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04/07/2024 | FRANCE | N°32400398

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 juillet 2024, 32400398


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


MF






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 4 juillet 2024








Cassation partielle




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 398 FS-B


Pourvoi n° X 22-24.856








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024


La société Seqens, société anonyme d'habitation à loyer modéré, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-24.856 contre l'arr...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 juillet 2024

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 398 FS-B

Pourvoi n° X 22-24.856

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024

La société Seqens, société anonyme d'habitation à loyer modéré, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-24.856 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [U] [N], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Mme [G] [N], épouse [R],

3°/ à M. [K] [N],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Seqens, de Me Balat, avocat de MM. [U] et [K] [N] et de Mme [G] [N], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Proust, Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 2022), le 9 janvier 2001, la société France habitation, aux droits de laquelle est venue la société Seqens (la bailleresse), a donné à bail à M. [U] [N] et [B] [N] un appartement, qu'ils ont occupé avec leurs enfants [G] et [K].

2. [B] [N] est décédée le 17 juin 2016, après qu'une ordonnance de non-conciliation entre les époux lui a attribué la jouissance du domicile familial.

3. Le 22 juin 2016, M. [U] [N] a signé un avenant par lequel il était désigné comme restant seul titulaire du bail.

4. Plusieurs mensualités étant demeurées impayées, la bailleresse a fait signifier à M. [U] [N] un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail, puis l'a assigné en constat d'acquisition de cette clause, en expulsion et en paiement d'un arriéré locatif.

5. Ses enfants sont intervenus volontairement à l'instance. Ils ont sollicité la reconnaissance, au bénéfice de M. [K] [N], du transfert du bail au décès de sa mère, avec laquelle il cohabitait depuis plus d'un an.

Sur le moyen relevé d'office

6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 1751 du code civil et 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :

7. Selon le premier de ces textes, le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux, est réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux. En cas de décès d'un des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément.

8. Selon le second, lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré :
- au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1751 du code civil ;
- aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ;
- au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
- aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.
En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.

9. Il est jugé, en application du premier de ces textes, que la séparation de fait des époux ou l'autorisation qui leur est donnée de résider séparément ne remet pas en cause la cotitularité du bail portant sur le logement qui a servi effectivement à leur habitation commune (3e Civ., 27 mai 1998, pourvoi n° 96-13.543, Bull. 1998, III, n° 109 ; 3e Civ., 31 mai 2006, pourvoi n° 04-16.920, Bull. 2006, III, n° 135).

10. Il est également jugé que le conjoint survivant qui satisfait aux conditions de l'article 1751 du code civil dispose d'un droit exclusif sur le logement qui a servi effectivement à l'habitation des époux avant le décès et que ce droit prive les descendants qui vivent dans les lieux au moment du décès du preneur de tout droit locatif (3e Civ., 28 juin 2018, pourvoi n° 17-20.409, Bull. 2018, III, n° 77).

11. Le conjoint survivant, qui satisfait aux conditions de l'article 1751 du code civil, peut renoncer expressément à l'exclusivité de son droit au bail pour permettre, le cas échéant, aux personnes qui satisfont aux conditions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 de bénéficier de droits concurrents aux siens sur le bail. Cette renonciation ne peut cependant porter que sur l'exclusivité du droit au bail et ne peut permettre au conjoint survivant, à défaut de congé valablement délivré par lui, de mettre fin au droit au bail dont il est titulaire.

12. Pour rejeter la demande en paiement de la bailleresse, dirigée contre M. [U] [N] au titre d'un supplément de loyer de solidarité, l'arrêt retient que le local loué avait servi à l'habitation des époux, que M. [U] [N], bien que n'ayant pas donné congé, a fait connaître en 2011 son désintérêt pour les locaux qu'il n'habitait plus, qu'il n'a jamais demandé à bénéficier du transfert du contrat de location après le décès de son épouse le 17 juin 2016, nonobstant l'avenant du 22 juin 2016 le désignant comme seul titulaire, de sorte que le contrat de location doit se poursuivre au profit de son fils, titulaire, en concurrence avec son père, du droit au transfert comme vivant avec sa mère dans les lieux loués durant l'année ayant précédé le décès de cette dernière, conformément aux dispositions de l'article 14, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1989.

13. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que M. [U] [N], cotitulaire du bail, n'avait pas expressément renoncé, après le décès de son épouse, à l'exclusivité de son droit au bail et qu'il n'avait par ailleurs pas mis fin à ce bail par un congé valablement délivré, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement du solde des loyers impayés, l'arrêt rendu le 27 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [G] [N] et MM. [K] et [U] [N] in solidum aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G] [N] et MM. [K] et [U] [N] et les condamne à payer à la société Seqens la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400398
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 - Transfert - Bénéficiaires - Conjoint survivant du preneur - Droit au bail - Droit exclusif - Renonciation - Conditions - Portée

Le conjoint survivant, qui satisfait aux conditions de l'article 1751 du code civil, peut renoncer expressément à l'exclusivité de son droit au bail pour permettre, le cas échéant, aux personnes qui satisfont aux conditions de l'article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 de bénéficier de droits concurrents aux siens sur le bail. Cette renonciation ne peut porter que sur l'exclusivité du droit au bail et ne peut permettre au conjoint survivant, à défaut de congé valablement délivré par lui, de mettre fin au droit au bail dont il est titulaire


Références :

Article 1751 du code civil

Article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 septembre 2022

3e Civ., 28 juin 2018, pourvoi n° 17-20409, Bull. 2018, III, n° 77 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 jui. 2024, pourvoi n°32400398


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller
Avocat(s) : SCP Fabiani - Pinatel, Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400398
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