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26/06/2024 | FRANCE | N°C2400863

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 juin 2024, C2400863


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° P 23-85.825 F-B


N° 00863




MAS2
26 JUIN 2024




REJET




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 JUIN 2024






MM. [Y] [P] et

[U] [M] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 29 septembre 2023, qui, pour immixtion dans une fonction publique, violences aggravées et contravention de violences, a condamné le p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° P 23-85.825 F-B

N° 00863

MAS2
26 JUIN 2024

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 JUIN 2024

MM. [Y] [P] et [U] [M] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 29 septembre 2023, qui, pour immixtion dans une fonction publique, violences aggravées et contravention de violences, a condamné le premier, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, cinq ans d'interdiction professionnelle, dix ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, 500 euros d'amende contraventionnelle et une confiscation, le second, pour immixtion dans une fonction publique et violences aggravées, à deux ans d'emprisonnement avec sursis, dix ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation et une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [Y] [P] et [U] [M], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 12 avril 2021, le juge d'instruction a renvoyé M. [Y] [P] devant le tribunal correctionnel des chefs de port sans droit d'un insigne réglementé, en l'occurrence un brassard de police, violences en réunion n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, violences en réunion ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à huit jours, contravention de violences, immixtion dans l'exercice d'une fonction publique, recel, port et détention illicites d'arme de catégorie B.

3. Par la même décision, le juge d'instruction a renvoyé M. [U] [M] devant le tribunal correctionnel des chefs de port sans droit d'un insigne réglementé, en l'occurrence un brassard de police, violences en réunion n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, immixtion dans l'exercice d'une fonction publique, port illicite d'arme de catégorie B, dégradation et accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données.

4. Par ordonnance du 25 janvier 2021, M. [P] avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'usage sans droit d'un document justificatif de qualité professionnelle, en l'espèce un passeport diplomatique, de faux et usage de faux.

5. Les procédures ont été jointes.

6. Par jugement du 5 novembre 2021, le tribunal correctionnel a relaxé M. [P] du chef d'usage sans droit d'un document justificatif de qualité professionnelle, requalifé les violences en réunion ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à huit jours en violences en réunion n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, déclaré le prévenu coupable des faits ainsi requalifiés et du surplus des poursuites.

7. Il a condamné M. [P] à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, cinq ans d'interdiction professionnelle, dix ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, 500 euros d'amende contraventionnelle et une confiscation.

8. Le tribunal a relaxé M. [M] du chef de port sans droit d'un insigne réglementé, a requalifié les violences en réunion ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à huit jours en violences en réunion n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, a déclaré le prévenu coupable des faits ainsi requalifiés et du surplus des poursuites.

9. Il a condamné M. [M] à deux ans d'emprisonnement avec sursis, dix ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, 500 euros d'amende contraventionnelle et une confiscation.

10. Le tribunal a prononcé sur les actions civiles.

11. MM. [P] et [M], les parties civiles et le ministère public ont relevé appel, puis les prévenus ont cantonné leur recours aux faits d'immixtion dans une fonction publique et de violences et le ministère public a renoncé à faire porter son appel sur les décisions de relaxe.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens, pris en leur première branche

12. La Cour de cassation ayant, par arrêt du 29 mai 2024, dit n'y avoir lieu à renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité, les griefs sont devenus sans objet.

Sur les premiers moyens, pris en leur seconde branche

13. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur les seconds moyens

Enoncé des moyens

14. Les moyens, rédigés en termes identiques, critiquent l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel en ce qu'il a déclaré les exposants coupables des chefs de violences en réunion n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail et immixtion dans une fonction publique, a condamné M. [P] à une peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans assortis du sursis et M. [M] à une peine de deux ans d'emprisonnement assortie du sursis, alors « qu'il résulte de l'article 73 du Code de procédure pénale que dans les cas de crime ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche, au besoin en faisant un usage de la force nécessaire et proportionné aux conditions de l'interpellation ; que la permission ainsi donnée par la loi, exclusive de toute infraction pénale, vaut y compris lorsque des forces de l'ordre sont présentes sur la scène d'arrestation, dès lors que le citoyen interpelle les délinquants pour les leur remettre ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir, pour écarter les infractions de violences en réunion et d'immixtion dans une fonction publique qui lui étaient reprochées, que son intervention s'était inscrite dans le cadre des dispositions précitées ; qu'en affirmant, pour le déclarer coupable, que les forces de l'ordre étaient présentes en nombre suffisant sur les lieux de sorte que « seuls des fonctionnaires de police ou de gendarmerie pouvaient procéder à une interpellation ou à un acte de maintien de l'ordre », quand l'autorisation donnée par l'article 73 du Code de procédure pénale n'est pas subordonnée à l'absence ou à la présence insuffisante des forces de l'ordre, la Cour d'appel a ajouté à ce texte une condition, le violant et violant ensemble les articles 122-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

15. Les moyens sont réunis.

16. Selon l'article 73 du code de procédure pénale, toute personne a qualité pour appréhender l'auteur d'un crime ou d'un délit flagrant et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche.

17. Il résulte de ce texte qu'un tel pouvoir de contrainte ne peut être régulièrement exercé par toute personne au cas où l'arrestation peut être ou est réalisée par un agent des forces de l'ordre, en l'absence de réquisition de la part de ce dernier.

18. Il s'en déduit, par ailleurs, qu'une telle qualité ne peut être conférée à l'occasion d'une opération de police administrative.

19. Pour déclarer, d'une part, les prévenus coupables d'immixtion dans une fonction publique et de violences à l'encontre de MM. [A] [N] et [S] [K], l'arrêt attaqué, après avoir souligné que les prévenus avaient été autorisés à suivre, en qualité d'observateurs, les forces de l'ordre déployées à l'occasion de manifestations, énonce que la situation était calme et maîtrisée là où les faits ont été commis, où se trouvaient des policiers en nombre suffisant.

20. Les juges retiennent que l'intervention de tiers n'a été à aucun moment nécessaire et ne pouvait que nuire au travail des policiers.

21. Ils indiquent que les prévenus se sont joints aux policiers lors de l'interpellation de M. [K]. Ils ajoutent que les prévenus n'ont pas fait état de leur qualité d'observateurs aux policiers interpellateurs et ont pris en charge M. [K], M. [P] lui pratiquant une clé de bras et M. [M] lui tenant fermement le bras gauche.

22. S'agissant des faits commis à l'encontre de M. [N], ils énoncent que, dans le même contexte, M. [P] avait placé un genou sur la nuque de l'intéressé et que M. [M] s'était jeté sur lui, faits qui caractérisent une violence volontaire illégitime.

23. Ils ajoutent que M. [P], qui avait pris soin de dissimuler son visage à l'aide de la capuche de sa parka, alors qu'il croisait des passants, ne pouvait ignorer le caractère illicite de ses actes.

24. Pour déclarer, d'autre part, les prévenus coupables d'immixtion dans une fonction publique et de violences à l'encontre de M. [W] [G] et de Mme [I] [T], l'arrêt attaqué relève que, si la situation avait été tendue durant l'après-midi, tel n'était plus le cas lors de l'arrivée des prévenus sur les lieux, les manifestants ayant été éloignés vers des rues adjacentes.

25. Les juges ajoutent que les prévenus ont décidé d'intervenir dans une opération de police, alors que les forces de l'ordre étaient en nombre plus que suffisant, sans avoir reçu aucune demande d'aide ou réquisition, tandis que leurs agissements apparaissaient de nature à entraver l'action des policiers.

26. lls retiennent que Mme [T] a été interpellée par M. [P] qui l'a extraite du dispositif de police et a tenté de l'amener à terre de force, que M. [M] a participé à l'interpellation de M. [G], a fait mine de lui porter des coups, l'a traîné au sol, avant que M. [P] ne le saisisse au niveau des vertèbres cervicales en pratiquant un geste dangereux et non maîtrisé, puis l'amène au sol en lui portant un coup du plat de la main au niveau de la tête.

27. En l'état de ces motifs, qui caractérisent la participation des prévenus à des opérations de maintien de l'ordre et d'interpellation, sans aucune nécessité, compte tenu de la présence sur les lieux de membres des forces de l'ordre en nombre suffisant au regard de la situation, la cour d'appel, qui a constaté l'accomplissement abusif, par les prévenus, d'actes relevant des attributions réservées aux militaires de la gendarmerie nationale et aux fonctionnaires de la police nationale, et énoncé les éléments constitutifs des violences dont elle les a reconnu coupables, a justifié sa décision.

28. Dès lors, les moyens ne sauraient être accueillis.

29. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400863
Date de la décision : 26/06/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

CRIMES ET DELITS FLAGRANTS - Appréhension d'un délinquant par un particulier (article 73 du code de procédure pénale)


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 septembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 jui. 2024, pourvoi n°C2400863


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400863
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