LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 juillet 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 645 FS-B
Pourvoi n° C 21-20.694
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 5 mai 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024
La société GMF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 21-20.694 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), rectifié par l'arrêt du 16 janvier 2024 rendu par la même cour d'appel, dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [R] [L], domicilié [Adresse 4],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la Mutuelle Pro BTP direction générale du sud-ouest, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, de la SCP Boucard-Maman, avocat de M. [L], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Grandemange, Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er juin 2021, rectifié par un arrêt du 16 janvier 2024), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-24.847), M. [L] a été victime le 20 octobre 2008 d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société GMF assurances (l'assureur). Il a été licencié pour inaptitude le 26 août 2010.
2. Après avoir été indemnisé de ses préjudices par l'assureur, suivant deux transactions des 9 décembre 2010 et 13 avril 2012, M. [L] a connu une aggravation de son état. En application d'une nouvelle transaction conclue le 4 juin 2014, n'indemnisant pas le préjudice de perte de gains professionnels futurs, l'assureur lui a alloué une indemnité complémentaire.
3. M. [L] a assigné l'assureur ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, en indemnisation du préjudice résultant de la perte de gains professionnels. L'assureur a appelé la Mutuelle Pro BTP direction générale du sud-ouest en intervention forcée.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'assureur fait grief à l'arrêt ayant infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse le 24 novembre 2015, de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, de le condamner à payer à M. [L] la somme globale de 510 587,46 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs avec intérêts au taux légal à compter de la décision et capitalisation des intérêts et de rejeter toutes autres demandes plus amples ou contraires, alors « que, si à peine d'irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès leurs conclusions mentionnées aux articles 908 à 910 du code de procédure civile, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, une fin de non-recevoir, qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond de l'affaire et qui n'est donc pas une prétention sur le fond, peut être présentée pour la première fois dans le dernier jeu de conclusions récapitulatives d'appel ; qu'en jugeant, pour la condamner à paiement, que la fin de non-recevoir soulevée par la société GMF assurances, tirée de l'irrecevabilité de la demande de M. [L] en paiement de la perte de gains professionnels futurs à raison de l'autorité de la chose jugée attachée aux transactions successivement conclues pour solde de tout compte, était irrecevable comme ayant été présentée pour la première fois par l'appelante lors d'un troisième jeu de conclusions d'appel récapitulatives, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 910-4 du code de procédure civile, ensemble l'article 122 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 122 et 910-4 du code de procédure civile :
5. Aux termes du premier de ces textes, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
6. Selon le second, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.
7. En application de l'article 1037-1 du code de procédure civile, l'article 910-4 susvisé s'applique à la procédure de renvoi après cassation, soumise aux règles de la procédure à bref délai, régie notamment par l'article 905-2 du code de procédure civile.
8. Il en résulte que les fins de non-recevoir, qui tendent à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, ne sont pas des prétentions sur le fond.
9. Dès lors, elles ne sont pas soumises à l'obligation de concentration des prétentions sur le fond dans les premières écritures, prévue à l'article 910-4 précité.
10. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée des transactions, l'arrêt retient que l'assureur avait déjà conclu à deux reprises en cause d'appel en se proposant de verser plusieurs sommes d'argent et que la demande d'irrecevabilité de l'assureur se trouvait elle-même irrecevable.
11. En statuant ainsi, alors que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée des transactions, qui ne constituait pas une prétention sur le fond au sens de l'article 910-4 précité, n'avait pas à être présentée dès les premières conclusions, la cour d'appel, qui ne pouvait que la déclarer recevable, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juin 2021 rectifié le 16 janvier 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.
Condamne M. [L], la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et la Mutuelle Pro BTP direction générale du sud-ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [L] et le condamne à payer à la société GMF assurances la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.