LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 juin 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 625 F-D
Pourvoi n° C 22-17.570
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024
La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 22-17.570 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Reveneau, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Reveneau, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2022), M. [T] (la victime), salarié de la société [3] (l'employeur), a été victime le 15 mars 2018 d'un accident, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle (la caisse) au titre de la législation professionnelle, et indemnisé jusqu'au 4 mai 2019, date de sa guérison.
2. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposables à l'employeur les arrêts de travail et soins prescrits à la victime au titre de l'accident du travail, alors « que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, dès lors que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail ; qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire ; que pour déclarer les arrêts de travail et soins prescrits après le 30 juillet 2018 inopposables à l'employeur, l'arrêt, qui constate qu'un arrêt de travail a été prescrit par le certificat médical initial, retient qu'il appartient à la caisse de démontrer une continuité des soins et symptômes et qu'une telle continuité n'est pas établie par les divers certificats médicaux produits par la caisse ; qu'en statuant ainsi, par des motifs tirés de l'absence de continuité des symptômes et soins, impropres à écarter la présomption d'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts de travail litigieux, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 1353 du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale :
4. La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.
5. Pour déclarer inopposables à l'employeur les soins et arrêts de travail prescrits à compter du 30 juillet 2018, l'arrêt, après avoir constaté que le certificat médical initial avait prescrit un arrêt de travail à la victime, retient que la caisse ne justifie pas d'une continuité des soins ni de la prescription d'un arrêt de travail pour la période du 10 au 18 juin et qu'à la date du 10 juin, l'état de santé de la victime était manifestement stabilisé. Il en déduit qu'à compter de cette date, la présomption d'imputabilité ne trouvait plus à s'appliquer et que la caisse ne rapporte pas la preuve de l'imputabilité à l'accident du travail des arrêts de travail et soins postérieurs.
6. En statuant ainsi, par des motifs tirés de l'absence de continuité des symptômes et soins, impropres à écarter la présomption d'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts de travail litigieux, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel de la société [3], confirme le jugement en ce qu'il a déclaré celle-ci recevable en son recours, et déclare opposables à la société [3] les arrêts de travail et soins prescrits à M. [T] du 16 mars 2018 au 29 juillet 2018 au titre de l'accident du travail du 15 mars 2018, l'arrêt rendu le 15 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.