LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 septembre 2024
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 711 FS-B
Pourvoi n° H 21-20.675
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024
M. [Z] [L], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 21-20.675 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Centre-Val de Loire, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1],
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits du régime social des indépendants pour ce qui concerne les risques maladie,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [L], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Centre-Val de Loire et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pedron, conseillers, MM. Labaune, Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Intervention
1. Il est donné acte à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe de son intervention volontaire.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 novembre 2020), M. [L] (l'assuré) a successivement exercé la profession d'agent général d'assurance, en qualité de travailleur indépendant, au titre de laquelle il a été affilé au régime social des indépendants et à la caisse d'allocation vieillesse des agents généraux et des mandataires non salariés d'assurance et de capitalisation (la CAMAVAC), et la profession de courtier en assurances, au titre de laquelle il a été affilié au régime social des indépendants.
3. À la suite de son classement en invalidité de deuxième catégorie, il a obtenu, à compter du 1er mars 2015, le versement d'une pension d'invalidité par la caisse du régime social des indépendants des Pays de la Loire, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe.
4. Contestant le montant de cette pension, en ce qu'elle ne prenait pas en compte la période exercée en qualité d'agent général d'assurance, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. L'assuré fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que lorsque le montant de la pension d'invalidité servie à l'assuré par l'un des régimes définis à l'article R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale représente une fraction annuelle des revenus soumis à cotisations au sens de l'article L. 242-1 dudit code, perçus au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses, il est tenu compte, pour la détermination de ces dix années, des périodes d'assurance effectuées dans l'ensemble des régimes visés par l'article R. 172-17-1, lequel n'exclut pas les différents régimes de travailleurs non-salariés des professions non-agricoles ; qu'en jugeant, pour débouter l'assuré de sa demande de révision de sa pension d'invalidité, que le régime d'assurance invalidité de la Caisse d'allocation vieillesse des agents généraux et des mandataires non-salariés d'assurance et de capitalisation (CAVAMAC), section professionnelle relevant de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), n'entrait pas dans le champ de la coordination des régimes d'assurance invalidité pour le calcul des droits à pension, la cour d'appel a violé les articles L. 172-1, devenu L. 172-3, R. 172-16, R. 172-17 et R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 172-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 applicable au litige, est instituée une coordination entre les régimes d'assurance invalidité pour les personnes ayant relevé successivement ou alternativement soit de régimes de salariés, soit d'un régime de salariés et d'un régime de non salariés, soit de plusieurs régimes de travailleurs non salariés. Cette coordination concerne les conditions d'ouverture et de maintien des droits à pension d'invalidité dans les régimes en cause, ainsi que les conditions dans lesquelles sont calculés ces droits, lorsque le montant de la pension servie par le régime représente une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses.
7. Par un arrêt du 6 avril 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a saisi le Conseil d'État d'une question préjudicielle relative à la légalité, au regard du texte précédent, de l'article R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale, qui n'exclut du champ de la coordination pour le calcul de la pension d'invalidité coordonnée que le régime des avocats, le régime des travailleurs non salariés des professions agricoles et les régimes spéciaux autres que le régime des clercs et employés de notaires.
8. Par décision du 22 mars 2024, le Conseil d'État a jugé que l'article R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale est entaché d'illégalité en tant que la liste des régimes entrant dans le champ de la coordination prévue au 2° de l'article R. 172-16 qu'il comporte inclut des régimes qui ne satisfont pas à la condition prévue à l'article L. 172-1 du code de la sécurité sociale, exigeant que le montant de la pension servie représente une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses.
9. En application de l'article L. 640-1 du code de la sécurité sociale, les personnes exerçant la profession d'agent général d'assurance sont affiliées au régime d'assurance vieillesse et invalidité-décès des professions libérales, géré par la CAVAMAC.
10. Or, aux termes de l'article 12 du statut du régime d'assurance d'invalidité décès des agents généraux d'assurance, la pension d'invalidité professionnelle totale ou partielle est calculée sur la base de la totalité des commissions et des rémunérations brutes ayant servi au calcul de la cotisation de l'exercice précédant la date de reconnaissance de l'invalidité professionnelle de l'adhérent par la commission d'inaptitude ou sur la moyenne des trois dernières années d'exercice précédant cette même date si cette dernière est plus favorable, dans la limite du plafond fixé par ce régime.
11. Il résulte de ce qui précède que le régime des agents généraux d'assurance, en tant qu'il sert à ses adhérents des pensions d'invalidité ne représentant pas une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses, est exclu du champ de la coordination pour le calcul de la pension d'invalidité coordonnée, tel que fixé par l'article L. 172-1 du code de la sécurité sociale.
12. L'arrêt constate que l'assuré a cotisé à l'assurance complémentaire invalidité-décès de la CAVAMAC durant sa période d'activité en qualité d'agent général.
13. Il en résulte que le montant de la pension d'invalidité servie à l'assuré doit être calculé sans tenir compte des revenus correspondant aux cotisations versées à la CAVAMAC.
14. Par ce motif de pur droit, substitué d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui exclut le régime géré par la CAVAMAC du champ de la coordination pour le calcul de la pension d'invalidité servie à l'assuré, se trouve légalement justifié.
Mise hors de cause
15. À la suite de la suppression du régime social des indépendants par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017, les URSSAF se sont vu confier le recouvrement des cotisations et contributions sociales et les caisses primaires d'assurance maladie la gestion du risque maladie.
16. Le litige concernant l'assurance invalidité, il convient, dès lors, de mettre hors de cause l'URSSAF du Centre-Val de Loire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
MET hors de cause l'URSSAF du Centre-Val de Loire.
Condamne M. [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre.