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26/06/2024 | FRANCE | N°12400369

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 juin 2024, 12400369


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


IJ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 26 juin 2024








Cassation




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 369 F-D


Pourvoi n° T 23-15.035








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________>



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2024


1°/ M. [G] [K], domicilié [Adresse 6],


2°/ M. [I] [K], domicilié [Adresse 5],


3°/ la société Paradou, société civile immobilière (SCI), dont le siège...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

IJ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 juin 2024

Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 369 F-D

Pourvoi n° T 23-15.035

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2024

1°/ M. [G] [K], domicilié [Adresse 6],

2°/ M. [I] [K], domicilié [Adresse 5],

3°/ la société Paradou, société civile immobilière (SCI), dont le siège est [Adresse 6],

4°/ la société Armurerie [I] père et fils, dont le siège est [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° T 23-15.035 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2023 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [T] [S], domicilié [Adresse 4],

2°/ à la société [S] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la société MMA IARD, société anonyme (SA), assureur de M. [S],

4°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, assureur de M. [S],

ayant toutes deux pour siège [Adresse 2]

5°/ à M. [N] [W], domicilié [Adresse 1],

6°/ à la société [W] & associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), dont le siège est [Adresse 3],

7°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes, assureur de M. [W] ,

8°/ à la société MMA IARD, société anonyme (SA), assureur de M. [W],

ayant toutes deux pour siège [Adresse 2]

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de MM. [G] et [I] [K], de la société Paradou et de la société Armurerie [I] père et fils, de la SARL Boré, Salve de Bruneto et Mégret, avocat de M. [S], de la société [S] et associés, de la société MMA IARD, et de la société MMA IARD assurances mutuelles, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à MM. [I] et [G] [K], aux sociétés Paradou et Armurerie [I] Père et fils du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [W], la société [W] et associés et les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard, leurs assureurs.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 25 janvier 2023), courant 2010, M. [S], avocat exerçant au sein de la société [S] et associés a été mandaté par M. [I] [K], son fils M. [G] [K], la SCI Paradou, propriétaires de parcelles sur le territoire de la commune de [Localité 7] (la commune) , et la société Armurerie [I] Père et fils, exploitant une activité de ball-trap (les consorts [K]), dans un litige les opposant à la commune qui leur reprochait d'empiéter sur des terrains communaux.

3. Par lettre du 10 novembre 2010, en réponse à une mise en demeure par la commune de cesser l'empiétement, M. [S], a informé la commune du souhait de M. [I] [K] d'acquérir les terrains litigieux. Par une délibération du 29 novembre 2010, le conseil municipal de la commune a rejeté cette proposition.

4. Le 18 juillet 2012, la commune a assigné en expulsion et expertise les consorts [K] qui, assistés ou représentés par M. [W] exerçant au sein de la société [W] et associés, ont soutenu être devenus propriétaires des parcelles litigieuses par la prescription acquisitive trentenaire. Un arrêt du 26 mai 2016, devenu irrévocable, a rejeté leur demande en revendication de la propriété de ces parcelles par l'effet de la prescription acquisitive aux motifs notamment que la possession de M. [I] [K], ayant proposé le rachat des terres concernées et reconnu ainsi avoir conscience qu'il s'agissait d'une parcelle appartenant à autrui, était équivoque.

5. Les 27 février et 9 mars 2020, les consorts [K] ont assigné en responsabilité et indemnisation M. [S], M. [W], les sociétés [S] et associés et [W] et associés, en invoquant notamment que M. [S] avait manqué à son devoir d'information et de conseil en leur suggérant de formuler une offre d'achat des terrains litigieux alors que la prescription trentenaire était acquise, en n'opposant pas l'usucapion à la mise en demeure de la commune et en ne vérifiant ni leur titre de propriété ni l'existence d'éléments de nature à établir une possession alors acquise depuis 2008. Leurs assureurs, les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Les consorts [K] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre M. [S] et la société [S] et associés, alors qu'il appartient à l'avocat, pour assurer utilement son devoir de conseil, de recueillir de sa propre initiative auprès de ses clients l'ensemble des éléments d'information et les documents propres à lui permettre d'assurer, au mieux, la défense de leurs intérêts ; qu'en affirmant, pour écarter tout manquement de Me [S] à son obligation de conseil, qu' « aucun élément ne permet de dire que l'absence de référence à cette notion juridique [de prescription acquisitive] résulte d'une omission, d'un défaut de compétence, ou au contraire d'un constat par Me [S] - de la difficulté à réunir des éléments de preuve d'une prescription aussi longue de 30 ans », après avoir pourtant constaté que ce dernier n'avait « pas évoqué la notion de prescription acquisitive, ni posé de question à son client ou sollicité de lui la production de pièces, allant en ce sens », ce dont il résultait que le défaut de conseil quant à la possibilité, pour son client, de se prévaloir de la prescription acquisitive découlait nécessairement d'une omission de la part de l'avocat qui n'avait pas pris la peine de se renseigner sur l'éventuelle existence d'éléments permettant d'invoquer ce moyen utilement, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. Il résulte de ce texte que l'avocat, investi d'un devoir d'information et de conseil est tenu de recueillir de sa propre initiative auprès de ses clients l'ensemble des éléments d'information et les documents propres à lui permettre d'assurer, au mieux, la défense de leurs intérêts.

8. Pour écarter tout manquement à son devoir d'information et de conseil, après avoir constaté que M. [S] n'avait pas évoqué la notion de prescription acquisitive, ni posé de question à son client ou sollicité de lui la production de pièces, allant en ce sens, l'arrêt retient qu'aucun élément ne permet de dire que l'absence de référence à cette notion juridique résulte d'une omission, d'un défaut de compétence, ou au contraire d'un constat par l'avocat de la difficulté à réunir des éléments de preuve d'une prescription aussi longue de trente ans.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le défaut de conseil quant à la possibilité pour M. [I] [K] de se prévaloir de la prescription acquisitive découlait d'une absence de recueil par M. [S] d'éléments concernant les terrains en cause, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne M. [S], la société [S] et associés, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par ces derniers et les condamne à payer à MM. [G] et [I] [K], la SCI Paradou et la société Armurerie [I] père et fils, la somme globale de 3 000 euros;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400369
Date de la décision : 26/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 25 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 jui. 2024, pourvoi n°12400369


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Alain Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400369
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