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26/06/2024 | FRANCE | N°52400661

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 juin 2024, 52400661


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 26 juin 2024








Cassation partielle




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 661 F-D


Pourvoi n° P 23-13.352








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRA

NÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 JUIN 2024


La Régie autonome des transports parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 juin 2024

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 661 F-D

Pourvoi n° P 23-13.352

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 JUIN 2024

La Régie autonome des transports parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 23-13.352 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [G] [I], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Brinet, conseiller, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2022), M. [I] a été engagé en qualité de machiniste-receveur par la Régie autonome des transports parisiens (la RATP) le 18 juin 2007.

2. Après avoir fait l'objet de deux avertissements les 7 et 15 juillet 2016, il a été révoqué le 27 novembre 2016.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé de ces avertissements et de la mesure de révocation et obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des avertissements des 7 et 15 juillet 2016, alors « que le non-respect par l'employeur de la procédure disciplinaire n'entraîne pas l'annulation de la sanction lorsqu'elle ne porte pas sur des garanties de fond ou lorsque cette dernière n'offre pas de garanties supplémentaires au salarié par rapport à celles qu'il tient de la loi ; qu'en application des articles 149 et 151 des statuts du personnel de la RATP les mesures disciplinaires du 1er degré, telles que l'avertissement, font l'objet d'une mesure d'information verbale au salarié par un responsable hiérarchique et de la présentation d'un procès-verbal que l'agent émarge et sur laquelle il peut émettre ses observations ; que l'absence de mise en oeuvre de ces formalités ne prive pas le salarié de la faculté de contester la mesure d'avertissement notifiée par écrit ; qu'en se fondant sur l'absence de preuve du respect de l'obligation d'information verbale de M. [I] et de délivrance d'un procès-verbal émargé et susceptible de faire l'objet d'observations par le salarié, pour retenir que la procédure conventionnelle prévue à l'article 151 du statut avait été méconnue et annuler les avertissements des 7 et 15 juillet 2016, sans vérifier si le non-respect par l'employeur de ces règles de procédures instituées par le statut du personnel RATP - tenant à l'information verbale préalable du salarié et à la remise d'un procès-verbal émargé par lui et sur lequel il peut faire un commentaire - portait sur des garanties de fond et si ces mesures offraient des garanties supplémentaires au salarié par rapport à celles qu'il tient de la loi, seules circonstances de nature à justifier l'annulation des mesures d'avertissement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 149 et 151 des mêmes statuts, ensemble les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. L'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire, prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur, est assimilée à la violation d'une garantie de fond lorsqu'elle a privé le salarié des droits de sa défense ou lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé en l'espèce une influence sur la décision finale de l'employeur.

6. Il résulte de l'article 151 du statut du personnel de la RATP que l'agent faisant l'objet d'une mesure disciplinaire du 1er degré a) doit en être informé tout d'abord verbalement par un responsable hiérarchique qui lui indique alors le motif de la mesure envisagée et recueille ses explications, puis par la présentation de la notification écrite de la mesure disciplinaire que l'agent doit émarger. S'il se croit fondé à réclamer, il peut faire précéder sa signature de l'exposé de sa réclamation. Copie de cette notification est remise à l'agent. La réclamation doit être adressée par la hiérarchie au directeur dont dépend l'agent dans un délai de cinq jours francs qui suit la notification de la mesure.

7. La cour d'appel a constaté que l'agent n'avait été, d'une part, ni informé verbalement par un responsable hiérarchique du motif de la mesure disciplinaire envisagée, ni que ses explications n'avaient été recueillies préalablement et, d'autre part, qu'il ne s'était pas vu remettre une copie d'un procès-verbal de la mesure disciplinaire émargé par lui et lui permettant d'exercer ses droits de la défense en y apposant le cas échéant une réclamation.

8. De ces constatations, dont il ressortait que l'irrégularité constatée dans le déroulement de la procédure disciplinaire avait privé le salarié de la possibilité d'assurer utilement sa défense, la cour d'appel en a exactement déduit que les avertissements litigieux devaient être annulés en application de l'article L. 1333-1 du code du travail.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat de travail survenue le 23 novembre 2016 est sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, d'ordonner la remise au salarié d'une attestation destinée à Pôle emploi, de bulletins de paie et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt et de le condamner à rembourser les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités, alors « que l'employeur ratifie le licenciement prononcé en défendant en justice la validité et le bien-fondé du licenciement ; qu'en l'espèce, devant les juges du fond, la RATP soutenait la validité et le bien-fondé de la révocation dont le salarié avait fait l'objet et réclamait le rejet de toutes les prétentions de ce dernier, ce dont résultait à tout le moins la volonté claire et non équivoque de ratifier la mesure de révocation prise par M. [C] [Y] dans la lettre du 23 novembre 2016 ; qu'en se bornant à énoncer que la qualité et les fonctions du signataire du courrier de révocation du 23 novembre 2016 ne seraient pas précisés et que ce courrier n'aurait pas été établi sur un courrier comprenant l'en-tête « directeur général », cependant qu'en défendant la légalité de la révocation du salarié, la RATP avait en toute hypothèse ratifié ledit courrier de révocation du salarié, la cour d'appel a violé l'article 152 du statut du personnel de la RATP, ensemble les articles L. 1232-6, L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1232-6, L. 1235-2, L. 1235-3 du code du travail, 1998 du code civil et 149 et 152 du statut du personnel de la RATP :

11. D'abord, selon les deux derniers de ces textes, les mesures disciplinaires du 2ème degré, telle que la révocation, sont prononcées, après avis du conseil de discipline, par le président directeur général ou son représentant dûment habilité.

12. Ensuite, il résulte de l'article 1998 du code civil qu'en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu de l'acte de celui-ci s'il l'a ratifié expressément ou tacitement, ce qui est le cas lorsqu'il en soutient la validité en justice.

13. Pour dire la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer à l'agent diverses sommes à titre d'indemnités subséquentes, ordonner la remise à l'agent d'une attestation destinée à Pôle emploi, de bulletins de paie et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt et condamner l'employeur à rembourser les indemnités de chômage versées à l'agent dans la limite de six mois d'indemnités, l'arrêt retient qu'il ressort des termes du courrier de révocation du 23 novembre 2016 que celui-ci a été signé par une personne dénommée « [C] [Y] » dont la qualité et les fonctions dans l'entreprise ne sont pas mentionnées et a été établie sur une feuille comprenant l'en-tête « directeur » et non « directeur général », et que la qualité et les fonctions du signataire de la lettre de révocation n'apparaissent ni dans les écritures des parties ni dans les actes produits relatifs à la procédure disciplinaire litigieuse dont aucun ne mentionne d'ailleurs le nom de « [C] [Y] » ni dans les autres éléments versés aux débats.

14. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la RATP en la personne de son représentant légal, soutenait dans ses conclusions la validité et le bien-fondé de la révocation dont le salarié avait fait l'objet et réclamait le rejet des prétentions de ce dernier, ce dont il résultait la volonté claire et non équivoque de cette dernière de ratifier la mesure prise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation du chef du dispositif disant la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la RATP aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la nullité des avertissements des 7 et 15 juillet 2016, confirme le jugement en ce qu'il a débouté la Régie autonome des transports parisiens de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Régie autonome des transports parisiens aux dépens de première instance et d'appel et la condamne à payer à M. [I] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la Régie autonome des transports parisiens aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Régie autonome des transports parisiens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400661
Date de la décision : 26/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jui. 2024, pourvoi n°52400661


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400661
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