LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 22-87.061 F-D
N° 00908
RB5
4 SEPTEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 SEPTEMBRE 2024
M. [G] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 22 novembre 2022, qui, pour fraude fiscale, escroquerie, faux, abus de biens sociaux, abus de confiance et blanchiment, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire, 800 000 euros d'amende, une interdiction professionnelle définitive, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Yves Richard, avocat de M. [G] [R], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des finances publiques, la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et l'Etat français, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Agissant dans le cadre d'une commission rogatoire internationale délivrée par la justice helvétique, le parquet de Nice a fait procéder le 20 janvier 2009 à une perquisition au domicile de M. [L], salarié de la banque [2], au cours de laquelle du matériel informatique a été saisi et exploité.
3. Le procureur de la République a ouvert, le 26 juin 2009, une enquête préliminaire et transmis les fichiers informatiques à l'administration fiscale, sur le fondement des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales.
4. Après avis conforme de la commission des infractions fiscales en date du 6 janvier 2011, l'administration fiscale a déposé plainte le 11 janvier 2011 auprès du procureur de la République pour fraude fiscale contre M. [G] [R] dirigeant plusieurs sociétés civiles ou commerciales ayant une activité dans le domaine de l'immobilier.
5. Des perquisitions ont été entreprises et des saisies pénales ont été ordonnées.
6. Un juge d'instruction a été saisi des chefs susvisés par réquisitoire introductif du 12 avril 2012, suivi de plusieurs réquisitoires supplétifs.
7. M. [R] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel notamment des chefs susvisés par ordonnance du juge d'instruction en date du 13 avril 2018.
8. Par jugement du 11 février 2020, le tribunal correctionnel a, sur l'action publique, déclaré irrecevables certaines exceptions de nullité et en a rejeté d'autres, constaté l'extinction de l'action publique des chefs d'usage de faux de 2005 à 2011, blanchiment de fraude fiscale de 2007 à 2010, blanchiment d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux de 2003 à 2011, relaxé M. [R] des chefs de passation d'écritures comptables inexactes ou fictives, usage de faux, blanchiment de fraude fiscale en 2011, passation d'écritures inexactes ou fictives dans un document comptable de 2003 à 2011 et l'a déclaré coupable de fraude fiscale par minoration de l'impôt sur le revenu de 2007 à 2010, fraude fiscale par minoration de l'impôt de solidarité sur la fortune en 2007 et 2008, faux de 2005 à 2011, escroquerie de 2003 à 2011, abus de biens sociaux de 2001 à 2011, abus de confiance de 2005 à 2011.
9. Le tribunal a condamné M. [R] à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, une interdiction définitive de gérer avec exécution provisoire, la confiscation d'une créance détenue sur un contrat d'assurance sur la vie et de la somme de 10 000 euros et a prononcé sur l'action civile.
10. M. [R], le ministère public, le directeur général des finances publiques et l'Etat ont interjeté appel du jugement.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, quatrième, cinquième, pris en sa première branche, sixième, septième, huitième, neuvième, onzième, treizième, quinzième, seizième, dix-septième, dix-huitième, dix-neuvième, vingtième, vingt-troisième, vingt-quatrième, vingt-sixième, vingt-septième, vingt-huitième et vingt-neuvième moyens
11. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le vingt-cinquième moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré les moyens de nullités de M. [R] irrecevables, alors « que la réserve d'interprétation que le Conseil constitutionnel énoncera dans sa décision n° 2023-1062 QPC ou dans la décision qu'il rendra sur la question prioritaire de constitutionnalité incidente au pourvoi, ou les mesures qu'il ordonnera dans ces décisions au titre de la cessation des effets de l'inconstitutionnalité des dispositions des articles 385 et 173-1 du code de procédure pénale, priveront de base légale la décision attaquée en ce qu'elle a retenu que monsieur [R] n'était pas recevable à se prévaloir de la nullité de l'avis de la Commission des infractions fiscales faute pour cette dernière d'avoir mis le contribuable en mesure de présenter ses observations. »
Réponse de la Cour
13. Saisi par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 385 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 2023-1062 du 28 septembre 2023, déclaré contraires à la Constitution les mots « sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction » figurant au premier alinéa de ce texte.
14. Le Conseil constitutionnel, qui a reporté au 1er octobre 2024 l'abrogation de ces dispositions du code de procédure pénale, a jugé que la déclaration d'inconstitutionnalité pouvait être invoquée dans les instances en cours ou à venir lorsque la purge des nullités a été ou est opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction et qu'il reviendra à la juridiction compétente de statuer sur ce moyen de nullité.
15. Le moyen doit être écarté pour les raisons qui suivent.
16. D'une part, la cour d'appel ayant, par des motifs non critiqués au moyen, examiné les nullités soulevées, M. [R] ne saurait se faire un grief de ce que l'arrêt a également jugé celles-ci irrecevables.
17. D'autre part, l'arrêt de l'arrêt de la cour administrative d'appel rendu le 29 novembre 2018 qui porte sur l'utilisation par M. [R] d'un compte bancaire ouvert à l'étranger sur une période située avant l'ordonnance de règlement du juge d'instruction en date du 13 avril 2018 ne révèle pas un moyen de nullité qui n'aurait pu être connu de l'intéressé avant la clôture de l'instruction.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [R] coupable de fraude fiscale, alors « que les faits faisant l'objet des poursuites pénales doivent exactement correspondre à ceux soumis à l'examen de la Commission des infractions pénales ; qu'en retenant que la plainte de l'administration fiscale, conforme à la saisine de la commission des infractions fiscales, vise une suspicion de fraude à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2006 à 2009, de sorte que la découverte d'autres éléments caractérisant de manière complémentaire les fraudes afférentes aux types d'impôts et aux années visées initialement n'aurait aucune conséquence sur la régularité de la saisine pénale lorsque monsieur [R] ne pouvait être poursuivi et condamné pour d'autres omissions ou sous-estimations déclaratives que celles pour lesquelles la commission des infractions fiscales avait été consultée peu important que ces omissions et sous-estimations déclaratives concernaient les mêmes impôts et se rapportaient au mêmes exercices que ceux visés par la plainte de l'administration fiscale, la cour d'appel a violé les articles L. 228 du livre des procédures fiscales, 1741 du code général des impôts et 388 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
19. Pour déclarer la poursuite pénale du chef de fraude fiscale conforme à l'avis de la commission des infractions fiscales, l'arrêt attaqué énonce que la seule obligation de l'administration fiscale est de caractériser une présomption de fraude fiscale, le dossier pénal, constitué à l'issue de l'enquête, pouvant apporter des précisions sur les éléments constitutifs de l'infraction sans qu'une nouvelle plainte ne soit nécessaire, sauf en cas de découverte d'une autre fraude ou d'une fraude portant sur des années différentes.
20. Les juges relèvent que la plainte de l'administration fiscale, conforme à l'avis de la commission des infractions fiscales, déposée à l'égard de M. [R] vise l'impôt sur le revenu et l'impôt sur la fortune au titre des années 2006 à 2009.
21. Ils précisent que la découverte d'éléments complémentaires concernant les mêmes impôts et les mêmes années de déclarations n'a aucune incidence sur la régularité de la procédure.
22. Ils ajoutent que M. [R] a été mis en examen le 3 novembre 2015 puis renvoyé par ordonnance du juge d'instruction du 13 avril 2018 devant le tribunal correctionnel pour les mêmes faits.
23. Ils en concluent que la poursuite est conforme à la plainte de l'administration fiscale et à l'avis de la Commission des infractions fiscales.
24. En se déterminant ainsi, dès lors qu'elle s'est assurée de l'identité des faits de la poursuite du chef de fraude fiscale et de l'avis de la commission des infractions fiscales, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
25. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
Sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [R] coupable de fraude fiscale, alors :
« 2°/ en tout état de cause que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; que les juges ne peuvent se fonder sur des synthèses établies à partir de fichiers dont la communication a toujours été refusée à la défense lorsque ces synthèses n'ont pas été établies par un expert indépendant et impartial et que lesdits fichiers n'ont pas pu être consultés devant la juridiction de jugement ; que monsieur [R] sollicitait, dans ses conclusions, que les synthèses individuelles BUP 50901108191 et BUP 5090288458, établies par l'administration fiscale à partir des fichiers « [1] », dont la communication lui avait toujours été refusée, soient écartées des débats ; qu'en rejetant cette demande et en se fondant principalement sur lesdites synthèses pour entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu du chef de fraude fiscale, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
27. Pour écarter le moyen tiré de l'absence d'accès par M. [R] au fichier informatique original, l'arrêt attaqué énonce qu'une fiche individuelle établie sur la base de celui-ci a été soumise à la discussion contradictoire des parties.
28. Les juges se réfèrent à la jurisprudence déjà rendue au sujet des fichiers dits [L], dont il résulte, notamment, que ne constitue pas une preuve illicite un document élaboré par voie de rapprochement et de décryptage de données informatiques.
29. Ils renvoient, enfin, aux motifs retenus par le tribunal correctionnel qui a relevé les différents points de cohérence d'état civil, d'adresse et de profession existant entre les fiches de synthèse et la situation des époux [R], et constaté que divers documents retrouvés en perquisition, dont des cartes de visite, ainsi qu'un témoignage, ont aussi permis d'établir l'existence de comptes bancaires détenus en Suisse par M. [R].
30. En prononçant ainsi, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué.
Sur le quatorzième moyen
Enoncé du moyen
31. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le délit de blanchiment de fraude fiscale, d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux n'est pas prescrit, alors :
« 1°/ que le point de départ de la prescription d'une infraction instantanée ne peut être reporté à l'issue d'une opération infractionnelle qu'en cas d'opération délictueuse unique ; qu'une opération délictueuse unique suppose une série d'actes successifs réalisés selon un même mode opératoire ; qu'en repoussant le point de départ du délai de prescription du délit de blanchiment d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux au jour où les faits de blanchiment se sont achevés, lorsqu'elle relevait que ces faits de blanchiment avaient été commis selon des modes opératoires différents, la cour d'appel a violé les articles 324-1 du code pénal et 8 du code de procédure pénale ;
2°/ que le délit de blanchiment, lorsqu'il consiste à faciliter la justification mensongère de l'origine de biens ou de revenus ou à apporter un concours à une opération de dissimulation du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, constitue une infraction occulte par nature ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que le délit de blanchiment de fraude fiscale, d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux n'est pas prescrit, que le premier acte interruptif de prescription ne peut être que le soit transmis de janvier 2011, sans déterminer la date à laquelle cette infraction était apparue et avait pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 324-1 du code pénal, 8 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que le délit de blanchiment n'est une infraction occulte par nature que lorsqu'il consiste à faciliter la justification mensongère de l'origine de biens ou de revenus ou à apporter un concours à une opération de dissimulation du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit ; qu'en écartant la prescription de l'action publique s'agissant de l'ensemble des faits de blanchiment lorsqu'elle relevait que certains de ces faits avaient consisté à apporter un concours à une opération de conversion du produit des abus de biens sociaux, et non de dissimulation, ce dont il s'induisait qu'il ne s'agissait pas d'une infraction occulte par nature, la cour d'appel a violé l'article 324-1 du code pénal et 8 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
32. Pour écarter le moyen de prescription des faits de blanchiment, l'arrêt attaqué énonce que le premier acte interruptif de prescription est constitué par le soit-transmis du procureur de la République du 11 janvier 2011.
33. Les juges retiennent que les faits de blanchiment d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux sont occultes, les transferts de fonds provenant de ces délits vers des comptes américains, israéliens ou suisses ayant été entrepris selon des modalités destinées à dissimuler tant l'existence des investissements à l'étranger que les revenus générés, notamment à l'aide d'une comptabilité irrégulière ou d'opérations financières ou comptables complexes faisant obstacle à toute traçabilité.
34. Ils constatent que les faits de blanchiment d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance réalisés de façon continue de 2003 à 2011 se sont achevés postérieurement au premier acte interruptif de prescription.
35. Ils ajoutent que le blanchiment de fraude fiscale est lié à la création et à la détention de comptes bancaires en Suisse au nom d'une société panaméenne, que l'interposition d'une société offshore est un acte de dissimulation par nature qui permet de cacher le nom du bénéficiaire réel et qu'il s'agit d'un délit occulte révélé en janvier 2011.
36. Ils en concluent que le délit de blanchiment n'est pas prescrit.
37. Par ces seuls motifs dénués d'insuffisance et de contradiction et relevant de son appréciation souveraine, en considérant que le blanchiment a consisté en des opérations de dissimulation des fonds provenant des infractions précitées et en reportant exactement le point de départ de la prescription au 11 janvier 2011, date qui correspond à la dénonciation des faits au ministère public ayant permis la révélation de l'ensemble de ces délits, la cour d'appel a justifié sa décision.
38. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Mais sur les dixième et douzième moyens
Enoncé des moyens
39. Le dixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le délit de faux n'est pas prescrit, alors « que les effets d'un acte interruptif de prescription s'étendent aux infractions connexes sous réserve que ces dernières ne soient pas déjà prescrites ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'une enquête préliminaire a été ouverte suite à une plainte de l'administration fiscale déposée le 11 janvier 2011 ; que, pour écarter le moyen de prescription des faits de faux, la cour d'appel énonce que « l'effet interruptif de prescription d'un fait principal se répercute sur la prescription du délit connexe, de sorte que les délits d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance n'étant pas prescrits, le délit de faux n'est pas prescrit » ; qu'en statuant par ce motif inopérant dès lors que les faits de faux étaient déjà prescrits au 11 janvier 2011 pour ceux antérieurs au 11 janvier 2008, la cour d'appel a violé les articles 8, 9-2, 203 et 593 du code de procédure pénale. »
40. Le douzième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le délit d'escroquerie n'est pas prescrit, alors « que les effets d'un acte interruptif de prescription s'étendent aux infractions connexes sous réserve que ces dernières ne soient pas déjà prescrites ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'une enquête préliminaire a été ouverte suite à une plainte de l'administration fiscale déposée le 11 janvier 2011 ; que, pour écarter le moyen de prescription des faits d'escroquerie, la cour d'appel énonce que « l'effet interruptif de prescription d'un fait principal se répercute sur la prescription du délit connexe, de sorte que les délits d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance n'étant pas prescrits, le délit de faux n'est pas prescrit » et qu'une « analyse similaire peut être faite pour le délit d'escroquerie à la TVA » ; qu'en statuant par ce motif inopérant dès lors que les faits d'escroquerie étaient déjà prescrits au 11 janvier 2011 pour ceux ayant donné lieu à une remise antérieure au 11 janvier 2008, la cour d'appel a violé les articles 8, 9-2, 203 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
41. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
42. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
43. Pour écarter le moyen de prescription du délit de faux, l'arrêt attaqué énonce que les faux, en l'espèce les fausses factures, sont le support des infractions connexes d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux, puisqu'ils ont servi à masquer le détournement consommé par celles-ci.
44. Pour écarter le moyen de prescription du délit d'escroquerie, l'arrêt attaqué énonce que le délit d'escroquerie à la TVA a permis à M. [R] de disposer de sommes indues dont il a fait un usage contraire à celui des sociétés, consommant les délits connexes d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux.
45. Les juges en déduisent que l'interruption de la prescription des délits d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance par la plainte de l'administration fiscale du 11 janvier 2011 vaut également pour les délits connexes de faux et d'escroquerie.
46. En se déterminant ainsi, sans s'assurer que ces délits ou certains d'entre eux n'étaient pas déjà prescrits avant le premier acte interruptif précité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
47. La cassation est, en conséquence, encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
48. La cassation sera limitée à la culpabilité des chefs de faux et escroquerie, aux peines et à l'action civile.
49. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les vingt-et-unième et vingt-deuxième moyens de cassation proposés, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 22 novembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la culpabilité des chefs de faux et escroquerie, aux peines et à l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille vingt-quatre.