La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2024 | FRANCE | N°42400415

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 juillet 2024, 42400415


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


HM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 10 juillet 2024








Cassation partielle




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 415 F-D


Pourvoi n° B 22-21.663










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
__________________

_______




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 JUILLET 2024


M. [P] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-21.663 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

HM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juillet 2024

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 415 F-D

Pourvoi n° B 22-21.663

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 JUILLET 2024

M. [P] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-21.663 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [J] [M], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [Y], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 juin 2022, RG 21/04365), par un acte du 25 février 2008, la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France (la banque) a consenti à la société Groupe CPS un prêt d'un montant de 1 000 000 d'euros, d'une durée de 84 mois. Ce prêt, destiné à l'acquisition des titres de la société Centre financements, a été garanti par les cautionnements solidaires de MM. [Y] et [M], pour une durée de 108 mois et dans la limite de 150 000 euros chacun.

2. Par un acte du 9 mars 2010, la banque a consenti à la société un prêt d'un montant de 475 000 euros, d'une durée de 84 mois, destiné à l'acquisition des titres de la société All Assets Lease. Ce prêt a également été garanti par les cautionnements solidaires de MM. [Y] et [M] ainsi que de Mme [T], épouse de ce dernier, dans la limite de 308 750 euros chacun et pour une durée de 108 mois.

3. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné les cautions en exécution de leurs engagements.

4. M. [Y] a invoqué l'extinction de son obligation de règlement au titre des cautionnements des prêts ainsi que la disproportion manifeste de ses engagements à ses biens et revenus.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [Y] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque la somme de 30 700,10 euros, à parfaire de l'intérêt au taux légal à compter du 16 juillet 2019 et jusqu'au complet paiement, au titre du prêt de 1 000 000 euros et la somme de 154 541,27 euros à parfaire des intérêts au taux de 4,71 % + 5 % courant à compter du 16 juillet 2019 et jusqu'au complet paiement, au titre du prêt de 475 000 euros, et de rejeter sa demande tendant à voir juger que son obligation de règlement en qualité de caution des prêts a expiré, respectivement, les 25 février 2017 et 9 mars 2019, alors « que lorsque le cautionnement d'une dette à durée déterminée est assorti d'un terme plus lointain que celui de l'obligation principale garantie, la survenance du terme du cautionnement entraîne la caducité de l'obligation de règlement de la caution et entraîne la forclusion de l'action du créancier ; que, dès lors, en affirmant, pour considérer que l'action de la banque était recevable, que la clause selon laquelle la caution s'était engagée pour une durée de 108 mois ne pouvait porter que sur l'obligation de couverture et non sur l'obligation de règlement de la caution dans la mesure où elle ne fixait, ni délai au créancier pour agir en recouvrement contre la caution, ni terme au-delà duquel il ne pouvait plus agir, la cour d'appel qui s'est fondée sur des circonstances inopérantes, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

6. Ayant constaté que les contrats de cautionnements ne comportaient aucune stipulation claire, restreignant expressément dans le temps le droit de poursuite de la banque, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation des actes litigieux, que l'ambiguïté de leurs termes rendait nécessaire, que la cour d'appel a estimé que la durée qu'ils stipulaient ne limitait pas le délai d'exercice de l'action en paiement contre la caution.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

8. M. [Y] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque la somme de 30 700,10 euros, à parfaire de l'intérêt au taux légal à compter du 16 juillet 2019 et jusqu'au complet paiement, au titre du prêt de 1 000 000 euros et la somme de 154 541,27 euros à parfaire des intérêts au taux de 4,71 % + 5 % courant à compter du 16 juillet 2019 et jusqu'au complet paiement, au titre du prêt de 475 000 euros, et de rejeter sa demande tendant à voir juger que les engagements de caution étaient disproportionnés au regard de son patrimoine et de ses revenus aux dates de leur mise en place et à la date de leur mise en oeuvre, alors :

« 3°/ que l'appréciation de la proportionnalité de l'engagement de la caution par rapport à ses biens et revenus ne doit pas tenir compte du succès éventuel de l'opération garantie ; qu'en prenant en considération, pour apprécier le caractère disproportionné de l'engagement de caution de M. [Y] consenti le 15 février 2008 à hauteur de 150 000 euros, afin de garantir un prêt de 1 000 000,00 euros destiné à l'acquisition, par la société Groupe CPS des parts sociales de la société Centre financements, qu'il convenait de prendre en considération l'augmentation de la valeur des parts que ce dernier détenait dans la société Groupe CPS du fait de l'achat des parts de la société Centre financements, soit à tout le moins 1 435 000 euros après déduction des sommes prêtées, la cour d'appel qui a tenu compte du succès éventuel de l'opération garantie a violé l'article L. 341-1 du code de la consommation ;

4°/ que l'appréciation de la proportionnalité de l'engagement de la caution par rapport à ses biens et revenus ne doit pas tenir compte du succès éventuel de l'opération garantie ; qu'en prenant en considération, pour apprécier le caractère disproportionné de l'engagement de caution de M. [Y] consenti le 9 mars 2010 à hauteur de 308 750 euros, afin de garantir un prêt de 475 000 euros destiné à l'acquisition, par la société Groupe CPS, des parts sociales de la société All Assets Lease, qu'il convenait de prendre en considération l'augmentation de la valeur des parts que ce dernier détenait dans la société Groupe CPS du fait de l'achat des parts de la société All Assets Lease, soit à tout le moins 555 000 euros, la cour d'appel qui a tenu compte du succès éventuel de l'opération garantie a violé l'article L. 341-1 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :

9. Aux termes de ce texte, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

10. La proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie.

11. Pour condamner la caution et rejeter sa demande tendant à voir déclarer ses engagements manifestement disproportionnés à ses biens et revenus, l'arrêt retient, pour l'appréciation de la proportionnalité des cautionnements des 25 février 2008 et 9 mars 2010, qu'il convient de prendre en compte l'augmentation de la valeur des parts que cette derniere détient dans la société débitrice principale du fait de l'achat de parts, respectivement, de la société Centre financements et de la société All Assets Lease.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [Y] à payer à la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France la somme de 30 700,10 euros, à parfaire de l'intérêt au taux légal à compter du 16 juillet 2019 et jusqu'au complet paiement, au titre du prêt de 1 000 000 euros et la somme de 154 541,27 euros à parfaire des intérêts au taux de 4,71 % + 5 % courant à compter du 16 juillet 2019 et jusqu'au complet paiement, au titre du prêt de 475 000 euros, et rejette sa demande tendant à voir juger ses engagements de caution manifestement disproportionnés au regard de son patrimoine et de ses revenus à la date de leur conclusion, l'arrêt rendu le 28 juin 2022 (RG 21/04365), entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400415
Date de la décision : 10/07/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jui. 2024, pourvoi n°42400415


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot, SCP Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400415
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award