LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 septembre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 720 F-B
Pourvoi n° K 22-17.393
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement situé à [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 22-17.393 contre l'arrêt n° 19/06198 rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société [4], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 7 avril 2022), la société [4] (la société) a demandé à la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, aux droits de laquelle vient l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), le remboursement d'une fraction des contributions acquittées au titre des années 2015 à 2017, correspondant au montant de la taxe générale sur les activités polluantes, dans sa composante déchet, qu'elle avait omis de déduire de l'assiette de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés.
2. Sa demande ayant été rejetée, la société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser à la société les sommes versées au titre de la contribution sociale de solidarité et de la contribution additionnelle, pour les années 2015 à 2017, alors :
« 1° / que les sociétés et entreprises assujetties à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) sont tenues d'indiquer à l'organisme chargé du recouvrement de cette contribution le montant de leur chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées ; que la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), dans sa composante déchet, est une taxe qui fait l'objet d'une classification expresse aux articles 266 sexies et 266 quindecies du chapitre 1er « taxes intérieures » du titre X du code des douanes ; que la TGAP est donc légalement considérée comme une « taxe intérieure », qui doit être intégrée à ce titre dans l'assiette de la C3S ; qu'en décidant néanmoins de qualifier la TGAP de « taxe sur le chiffre d'affaires ou assimilée » n'entrant pas dans l'assiette de la C3S, la cour d'appel a violé les articles susvisés et l'article L 651-5, alinéa 1er du code de la sécurité sociale.
2°/ que la TGAP, dans sa composante déchet, ne figure pas au nombre des « taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées » telles qu'énumérées au titre II de la première partie du code général des impôts et reprises au formulaire Cerfa n° 3310 intitulé « Taxe sur la valeur ajoutée et taxes assimilées » ; qu'en décidant néanmoins de qualifier la TGAP de « taxe sur le chiffre d'affaires ou assimilée » aux fins de déduction de l'assiette de la C3S, la cour d'appel a violé l'article L. 651-5, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale.
3°/ que la comptabilisation par l'entreprise de la TGAP dans le chiffre d'affaires en sus du montant des ventes ne peut justifier la qualification de « taxe sur le chiffre d'affaires ou taxe assimilée » ; qu'en se référant à la pratique de la société [4] consistant à comptabiliser la TGAP dans le chiffre d'affaires en sus du montant net des ventes pour qualifier cette taxe de « taxe sur le chiffre d'affaires ou assimilée », la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a violé l'article L. 651-5, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale.
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 651-5, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des contributions litigieuses :
4. Selon ce texte, les sociétés et entreprises assujetties à la contribution sociale de solidarité sont tenues d'indiquer annuellement à l'organisme chargé du recouvrement de cette contribution le montant de leur chiffre d'affaires déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées.
5. Le titre II de la première partie du code général des impôts intitulé « Taxes sur le chiffre d'affaire et taxes assimilées » détermine les différentes taxes appartenant à cette catégorie.
6. Il en résulte que la taxe générale sur les activités polluantes, dans sa composante déchet, qui constitue une taxe intérieure prévue par les articles 266 sexies et 266 quinquies du code des douanes et ne figure pas au nombre des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées énumérées au titre II de la première partie du code général des impôts, est incluse dans l'assiette de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés.
7. Pour accueillir le recours de la société, l'arrêt retient que si la taxe générale sur les activités polluantes est codifiée dans le code des douanes au sein du chapitre premier intitulé « taxes intérieures », cette codification, qui n'a aucune valeur normative, ne saurait suffire à démontrer qu'il ne s'agit pas d'une taxe sur le chiffre d'affaires ou assimilée. Il ajoute que la taxe générale sur les activités polluantes grève le prix des services vendus par l'entreprise qui en récupère le montant auprès des clients dont elle traite les déchets et est comptabilisée dans son chiffre d'affaires en sus du montant de ses ventes.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.
Condamne la société [4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer à l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre.