La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2024 | FRANCE | N°C2400813

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 juin 2024, C2400813


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° E 23-84.759 F-D


N° 00813




AO3
19 JUIN 2024




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 JUIN 2024








M. [M] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia, chambre correctionnelle, en date du 5 juillet 2023, qui, pour favoritisme, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis.


Un mémoire a été produit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° E 23-84.759 F-D

N° 00813

AO3
19 JUIN 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 JUIN 2024

M. [M] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia, chambre correctionnelle, en date du 5 juillet 2023, qui, pour favoritisme, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [M] [I], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Oriol, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [M] [I] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de complicité de favoritisme.

3. Les juges du premier degré l'ont relaxé.

4. Le ministère public a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [I] pour des faits de complicité d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics à une peine de douze mois d'emprisonnement avec sursis, alors :

« 1°/ que la complicité par aide et assistance n'est punissable que si la personne a sciemment facilité la préparation ou la consommation du crime ou du délit ; qu'il s'en déduit que l'intervention du complice doit être antérieure ou concomitante à la réalisation de l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que M. [P], auteur principal, « a été reconnu coupable d'avoir divulgué des informations privilégiées et confidentielles à M. [C], gérant de la société [1] » et qu'« ensuite la société de ce dernier a candidaté et a obtenu le marché » (arrêt, p. 14 § 2) ; que pour retenir la complicité de M. [I], la cour d'appel a relevé qu'il avait, à la suite de la candidature de cette société, « pondéré les notes en fonction de critères qui avantageaient la société [1] » et que « lors de l'analyse des offres présentées le 13 juin 2016, le mode d'élaboration des notations des offres [était] largement favorable à M. [C] », qu'il avait fait un « rapport oral » et n'avait à ce moment remis « aucun document » et n'avait pas mentionné « le nom de M. [C] » ; que la cour d'appel a ainsi relevé des éléments postérieurs à la divulgation, par l'auteur principal, d'informations rompant l'égalité des candidats au marché public, de sorte que la complicité ne pouvait être retenue ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 121-7 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en toute hypothèse, l'intervention du complice doit être antérieure ou concomitante à la réalisation de l'infraction, sauf si elle résulte d'un accord antérieur ; que la cour d'appel n'a relevé aucun élément duquel il pourrait être déduit une entente entre M. [I] et M. [P] antérieure à la divulgation, par ce dernier, des informations confidentielles à M. [C], gérant de la société [1], ayant pour objet une future présentation biaisée des offres devant la commission des marchés publics de la CMAHC ; qu'en relevant seulement des éléments postérieurs à la divulgation, par l'auteur principal, d'informations rompant l'égalité des candidats au marché public, pour retenir la complicité de M. [I], la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une entente préalable, a méconnu les articles 121-7 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en toute hypothèse, la complicité par aide et assistance n'est punissable que si la personne a sciemment facilité la préparation ou la consommation du crime ou du délit ; que la cour d'appel a retenu que M. [P], auteur principal, « a été reconnu coupable d'avoir divulgué des informations privilégiées et confidentielles à M. [C], gérant de la société [1] » (arrêt, p. 14 § 2) ; qu'à supposer établi, ce qui est contesté, que M. [I] ait rédigé un cahier des charges imprécis, pondéré des notes pour avantager la [1], présenté à l'oral des offres à la commission des offres des marchés publics, omis de mentionner le nom de M. [C] et omis de remettre des documents, ces faits n'entretenaient aucun rapport avec la divulgation, par M. [P], d'informations privilégiées et confidentielles en amont de la procédure d'examen des offres et ne constituaient, dès lors, pas des actes d'aide ou d'assistance ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 121-7 du code pénal et 593 du code de procédure pénale.»

Réponse de la Cour

Vu les articles 121-7, alinéa 1, du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

6. Selon le premier de ces textes, est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.

7. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

8. Pour déclarer M. [I] coupable de complicité de favoritisme, l'arrêt attaqué retient tout d'abord que M. [P], président de la chambre des métiers et de l'artisanat de Haute-Corse, a commis le délit de favoritisme en divulguant à M. [C], élu à cette chambre et dirigeant de la société [1], le montant de l'enveloppe d'un marché pour lequel ladite chambre des métiers et de l'artisanat avait émis un appel d'offre.

9. Les juges ajoutent que M. [I], recruté par M. [P] comme maître d'oeuvre pour le chantier correspondant à ce marché, a rédigé dans le cadre de sa mission une grille de critères techniques imprécise lui permettant de faire une analyse arbitraire des offres, de façon à ce que la société de M. [C] soit choisie pour ce marché. Ils relèvent également que, lors de la présentation de l'analyse des offres, M. [I] n'a pas mentionné M. [C] et n'a pas remis de documents.

10. Ils en déduisent que l'élaboration du cahier des charges, l'analyse des offres et la présentation imprécise de cette analyse aux élus sont des actes positifs d'aide et d'assistance à M. [P] pour lui permettre de commettre le délit de favoritisme.

11. En l'état de ces motifs, qui ne caractérisent pas, à la charge du demandeur, un acte d'aide ou d'assistance antérieur aux faits de favoritisme pour lesquels M. [P] a été condamné ou postérieur à ceux-ci mais résultant d'un accord antérieur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de M. [I] et à la peine prononcée contre lui. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bastia, en date du 5 juillet 2023, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de M. [I] et à la peine prononcée contre lui, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400813
Date de la décision : 19/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 05 juillet 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 jui. 2024, pourvoi n°C2400813


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400813
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award