LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 juin 2024
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 608 FS-B
Pourvoi n° S 22-15.628
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JUIN 2024
M. [Y] [X], domicilié [Adresse 9], [Localité 5], a formé le pourvoi n° S 22-15.628 contre l'arrêt rendu le 3 février 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 7],
2°/ à l'Association de gestion pour la formation et l'action sociale des Etablissements Congrégation Marie-Joseph (AGFAS), dont le siège est [Adresse 2], [Localité 5],
3°/ à la Congrégation des soeurs de Marie-Joseph et de la Miséricorde, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 8],
4°/ à la société hôtelière de l'Espace Coural, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [X], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MMA IARD, de l'Association de gestion pour la formation et l'action sociale des Etablissements Congrégation Marie-Joseph (AGFAS), de la Congrégation des soeurs de Marie-Joseph et de la Miséricorde, de la société hôtelière de l'Espace Coural, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, Mme Cassignard, M. Martin, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, M. Riuné, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 février 2022) et les productions, M. [X], déclaré coupable d'escroquerie, abus de confiance et abus de biens sociaux, a été condamné, sur intérêts civils, à payer à la Congrégation des soeurs de Marie-Joseph et de la Miséricorde, à l'Association de gestion pour la formation et l'action sociale des Établissements Congrégation Marie-Joseph (l'AGFAS) et à la société Espace Coural (société Coural) différentes sommes en réparation de leurs préjudices par un arrêt définitif de la cour d'appel de Montpellier du 13 mai 2004.
2. Une saisie des rémunérations de M. [X] a été mise en place à compter du 8 mars 2004 au bénéfice, notamment, de l'AGFAS et de la société Coural.
3. L'expert-comptable de ces dernières a été également condamné par un arrêt du 9 mai 2019 de la cour d'appel de Montpellier, en raison de fautes commises dans le contrôle des comptes ayant fait perdre aux victimes une chance de détecter les anomalies comptables, et de parer les détournements, à payer à l'AGFAS et à la société Coural des dommages et intérêts calculés sur la base d'un pourcentage des sommes restant dues sur les créances de condamnation de M. [X] et les sommes réparties en vertu de la saisie des rémunérations.
4. La société MMA IARD (l'assureur), assureur de la responsabilité civile de l'expert-comptable a payé les condamnations mises à la charge de son assuré aux victimes.
5. Se prévalant du titre exécutoire constitué par l'arrêt du 13 mai 2004 et invoquant la subrogation légale dans les droits de son assurée et la subrogation conventionnelle dans les droits des créanciers victimes, l'assureur est intervenu volontairement dans l'instance initiée par M. [X] en mainlevée de la saisie de ses rémunérations, pour s'opposer à cette mainlevée et être déclaré bien fondé à poursuivre la saisie en lieu et place de l'AGFAS et de la société Coural.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. M. [X] fait grief à l'arrêt d'ordonner la poursuite de la saisie de ses rémunérations au titre de la créance de l'assureur pour un montant de 69 970,04 euros, alors :
« 1°/ que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; que l'assureur, qui prétendait être subrogé dans les droits de son assuré, l'expert-comptable, devait donc établir que cette société disposait contre lui, de droits et actions fondés sur le fait de celui-ci qui aurait causé le dommage donnant lieu à sa responsabilité ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à relever qu'il avait été condamné envers les mêmes victimes que celles envers qui l'expert-comptable avait lui-même été condamné dans une instance distincte à laquelle il n'était pas partie, sans caractériser les droits et actions dont cet assuré aurait disposé envers lui, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-12 du code des assurances ;
2°/ que la subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur ; que l'assureur ne pouvait donc être subrogé dans les droits des victimes de son assuré que dans la mesure où celles-ci disposaient, pour le dommage indemnisé, de droits contre lui ; que les indemnités versées représentaient les condamnations prononcées contre le seul expert-comptable, que M. [X], qui n'était pas partie à l'instance ayant abouti à cette condamnation, n'avait pas été condamné à la garantir ; que les victimes n'ayant ainsi aucun droit contre M. [X] pour les sommes qui leur avaient été versées par l'assureur, la subrogation conventionnelle ne pouvait jouer ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1346-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen, contestée par la défense
8. Les défenderesses au pourvoi contestent la recevabilité du moyen tiré de la subrogation en raison du défaut d'intérêt du demandeur au pourvoi à connaître l'identité du bénéficiaire de la saisie des rémunérations.
9. Le moyen, qui attaque une disposition de l'arrêt faisant grief à M. [X], est recevable.
Bien-fondé du moyen
10. Selon l'article 1346-1 du code civil, la subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.
11. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante (1re Civ., 24 octobre 2000, pourvoi n° 98-22.888, publié au Bulletin ; 1re Civ., 11 mars 2020, pourvoi n° 19-14.104), le débiteur qui s'acquitte d'une dette personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation, qu'elle soit légale ou conventionnelle, s'il a, par son paiement, libéré envers le créancier commun, celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette.
12. En application de l'article 1346-4 du code civil, la subrogation transmet au subrogé la créance et ses accessoires, parmi lesquels le titre exécutoire dont bénéficiait le créancier subrogeant.
13. L'arrêt constate que l'AGFAS et la société Coural ont établi, en juin 2019, des quittances subrogatives au bénéfice de l'assureur, en raison du paiement par celui-ci de la dette de son assuré et que ces quittances ont été notifiées à M. [X].
14. La cour d'appel en a exactement déduit, M. [X] étant le débiteur final de la dette résultant des détournements pour lesquels il avait été définitivement condamné, que l'assureur était subrogé dans les droits dont l'AGFAS et la société Courtal étaient titulaires à son encontre et que l'assureur était recevable à intervenir, sur le fondement du titre exécutoire constitué par l'arrêt de la cour d'appel du 13 mai 2004, à la procédure de saisie des rémunérations diligentée contre M. [X], à hauteur des sommes qu'il avait payées.
15. Le moyen, qui s'attaque à des motifs surabondants en sa première branche, la cour d'appel n'ayant pas fondé sa décision sur l'article L. 121-12 du code des assurances, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et le condamne à payer à la société MMA IARD assurances, la Congrégation des soeurs de Marie-Joseph et de la Miséricorde, l'Association de gestion pour la formation et l'action sociale des Etablissements Congrégation Marie-Joseph (AGFAS) et la société hôtelière de l'Espace Coural la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille vingt-quatre.