LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 juin 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 360 F-D
Pourvoi n° V 22-22.025
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024
1°/ Mme [C] [U] épouse [S], domiciliée [Adresse 3],
2°/ la société Vinpachrima, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° V 22-22.025 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [N] [X],
2°/ à Mme [B] [M] épouse [X],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [U] et de la société Vinpachrima, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [X], après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 juin 2022), M. et Mme [X] sont propriétaires d'une parcelle cadastrée CM n° [Cadastre 2], contiguë de celle appartenant à Mme [S], cadastrée CM n° [Cadastre 1], sur laquelle la société civile immobilière Vinpachrima (la SCI), bénéficiaire d'un bail à construction, exploite un bâtiment à usage industriel et commercial.
2. Les deux parcelles sont séparées par un chemin d'exploitation.
3. Le 4 juillet 2012, M. et Mme [X], Mme [S] et la SCI ont conclu un protocole d'accord autorisant cette dernière, jusqu'au 31 décembre 2013, à emprunter un passage situé sur la parcelle cadastrée CM n° [Cadastre 2] pour accéder plus aisément à ses locaux, en contrepartie d'une indemnité mensuelle.
4. Par un second protocole stipulé sans terme et signé en mai 2014, l'autorisation de passage et sa contrepartie financière ont été reconduites.
5. Mme [S] et la SCI ont assigné M. et Mme [X] en annulation de ce dernier protocole.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. La SCI et Mme [S] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation pour défaut de cause du protocole d'accord signé en 2014 et de les condamner à payer à M. et Mme [X] une certaine somme au titre d'un arriéré d'indemnité et à titre de dommages-intérêts pour inexécution du protocole, alors :
« 1°/ que le droit d'usage d'un chemin d'exploitation par un propriétaire riverain n'est pas lié à la propriété du sol sur lequel son assiette est établie ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt qu'un chemin d'exploitation existait entre les parcelles CM [Cadastre 1] et CM [Cadastre 2] dont l'assiette avait été élargie en 2008 par les époux [X] et que l'activité de la SCI nécessitait d'user du chemin d'exploitation « sur la totalité de l'assiette réelle» ; que le droit d'usage de la SCI et de Mme [S] pouvant donc s'exercer sur l'intégralité de l'assiette du chemin d'exploitation, peu important qu'une partie de cette assiette ait comporté une emprise sur le fonds CM [Cadastre 2] appartenant aux époux [X], le protocole d'accord signé en 2014 prévoyant une indemnité de 300 euros mensuels, en contrepartie d'un droit dont la SCI et Mme [S] étaient déjà titulaires, était dépourvu de cause ; qu'en retenant dès lors que les éléments du dossier « permettent de considérer que leurs droits d'utiliser le chemin d'exploitation ne portent pas sur la totalité de l'assiette réelle utilisée par [la SCI et Mme [S]], qui comporte une emprise sur le fonds voisin CM n°[Cadastre 2] » pour en déduire qu'était causé le protocole d'accord signé en 2014 et, partant, pour refuser de prononcer sa nullité, la cour d'appel a violé l'article 1131 dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2°/ que la SCI et Mme [S] avaient souligné que le protocole d'accord signé en 2012, qui avait une durée limitée, n'avait été signé que pour le temps d'éclaircir la situation juridique notamment quant à la nature du chemin litigieux ; qu'en énonçant dès lors que « [C] [S] et la SCI, assistées d'un conseil, étaient bien conscientes de la limite de leurs droits et de la nécessité de trouver un accord pour continuer à bénéficier de la largeur du passage qui leur était utile au-delà de l'assiette du chemin sur laquelle elles avaient des droits », sans répondre aux conclusions soutenant que la SCI et Mme [S], confrontées à la menace de la clôture et de l'impossibilité en résultant d'accéder au hangar, n'avaient signé le protocole d'accord signé en 2012 que pour un temps limité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte des dispositions de l'article L. 162-3 du code rural et de la pêche maritime que la modification de l'assiette d'un chemin d'exploitation, comme sa disparition, ne peut résulter que du consentement de tous les propriétaires qui ont le droit de s'en servir.
8. Il s'en déduit que lorsqu'un propriétaire, dont le fonds est desservi par un chemin d'exploitation, accepte, pour la commodité de l'accès au fonds voisin desservi par le même chemin, de réaliser un aménagement par emprise sur son terrain, celui-ci n'opère aucune modification de l'assiette du chemin d'exploitation existant.
9. Après avoir retenu que le rapport d'expertise produit démontrait que la largeur initiale de la portion du chemin d'exploitation située entre les parcelles cadastrées CM n° [Cadastre 1] et CM n° [Cadastre 2] était de 3m50, la cour d'appel a relevé qu'en 2008, M. et Mme [X] avaient facilité l'accès au fonds cadastré CM n° [Cadastre 1], par une emprise sur leur propre parcelle, pour permettre à des véhicules lourds d'accéder au hangar construit sur ledit fonds.
10. Elle a ainsi fait ressortir qu'en l'absence d'accord de l'ensemble des propriétaires riverains, l'aménagement consenti par M. et Mme [X] sur leur parcelle dans l'intérêt exclusif du fonds voisin n'avait pas eu pour effet d'élargir l'assiette du chemin d'exploitation.
11. Sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, elle a pu en déduire que le protocole d'accord, en ce qu'il permettait de prolonger l'autorisation d'utiliser un passage excédant l'assiette du chemin d'exploitation, n'était pas dépourvu de cause, de sorte que Mme [S] et la SCI n'étaient pas fondées à en demander l'annulation.
[Cadastre 1]. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [S] et la société civile immobilière Vinpachrima aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [S] et la société civile immobilière Vinpachrima et les condamne à payer à M. et Mme [X] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.