LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 24-81.942 F-B
N° 00981
GM
18 JUIN 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 JUIN 2024
Le procureur général près la cour d'appel de Bordeaux a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 19 mars 2024, qui, dans l'information suivie contre M. [D] [X] du chef, notamment, de corruption de mineurs de quinze ans, a dit n'y avoir lieu à statuer sur l'appel du procureur général contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant sous contrôle judiciaire.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [D] [X], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [D] [X], mis en examen, notamment, du chef susvisé a été placé sous contrôle judiciaire.
3. Le ministère public a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de statuer sur l'appel formé par le ministère public sans dire en quoi l'absence de respect du délai de quinze jours fixé par l'article 194 du code de procédure pénale faisait grief à M. [X], alors :
1°/ que s'il n'est pas contesté que le délai de quinze jours fixé par le quatrième alinéa de l'article 194 du code de procédure pénale avait expiré lorsque l'appel du parquet a été examiné à l'audience du 12 mars 2024, il sera constaté que cet article ne prévoit une sanction au non-respect de ce délai, à savoir la remise en liberté de la personne concernée, que lorsque cette dernière est détenue ;
2°/ que l'absence de respect du délai de quinze jours instauré par l'article 194 du code de procédure pénale ne peut constituer une nullité d'ordre public puisqu'il ne s'agit pas d'une règle procédurale particulièrement nécessaire à une bonne administration de la justice ; cette absence ne porte pas non plus nécessairement atteinte aux droits de la défense ; dès lors, il ne peut s'agir que d'une formalité prescrite à peine de nullité à la condition qu'il soit démontré l'existence d'un grief ; en l'espèce, le conseil de M. [X] n'a pas fait la démonstration d'un quelconque grief et il ne pouvait en être autrement puisque c'est lui qui a demandé le renvoi à l'audience du 5 mars 2024, et ce, afin de mieux préparer sa défense ; en conséquence, en disant n'y avoir lieu à statuer en raison du non-respect du délai prévu par le quatrième alinéa de l'article 194 du code de procédure pénale sans dire en quoi le non-respect cette formalité avait causé un grief à M. [X], la chambre de l'instruction a violé la loi.
Réponse de la Cour
Vu l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale :
5. Selon ce texte, en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas, faute de quoi la personne concernée est mise d'office en liberté.
6. Lorsque la décision qui fait l'objet de l'appel est un refus de placement en détention provisoire, ces dispositions ont pour seule conséquence, à l'issue du délai de quinze jours, de priver la chambre de l'instruction de la possibilité de placer la personne mise en examen en détention provisoire.La chambre de l'instruction conserve donc à l'issue de cette période la possibilité de statuer sur le bien-fondé et les modalités d'un contrôle judiciaire.
7. Pour dire n'y avoir lieu de statuer sur l'appel formé par le ministère public, l'arrêt attaqué énonce que la chambre de l'instruction, qui se prononce en l'espèce en matière de détention provisoire, devait se prononcer dans un délai de quinze jours, qui expirait le 8 mars 2024, aucune vérification n'ayant été ordonnée et aucune circonstance imprévisible et insurmontable n'ayant empêché le jugement de l'affaire dans ledit délai, si bien qu'à l'audience tenue sur renvoi le 12 mars 2024, ce délai était expiré.
8. Les juges ajoutent que l'article 194 du code de procédure pénale ne prévoit qu'une seule sanction au non- respect de ce délai, à savoir la remise en liberté d'office.
9. Ils en déduisent que pour une personne libre, comme en l'espèce, il ne saurait être statué au-delà dudit délai et que le placement en détention provisoire ne saurait être ordonné.
10. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés.
11. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquence de la cassation
12. La chambre de l'instruction de renvoi ne pourra pas faire droit à la demande de placement en détention provisoire, le délai de quinze jours prévu à l'article 194 du code de procédure pénale étant expiré. Il lui appartiendra de se prononcer sur le bien-fondé du contrôle judiciaire et sur ses modalités.
PAR CES MOTIFS la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 19 mars 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille vingt-quatre.