LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 septembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 722 F-B
Pourvoi n° R 22-18.226
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Midi-Pyrénées, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 22-18.226 contre l'arrêt rendu le 28 avril 2022 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Midi-Pyrénées, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 28 avril 2022), à la suite d'un procès-verbal constatant des infractions de travail dissimulé commises par la société [3] (la société), l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Midi-Pyrénées (l'URSSAF) a notifié à cette société une lettre d'observations faisant état de redressements résultant du travail dissimulé puis lui a délivré, le 15 avril 2016, une mise en demeure.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en demeure, alors :
« 1° / que lorsqu'il procède à un redressement consécutif à un constat d'un délit de travail dissimulé sur le fondement de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale, l'organisme de recouvrement a pour seule obligation, pour respecter le caractère contradictoire, d'adresser à l'employeur un document qui rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés, sans être tenu d'y joindre le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé ; que l'Urssaf n'est pas plus tenue de produire ce procès-verbal lors de la phase judiciaire de contestation du redressement sans pour autant méconnaître le principe du contradictoire et les droits de la défense ; qu'en annulant la mise en demeure du 15 avril 2016 au prétexte que l'Urssaf avait refusé de produire aux débats le procès-verbal de travail dissimulé visé dans la lettre d'observations en méconnaissance du principe contradictoire et des droits de la défense, la cour d'appel a violé l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, ensemble l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que ce n'est que lorsqu'est mise en oeuvre la solidarité financière du donneur d'ordre et que ce donneur d'ordre conteste l'existence ou le contenu du procès-verbal pour délit de travail dissimulé établi à l'encontre de son sous-traitant auquel il est solidairement tenu, que l'Urssaf est tenue de produire devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal pour délit de travail dissimulé établi à l'encontre de son sous-traitant, à peine d'annulation dudit redressement (2e Civ., 8 avril 2021, pourvois n° 20-11.126, n° 19-23728, n° 19-17601 ; 2e Civ., 3 juin 2021, pourvoi n° 20-14013 ; 2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 20-10946 ; 2e Civ., 23 juin 2022, pourvoi n° 20-22.128) ; que cette jurisprudence n'a pas lieu de s'appliquer lorsque c'est l'employeur lui-même qui fait l'objet d'un redressement pour travail dissimulé à la suite de l'établissement d'un procès-verbal pour travail dissimulé établi à son encontre ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que la société avait fait l'objet d'un redressement pour travail dissimulé après établissement d'un procès-verbal du 17 décembre 2015 relevant le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié à son encontre ; qu'en jugeant que dès lors que la contestation portait sur l'existence du procès-verbal de travail dissimulé et sur le chiffrage du redressement fondé sur les éléments de l'enquête contenus dans ce procès-verbal, le refus par l'Urssaf de produire ledit procès-verbal entraînait l'annulation de la mise en demeure du 15 avril 2016, la cour d'appel a violé l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, ensemble les articles 9 et 16 du code de procédure civile et les articles L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 16 du code de procédure civile et R. 133-8 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable au litige :
4. Selon le second de ces textes, lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale ou de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé, est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement qui rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés.
5. Cette formalité substantielle permet, dans le respect du principe contradictoire, d'informer l'employeur de l'ensemble des éléments pris en considération pour procéder au redressement et l'organisme de recouvrement n'est pas tenu de joindre à la lettre d'observations le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé, dont les références sont communiquées, ni de le produire aux débats.
6. Pour annuler la mise en demeure, l'arrêt retient que si les dispositions de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale n'imposent pas à l'URSSAF de joindre à la lettre d'observations le procès-verbal de travail dissimulé, l'organisme de recouvrement ne peut en refuser la production aux débats dès lors que la contestation porte sur l'existence du procès-verbal de travail dissimulé et sur le chiffrage du redressement fondé sur les éléments de l'enquête contenus dans ce procès-verbal.
7. En statuant ainsi, alors que l'absence de production aux débats du procès-verbal constatant les infractions de travail dissimulé n'affectait pas la régularité de la procédure et que les droits de la défense n'avaient pas été méconnus, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de nullité du jugement, dit n'y avoir lieu à statuer sur la restitution des sommes versées au titre du redressement litigieux et rejette la demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 28 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF de Midi-Pyrénées la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre.