LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 juillet 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 407 F-D
Pourvoi n° J 22-24.430
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024
M. [J] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-24.430 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Marbeuf 5, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Davan, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [C], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société civile immobilière Marbeuf 5, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 décembre 2022), par acte sous seing privé du 27 avril 2017, la société civile immobilière Marbeuf 5 (le vendeur) a donné à la société Davan (l'agent immobilier) mandat exclusif de vendre un appartement à Paris au prix net vendeur de 2 700 000 euros.
2. Par acte sous seing privé du 31 mai 2017, M. [C], après avoir visité le bien, a offert de l'acheter, sous réserve de l'acceptation du propriétaire, au prix de 2 550 000 euros.
3. Le même jour, le vendeur a apposé sur cette offre d'achat la mention : « Bon pour vente au prix de 2 550 000 euros, frais d'agence inclus ».
4. Le 26 juillet 2017, M. [C] a fait dresser par notaire un procès-verbal de carence à l'encontre du vendeur sommé de signer la promesse de vente des lots 16 et 45, correspondant respectivement à l'appartement et à une cave.
5. Par acte du 6 juillet 2017, l'agent immobilier a assigné le vendeur en paiement de sa rémunération, puis, par acte du 26 septembre 2017, M. [C] a assigné ce dernier en constatation de la vente des lots 16 et 45. Les deux instances ont été jointes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. [C] fait grief à l'arrêt de dire que l'offre d'achat du 31 mai 2017 ne constitue pas une vente parfaite des lots 16 et 45 et de rejeter ses demandes, alors « que le juge ne peut méconnaître les termes du litige dont il est saisi et qui sont délimités par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la SCI Marbeuf 5 avait invoqué l'absence de formation de la vente faute de réalisation des conditions suspensives respectivement relatives au versement de l'acompte de 5% du prix de vente et à l'obtention d'un prêt pour l'acquéreur, sans nullement soutenir que la vente n'était pas parfaite en raison de l'absence d'accord des parties sur la consistance de la chose vendue ; que, dès lors, en déboutant M. [C] de sa demande tendant à la constatation d'une vente parfaite motif pris de ce que « le vendeur voulait vendre un appartement » (?) « tandis que l'acquéreur voulait acquérir un appartement (?) ainsi qu'une cave », d'où « une absence d'accord des parties sur la consistance de la chose vendue, celles-ci étant restées au stade de la négociation », la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4, alinéa 1er, du code de procédure civile :
7. Aux termes de ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
8. Pour dire que l'offre d'achat du 31 mai 2017 ne constitue pas une vente parfaite et rejeter les demandes de M. [C], l'arrêt retient qu'il ne peut se déduire des éléments transmis un accord des parties sur la consistance de la chose vendue.
9. En statuant ainsi, alors que le vendeur sollicitait l'infirmation du jugement en raison de ce que l'offre d'achat n'avait pas été formée, faute pour M. [C] d'avoir respecté dans les délais les deux conditions suspensives de son offre, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
10. M. [C] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec la société Davan, à payer au vendeur la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en l'espèce, pour condamner M. [C], in solidum avec l'agence immobilière, à payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts à la société civile immobilière Marbeuf 5, la cour d'appel a retenu que « le préjudice dont justifie la société Marbeuf 5 consiste dans le fait d'avoir dû subir les tracas et aléas d'une procédure judiciaire » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit de M. [C] d'agir en justice, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil.»
Réponse de la Cour
Vu l'article 1240 du code civil :
11. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
12. Pour condamner M. [C] à payer au vendeur une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt énonce que le préjudice dont justifie le vendeur consiste dans le fait d'avoir dû subir les tracas et les aléas d'une procédure judiciaire.
13. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la faute engageant la responsabilité de M. [C], la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation des chefs de dispositif de l'arrêt concernant M. [C] n'emporte pas celle des chefs de dispositif condamnant la société Davan, défaillante et n'ayant pris l'initiative d'aucun pourvoi, au paiement de dommages-intérêts, d'une indemnité de procédure ainsi que des dépens de première instance et d'appel, dispositions qui ne sont pas dans un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Davan à payer à la société civile immobilière Marbeuf 5 une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une indemnité pour frais irrépétibles de 10 000 euros, outre les dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 9 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société civile immobilière Marbeuf 5 aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Marbeuf 5 et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.