La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2024 | FRANCE | N°52400795

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 52400795


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 10 juillet 2024








Rejet




M. SOMMER, président






Arrêt n° 795 FS-B


Pourvoi n° V 22-21.082






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT

DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024


Le [4], (établissement d'hospitalisation), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-21.082 contre l'ordonnance rendue le 23 août 2022 par le premier président d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juillet 2024

Rejet

M. SOMMER, président

Arrêt n° 795 FS-B

Pourvoi n° V 22-21.082

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024

Le [4], (établissement d'hospitalisation), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-21.082 contre l'ordonnance rendue le 23 août 2022 par le premier président du tribunal judiciaire du Havre, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant :

1°/ à l'association Emergences formation, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'hôpital [6], dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du [4], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'association Emergences formation, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal judiciaire du Havre, 23 août 2022), rendue selon la procédure accélérée au fond, le [4] (le groupe hospitalier) emploie environ 400 salariés répartis sur sept établissements. Il est doté de quatre comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, trois étant rattachés à chacun des hôpitaux [6], [3] et [7], le dernier constituant le comité de coordination.

2. Le 25 novembre 2021, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'hôpital [6] (le CHSCT) a décidé de recourir à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12, 1°, du code du travail et a désigné l'association Emergences formation (l'expert) pour y procéder.

3. Suivant ordonnance du 26 avril 2022, le président du tribunal judiciaire a débouté le groupe hospitalier de sa demande d'annulation de cette délibération mais a limité le périmètre de l'expertise aux services de la direction des ressources humaines de l'hôpital [6].

4. Le 13 juin 2022, le groupe hospitalier a fait assigner le CHSCT et l'expert devant le président du tribunal judiciaire pour obtenir la limitation de la communication des documents sollicités par l'expert au périmètre de la direction des ressources humaines et la réduction du coût de l'expertise.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le groupe hospitalier fait grief à l'ordonnance de le débouter de ses demandes, alors « que l'expert habilité désigné par le CHSCT en application de l'article L. 4614-12, 1° du code du travail, ne peut exiger de l'employeur que ''les informations nécessaires à l'exercice de sa mission'' ; que pour assurer l'effectivité du droit, pour l'employeur, de contester le coût prévisionnel de l'expertise, le juge doit en conséquence s'assurer, concrètement, que les documents réclamés par l'expert et dont l'analyse est prise en compte dans le coût prévisionnel de l'expertise sont bien nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'en se bornant en l'espèce à viser les ''interactions constantes'' entre la direction des ressources humaines et les autres services, pour retenir que les enjeux de l'expertise confiée à l'association Emergences formation, bien que limitée à la direction des ressources humaines, nécessitent que l'expert prenne connaissance et analyse, outre les documents concernant la direction des ressources humaines et ses 41 agents, des documents intéressant tout l'hôpital [6], tels que l'organigramme par site et par fonction, les procès-verbaux des CHSCT de ce site des deux années précédentes, le bilan social, le bilan hygiène sécurité, les rapports annuels et la fiche entreprise du médecin du travail, le programme annuel de prévention et le document unique d'évaluation des risques qui concernent l'ensemble des agents et par conséquent ceux de la direction des ressources humaines, sans rechercher si l'analyse de tous les documents sollicités par l'expert, lequel réclamait non seulement les éléments précités, mais aussi des statistiques sur les accidents du travail et l'absentéisme au cours des trois années précédentes, était concrètement nécessaire à l'exercice de la mission de l'expert, le tribunal a méconnu son office, en violation de l'article L. 4614-13 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige interprété au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

7. En cas de litige, il appartient au juge d'apprécier la nécessité des informations réclamées par l'expert pour accomplir sa mission.

8. Ayant constaté que l'expertise pour risque grave portait sur la direction des ressources humaines de l'hôpital [6], ce qui nécessitait que l'expert prenne connaissance et analyse, outre les documents concernant directement la direction des ressources humaines et ses 41 agents, des documents intéressant l'hôpital, tels que l'organigramme par site et par fonction, afin de situer le service de la direction des ressources humaines au sein de l'établissement de l'hôpital en raison des interactions constantes avec les autres services, les procès-verbaux des CHSCT de ce site des deux années précédentes pour identifier les difficultés éventuellement déjà soulignées, le bilan social, le bilan hygiène et sécurité, les rapports annuels et la fiche entreprise du médecin du travail, le programme annuel de prévention et le document unique d'évaluation des risques qui concernaient l'ensemble des agents et par conséquent, ceux de la direction des ressources humaines, le président du tribunal judiciaire, qui n'a pas méconnu son office, n'encourt pas le grief du moyen.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

9. Le groupe hospitalier fait grief à l'ordonnance de le débouter de ses demandes, alors « que si l'expert habilité a libre accès aux locaux de l'entreprise et détermine librement ses méthodes de travail, il ne dispose d'aucun pouvoir d'audition des membres du personnel ; qu'en l'espèce, le [4] dénonçait le caractère excessif du coût prévisionnel de l'expertise fixé par l'association Emergences formation, en faisant valoir qu'il résultait, pour une grande part, du nombre démesuré (70) d'entretiens avec les membres du personnel prévu par l'expert, ces entretiens représentant au total 105 heures ou 13,5 jours de travail, alors que le service des ressources humaines auquel l'expertise était limitée compte 41 salariés seulement ; qu'à cet égard, l'exposant soutenait que l'expert habilité ne dispose d'aucun droit à organiser des entretiens avec le personnel, sur le lieu de travail ; qu'en affirmant néanmoins, pour retenir que le coût prévisionnel de l'expertise n'était pas excessif, que ''l'expertise ordonnée (?) impose que l'ensemble de la chaîne hiérarchique et organisationnelle, tous les intervenants en matière de santé au travail, les représentants du personnel et délégués syndicaux, de même que chacun des agents de la direction concernée, y compris les 6 agents ayant récemment quitté ses services, puissent être entendus, s'ils le souhaitent'', le tribunal a reconnu à l'expert un pouvoir d'audition dont il ne dispose pas, en violation de l'article L. 4614-13 du code du travail dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article L. 4614-12 du code du travail applicable en la cause, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement.

11. Aux termes de l'article L. 4614-13 du code du travail applicable en la cause, l'employeur ne peut s'opposer à l'entrée de l'expert dans l'établissement. Il lui fournit les informations nécessaires à l'exercice de sa mission.

12. Selon l'article L. 4121-2 du code du travail, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention, notamment planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1.

13. Aux termes de l'article L. 4612-3 du même code, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l'établissement et suscite toute initiative qu'il estime utile dans cette perspective. Il peut proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1. Le refus de l'employeur est motivé.

14. Il en résulte que l'expert désigné dans le cadre d'une expertise pour risque grave, s'il considère que l'audition de certains salariés de l'entreprise est utile à l'accomplissement de sa mission, peut y procéder à la condition d'obtenir l'accord des salariés concernés.

15. En cas de contestation par l'employeur, il appartient au juge d'apprécier la nécessité des auditions prévues par l'expert au regard de la mission de celui-ci.

16. Ayant relevé que l'expertise ordonnée à la suite du constat de l'existence d'un risque grave pour l'ensemble des agents de la direction des ressources humaines de l'Hôpital [6] qui se traduisait par des risques psycho-sociaux et physiques et par la manifestation d'une souffrance au travail mise en évidence par de multiples faits, sans que les alertes préalables y aient mis un terme, imposait que l'ensemble de la chaîne hiérarchique et organisationnelle, tous les intervenants en matière de santé au travail, les représentants du personnel et délégués syndicaux, de même que chacun des agents de la direction concernée, y compris les six agents ayant récemment quitté ces services, puissent être entendus avec leur accord, le président du tribunal judiciaire n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail.

17. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le [4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le [4] et le condamne à payer à l'association Emergences formation la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400795
Date de la décision : 10/07/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal judiciaire du Havre, 23 août 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2024, pourvoi n°52400795


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400795
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award