si ce n'était pour les autres salariés, ce dont il résultait qu'il avait commis une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 4122-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
4°/ que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en jugeant que le licenciement du salarié ne reposait que sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave, sans répondre au moyen opérant de l'employeur selon lequel l'ancienneté du salarié ne pouvait être de nature à constituer une circonstance atténuante mais était au contraire une circonstance aggravante puisqu'elle était de nature à conférer au salarié une conscience accrue du danger lié à l'utilisation en état d'ébriété d'une machine dangereuse la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a, d'abord, constaté que le salarié s'était présenté pour prendre son poste de travail le 28 mai 2016, avec un retard de plus deux heures, alors qu'il avait consommé de l'alcool, l'alcootest réalisé, conformément aux dispositions du règlement intérieur, s'étant révélé positif.
5. Elle a, ensuite, retenu que, si son état d'ébriété était avéré et rendait nécessaire son éviction de l'atelier, il s'agissait cependant d'un fait isolé, le salarié n'ayant aucun antécédent disciplinaire alors que son ancienneté était supérieure à dix années.
6. De ces constatations, elle a pu déduire, sans encourir les griefs du moyen, que les faits ne rendaient pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et ne constituaient pas une faute grave. Exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Maury imprimeur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Maury imprimeur et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.