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26/06/2024 | FRANCE | N°52400699

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 juin 2024, 52400699


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CL6






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 26 juin 2024








Rejet




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 699 F-D


Pourvoi n° M 23-11.602








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_______

__________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 JUIN 2024


La société Intel Corporation, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 23-11.602 co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CL6

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 juin 2024

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 699 F-D

Pourvoi n° M 23-11.602

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 JUIN 2024

La société Intel Corporation, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 23-11.602 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (1ère chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [B] [W], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Intel Corporation, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 29 mai 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 décembre 2022), M. [W] a été engagé en qualité d'ingénieur logiciel, à compter du 6 décembre 2010, par la société Access Systems France aux droits de laquelle vient la société Intel Corporation (la société). Il a été délégué du personnel en 2015.

2. Par décision de l'inspecteur du travail du 1er juin 2016, confirmée par le ministre du travail puis le tribunal administratif de Cergy Pontoise et la cour administrative d'appel de Versailles, son licenciement pour motif économique n'a pas été autorisé.

3. Le salarié a démissionné de son mandat de délégué du personnel par courriel du 26 mai 2016.

4. Il a été licencié pour motif économique par lettre expédiée le 13 janvier 2017.

5. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 21 février 2017 d'une demande tendant à titre principal à la nullité de son licenciement pour violation du statut protecteur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

7. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le licenciement, de la condamner à payer au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et au titre de perte sur actions et de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois d'indemnités, alors :

« 1°/ que le refus de l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement pour motif économique d'un salarié n'interdit pas à l'employeur de prononcer le licenciement de ce salarié à l'expiration de la période de protection, en raison de la fermeture définitive du site sur lequel il travaillait, de son refus d'être muté sur un autre site sur un poste identique à celui qu'il occupait, avec maintien de son salaire et de sa classification, et de l'absence de toute possibilité de reclassement sur un autre poste dans l'entreprise ou dans le groupe ; qu'à défaut, le refus de l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement conduirait à imposer à l'employeur de maintenir le contrat du salarié de manière indéfinie, sans pouvoir exiger aucune prestation de travail en contrepartie du versement du salaire ; qu'en l'espèce, il est constant que, postérieurement au refus de l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement du salarié qui avait refusé sa mutation sur le site de [Localité 5], la société l'a placé en dispense d'activité rémunérée, compte tenu de la fermeture du site et du refus du salarié d'être muté sur un autre site et pour lui permettre de se consacrer à un projet de création d'entreprise ; qu'après l'expiration de la période de protection, elle a prononcé le licenciement du salarié en raison de la fermeture du site de [Localité 4] et de la proposition, refusée par le salarié, d'une mutation sur le site de [Localité 5], pour y occuper un emploi identique, avec des conditions salariales inchangées ; qu'en retenant que le licenciement procède d'un détournement de la période de protection et est nul, dès lors qu'il a été prononcé quelques semaines après l'expiration de la période de protection pour les mêmes motifs que ceux ayant donné lieu à une décision de refus d'autorisation de licenciement, que l'éventualité de ce licenciement avait été annoncée le 8 juin 2016 et qu'à l'exclusion des salariés protégés dont la protection était en cours, les autres salariés dans la même situation étaient déjà licenciés depuis un an, cependant que le refus d'autorisation de licenciement ne pouvait imposer à l'employeur de maintenir indéfiniment un salarié en dispense d'activité rémunérée, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-5 et L. 1233-3 du code du travail dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ensemble le principe fondamental de la liberté d'entreprendre ;

3°/ que le licenciement prononcé à l'expiration de la période légale de protection pour des faits identiques à ceux invoqués devant l'autorité administrative et ayant donné lieu à un refus d'autorisation de licenciement n'est pas nul, mais sans cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant, en l'espèce, que le licenciement prononcé postérieurement à l'expiration de la période de protection était nul, dès lors qu'il repose sur le même motif économique que celui qui motivait la demande d'autorisation de licenciement refusée par l'inspecteur du travail sept mois plus tôt, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-5 et L. 1233-3 du code du travail dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

8. Le licenciement prononcé à l'expiration de la période légale de protection ne peut être motivé par un motif économique précédemment invoqué devant l'autorité administrative et qui a donné lieu à une décision de refus d'autorisation du licenciement. Un tel licenciement est nul.

9. L'arrêt constate d'une part que le salarié, qui avait été délégué du personnel, a été licencié le 13 janvier 2017 alors que la période de protection expirait le 26 novembre 2016, pour le même motif économique que celui ayant donné lieu à la décision de refus d'autorisation du licenciement par l'inspecteur du travail et d'autre part que la société, dans la lettre adressée au salarié après le refus de l'inspecteur du travail d'autoriser son licenciement, lui rappelait que la protection liée au mandat prendrait fin à l'expiration du délai de six mois et qu'alors, sous réserve de l'absence de possibilité de reclassement, elle se verrait contrainte de lui notifier son licenciement.

10. La cour d'appel en a déduit que le licenciement était programmé dès cette date, relevant également que le refus d'accepter la mutation, qui justifiait la demande d'autorisation du licenciement, demeurait toujours, sept mois plus tard, le seul motif du licenciement économique et qu'à l'exclusion des salariés protégés dont la protection était en cours, les autres employés placés dans la même situation étaient déjà licenciés depuis un an.

11. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel a décidé que le licenciement du salarié, prononcé à l'expiration de la période légale de protection dont il bénéficiait, en raison du motif économique précédemment invoqué devant l'administration du travail et qui avait donné lieu à une décision de refus d'autorisation administrative de licenciement, procédait d'un détournement du statut protecteur, de sorte qu'il était nul.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Intel Corporation aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Intel Corporation et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400699
Date de la décision : 26/06/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 14 décembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jui. 2024, pourvoi n°52400699


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400699
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