LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 juillet 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 410 F-D
Pourvoi n° J 23-14.015
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2024
La société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 23-14.015 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [H] [T],
2°/ à Mme [M] [C],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
3°/ à la société Mandataires judiciaires associés (MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [Y], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vivons Energy,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [T] et de Mme [C], après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Cofidis du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société MJA, représentée par M. [Y], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Vivons Energy.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 janvier 2023), le 23 novembre 2016, M. [T] a conclu hors établissement, avec la société Vivons Energy (le vendeur), un contrat portant sur l'installation d'un système de production d'énergie photovoltaïque, dont le prix a été financé par un crédit souscrit le même jour, avec Mme [C], auprès de la société Cofidis (la banque).
3. Invoquant l'irrégularité du bon de commande, M. [T] et Mme [C] (les emprunteurs) ont assigné le vendeur, pris en la personne de son liquidateur judiciaire, et la banque en annulation des contrats de vente et de crédit affecté.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer aux emprunteurs l'ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du crédit affecté conclu le 30 novembre 2016 et de rejeter sa demande en condamnation solidaire de ces derniers à lui rembourser le capital emprunté avec intérêts au taux légal, alors :
« 4°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur
est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; qu'en retentant que de telles fautes (i. e, celle de la banque et celle du fournisseur) en l'espèce ont causé à M. [H] [T] et Mme [M] [C] un préjudice incontestable qui doit être justement et exactement arbitré à hauteur du montant intégral de la créance de restitution", la cour d'appel a déduit l'existence du préjudice indemnisable de la seule commission de la faute de la société Cofidis (outre celle du fournisseur) en dispensant les emprunteurs de la preuve qui pesait sur eux à ce titre en violation des articles L. 312-48 et L. 312-55 du code de la consommation et de l'article 1231-1 du code civil ;
5°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; qu'en retentant que de telles fautes (i. e, celle de la banque et celle du fournisseur) en l'espèce ont causé à M. [H] [T] et Mme [M] [C] un préjudice incontestable qui doit être justement et exactement arbitré à hauteur du montant intégral de la créance de restitution" sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'installation photovoltaïque fonctionnait, ce dont il serait résulté l'absence de préjudice, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 312-54 du code de la consommation et 1231-1 du code civil ;
6°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; que l'impécuniosité du contractant principal n'est pas en lien de cause à effet avec la faute du prêteur consistant en l'absence de vérification de la conformité du bon de commande aux exigences légales et à l'omission de s'assurer de l'exécution du contrat principal à l'époque où le fournisseur était in bonis ; qu'en décidant néanmoins le contraire en énonçant que force est de constater que la faillite du vendeur survenue dans le cours de la présente procédure contentieuse doit être considérée comme générant un préjudice
suffisant pour priver le prêteur de sa créance de restitution. En effet du fait de cette déconfiture M. [H] [T] et Mme [M] [C] se verraient, selon toute vraisemblance, dans l'impossibilité de récupérer le prix de vente auprès de la société Vivons Energy en liquidation judiciaire - restitution du prix qui aurait été la conséquence juridique normale et automatique résultant de l'annulation du contrat de vente", la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. En cas de résolution ou d'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, la faute du prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, ne dispense l'emprunteur de restituer le capital emprunté que si celui-ci justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
7. Lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
8. Après avoir annulé la vente en raison des irrégularités qui affectaient le bon de commande, l'arrêt retient, d'une part, qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque avait manqué à ses obligations, d'autre part, que les emprunteurs avaient subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel.
9. En l'état de ces constations et appréciations, dès lors que ce préjudice n'aurait pas été subi sans la faute de la banque, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée à la cinquième branche du moyen, a condamné celle-ci à payer aux emprunteurs, à titre de dommages et intérêts, une somme correspondant au capital emprunté.
10. Partiellement inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cofidis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cofidis et la condamne à payer à M. [T] et Mme [C] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.