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11/09/2024 | FRANCE | N°52400763

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 septembre 2024, 52400763


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


FP6






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 11 septembre 2024








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 763 F-D




Pourvois n°
E 23-10.239
X 23-10.255 JONCTION










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


___________

______________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 SEPTEMBRE 2024




1°/ M. [T] [F], domicilié [Adresse 2],


2°/ M. [R] [E], domicilié [Adresse 1],


ont fo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FP6

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 septembre 2024

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 763 F-D

Pourvois n°
E 23-10.239
X 23-10.255 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 SEPTEMBRE 2024

1°/ M. [T] [F], domicilié [Adresse 2],

2°/ M. [R] [E], domicilié [Adresse 1],

ont formé respectivement les pourvois n° E 23-10.239 et X 23-10.255 contre deux arrêts rendus le 18 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans les litiges les opposant à la société Nokia Networks France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation, anciennement dénommée société Alcatel-Lucent International.

Les demandeur invoquent, chacun, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens communs de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [F] et [E], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Nokia Networks France, après débats en l'audience publique du 5 juin 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° E 23-10.239 et X 23-10.255 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 18 octobre 2022), MM. [F] et [E] ont été engagés en qualité d'ingénieur, par la société Alcatel, devenue, après sa fusion avec la société Lucent technologies, la société Alcatel-Lucent France. Le 31 décembre 2013, cette société a été absorbée par la société Alcatel-Lucent International, aux droits de laquelle vient la société Nokia Networks France.

3. Les contrats de travail des salariés, classés respectivement positions II et III A de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, ont été rompus dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Le préavis de M. [F] a débuté le 1er septembre 2015 et celui de M. [E] le 1er janvier 2016.

4. Les salariés ont saisi, le 30 mars 2018, la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, en particulier d'un rappel de bonus « Corporate » pour l'année 2014 et de compléments d'indemnités de rupture.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leur demande en paiement d'une certaine somme à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, alors « qu'après avoir relevé que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait, pendant le préavis conventionnel, le versement de la ''rémunération normale soumise aux charges sociales'', la cour d'appel a estimé que ce plan ne dérogeait pas à la règle selon laquelle l'indemnité compensatrice de préavis correspond à la rémunération que le salarié aurait dû percevoir s'il avait exécuté son préavis et en a déduit, compte tenu de la date à laquelle avait débuté le préavis, que le bonus 2014 ne devait pas être intégré dans le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis ; qu'en statuant par de tels motifs sans répondre au moyen péremptoire du salarié qui faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que l'annexe 4 du plan de sauvegarde de l'emploi relatif à l'assiette de calcul du salaire de référence précisait que ''pour toute indemnité calculée sur la base du salaire de référence, il sera pris en compte la moyenne des rémunérations brutes contractuelles perçues au cours des douze derniers mois civils précédant la notification de la rupture du contrat de travail, ainsi que la partie variable de la rémunération versée au cours de cette même période'', ce dont il déduisait que l'indemnité compensatrice de préavis, comme toutes les indemnités dues aux salariés au titre de la rupture de leur contrat de travail, aurait dû être calculée par référence à la moyenne des douze derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail incluant le bonus 2014, la cour d'appel a méconnu les exigences découlant de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Ayant retenu que le plan de sauvegarde de l'emploi, en prévoyant que les salariés devaient percevoir, pendant le préavis conventionnel, leur rémunération normale soumise aux charges sociales, ne dérogeait pas à la règle selon laquelle l'indemnité compensatrice de préavis devait correspondre à la rémunération que les salariés auraient dû percevoir s'ils avaient exécuté leur préavis de telle sorte que le préavis ayant respectivement débuté le 1er septembre 2015 et le 1er janvier 2016, le bonus 2014 ne devait pas être intégré dans le calcul de cette indemnité, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié ses décisions.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Les salariés font grief aux arrêts de limiter le montant des condamnations de la société Alcatel-Lucent International au titre du rappel de bonus 2014, outre congés payés afférents, aux sommes sollicitées à titre subsidiaire par les salariés à titre de solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement et, seulement pour M. [E], à titre de solde de l'allocation de reclassement à 65 %, alors « que lorsqu'elle est payée en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur, une prime constitue un élément du salaire et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement ; qu'en cas de transfert des contrats de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, si les salariés dont le contrat de travail a été transféré peuvent prétendre au maintien par leur nouvel employeur du bénéfice des engagements unilatéraux en vigueur au jour du transfert, ils sont également en droit de bénéficier immédiatement des engagements unilatéraux en vigueur dans l'entreprise d'accueil dès lors qu'ils remplissent les conditions pour en bénéficier ; qu'en se fondant, en l'espèce, sur l'obligation légale dans laquelle se trouvait la société Alcatel-Lucent International de maintenir au bénéfice des salariés de la société Alcatel-Lucent France les droits qu'ils tenaient de leur contrat de travail ou des usages en vigueur au jour du transfert pour considérer que ces derniers devaient se voir verser un bonus au taux applicable au sein de leur société d'origine, soit 5 %, et non au taux plus favorable de 12,5 % en vigueur au sein de la société Alcatel-Lucent International, ainsi que ces derniers le revendiquaient, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige ensemble celles de l'article L. 1124-1 [en réalité L. 1224-1] du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 1224-1 du code du travail :

8. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

9. Aux termes du second, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

10. Il en résulte que l'employeur ne peut refuser aux salariés transférés le bénéfice, dans l'entreprise d'accueil, des avantages collectifs, qu'ils soient instaurés par voie d'accords collectifs, d'usages ou d'un engagement unilatéral de l'employeur, au motif que ces salariés tiennent des droits d'un usage ou d'un engagement unilatéral en vigueur dans leur entreprise d'origine au jour du transfert ou des avantages individuels acquis en cas de mise en cause d'un accord collectif.

11. Pour limiter la condamnation de la société Alcatel-Lucent International au paiement d'une certaine somme au titre d'un rappel de bonus « Corporate » 2014 calculé sur la base d'un taux de 5 %, outre congés payés afférents, les arrêts retiennent que, compte tenu de la fusion-absorption, la société Alcatel-Lucent International était légalement tenue de maintenir au bénéfice des salariés transférés de la société Alcatel-Lucent France les droits qu'ils tenaient de leur contrat de travail ou des usages en vigueur au jour du transfert, cette obligation justifiant la différence de traitement qui en résultait entre les salariés en raison de leur provenance de sociétés différentes.

12. Ils ajoutent que, dans le délai de l'article L. 2261-14 du code du travail, la société absorbante a, par engagement unilatéral du 1er décembre 2014, déterminé pour l'ensemble des ingénieurs cadres un nouveau taux applicable à compter du 1er janvier 2015, soit 10 % pour les salariés en position II ou III A.

13. En statuant ainsi, alors que si l'employeur est légalement tenu de maintenir les avantages issus d'un engagement unilatéral, en vigueur au jour du transfert, dont jouissaient les salariés transférés, il ne peut refuser à ces mêmes salariés le bénéfice des avantages résultant d'engagements unilatéraux en vigueur au sein de l'entreprise d'accueil, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée emporte cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif des arrêts ordonnant la remise par la société Alcatel-Lucent International à chaque salarié d'un bulletin de paie récapitulatif conforme à aux décisions attaquées, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils limitent les condamnations de la société Alcatel-Lucent International, aux droits de laquelle vient la société Nokia Networks France, de payer à :

- M. [F] les sommes de 1 175,60 euros au titre du rappel de bonus pour l'année 2014, 117,56 euros au titre des congés payés afférents, 404,15 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- M. [E] les sommes de 760,46 euros au titre du rappel de bonus pour l'année 2014, 76,05 euros au titre des congés payés afférents, 987,85 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 247,15 euros au titre de l'allocation de reclassement à 65 %,

- en ce qu'ils ordonnent la remise par la société Alcatel-Lucent International à MM. [F] et [E] d'un bulletin de paie récapitulatif conforme aux arrêts attaqués dans un délai de deux mois à compter de leur signification,

et en ce qu'ils statuent sur les dépens et les frais irrépétibles, les arrêts rendus le 18 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Nokia Networks France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Nokia Networks France et la condamne à payer à MM. [F] et [E] la somme de 300 euros chacun ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre, signé par elle, et en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et par le greffier de chambre, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400763
Date de la décision : 11/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 sep. 2024, pourvoi n°52400763


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400763
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