LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 juillet 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 376 F-D
Pourvoi n° C 23-12.376
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024
La société Abeille IARD et santé, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 23-12.376 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Chubb European Group SE, dont le siège est [Adresse 7],
2°/ à M. [O] [C], domicilié [Adresse 6],
3°/ à Mme [S] [B], domiciliée [Adresse 3],
4°/ à Mme [I] [M],
5°/ à M. [H] [M],
tous deux domiciliés [Adresse 5],
6°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
7°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Abeille IARD et santé, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Abeille IARD et santé du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Generali IARD.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 septembre 2022), M. et Mme [C] ont confié la construction d'une piscine à la société Gesbleu, assurée auprès de la société Ace European Group Limited, devenue Chubb European Group SE (la société Chubb).
3. Des travaux ont été sous-traités à M. [U], assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).
4. M. et Mme [C] ont vendu l'ouvrage à M. et Mme [M], qui l'ont assuré auprès de la société Aviva assurances, devenue Abeille IARD et santé (la société Abeille).
5. Après l'effondrement de murs de la dépendance abritant la piscine, M. et Mme [M] ont assigné leur assureur, les vendeurs et les assureurs des constructeurs.
6. M. et Mme [M] et la société Abeille ont signé un protocole pour l'indemnisation des préjudices des assurés.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
7. La société Abeille fait grief à l'arrêt de condamner in solidum M. et Mme [C], la société Axa et la société Chubb à lui payer la seule somme de 45 573 euros au titre de son recours subrogatoire et de rejeter ses demandes plus amples, alors :
« 1°/ que tout jugement doit être motivé ; que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis, sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties ; que pour confirmer le jugement dont appel qui avait condamné in solidum les époux [C], la société Axa France IARD et la société Chubb European Group à payer à la société Aviva la seule somme de 45 573 euros au titre de son recours subrogatoire et l'avait déboutée de ses demandes plus amples, la cour d'appel retient qu'Aviva justifie avoir versé le 5 juin 2018 une somme de 45 573,18 euros aux époux [M], mais qu'aucun autre versement n'est justifié à ce jour et que si elle sollicite une somme de 95 117,58 euros, correspondant au protocole transactionnel qu'elle a signé pour un montant global de 140 690,58 euros, déduction faite de la somme de 45 573 euros, admise par le tribunal, cette somme n'est à ce jour pas justifiée ; qu'en statuant ainsi, sans analyser, même sommairement, les copies d'écran et la quittance subrogative du 23 juillet 2019 produites pour la première fois devant elle par la société Abeille IARD et santé ainsi que la quittance subrogative du 28 novembre 2019 produite aux débats par les époux [M] et invoquée par la société Abeille IARD et santé pour justifier, comme elle le soutenait dans ses écritures, avoir versé à ses assurés les sommes de 109 939,58 euros et de 21 455,20 euros, soit la somme totale de 131 394,78 euros à hauteur de laquelle elle était donc fondée à exercer son recours subrogatoire, la cour d'appel a violé les articles 455 et 563 du code de procédure civile ;
3°/ que tout jugement doit être motivé ; que pour confirmer le jugement dont appel qui avait condamné in solidum les époux [C], la société Axa France IARD et la société Chubb European Group à payer à la société Aviva la seule somme de 45 573 euros au titre de son recours subrogatoire et l'avait déboutée de ses demandes plus amples, la cour d'appel retient encore que celle-ci sollicite une somme de 95 117,58 euros, correspondant au protocole transactionnel qu'elle a signé pour un montant global de 140 690,58 euros, déduction faite de la somme de 45 573 euros, admise par le tribunal ; qu'outre le fait que cette somme n'est pas justifiée, « elle suppose que le tribunal retienne les mêmes montants que les parties au protocole. Or ce protocole (?) ne lie que les parties entre elles. En conséquence, le recours d'Aviva s'exercera sur la somme effectivement versée de 45 573 euros » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
9. Pour limiter à 45 573 euros la somme allouée à la société Abeille au titre de son recours subrogatoire, l'arrêt relève qu'elle sollicite une somme de 95 117,58 euros, correspondant au protocole qu'elle a signé pour un montant global de 140 690,58 euros, déduction faite de la somme de 45 573 euros, étant précisé que la copie d'écran montre une somme de 45 573,18 euros. Il ajoute qu'« outre le fait que cette somme n'est à ce jour pas justifiée, elle suppose que le tribunal retienne les mêmes montants que les parties au protocole » alors que ce protocole ne lie que les parties entre elles.
10. En statuant ainsi, sans analyser, même sommairement, les copies d'écran et quittances produites en appel et par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation du chef de dispositif limitant à la somme de 45 573 euros la condamnation au profit de la société Abeille au titre de son recours subrogatoire, n'emporte pas celle des chefs de dispositif statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 45 573 euros la condamnation de M. et Mme [C], de la société Axa France IARD et de la société Chubb European Group SE in solidum au profit de la société Aviva assurances, devenue Abeille IARD et santé au titre de son recours subrogatoire, l'arrêt rendu le 6 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne M. et Mme [C], la société Axa France IARD et la société Chubb European Group SE aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. et Mme [C], la société Axa France IARD et la société Chubb European Group SE à payer à la société Abeille IARD et santé la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.