LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 juin 2024
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 311 F-D
Pourvoi n° P 22-17.764
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUIN 2024
La société Le Désert rouge, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-17.764 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3], représenté par son syndic la société Foncia Fabre Gibert, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la société Le Désert rouge, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. David, faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 mars 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 8 avril 2021, pourvoi n° 20-15.306), et les productions, la société civile immobilière Le Désert rouge (la SCI), propriétaire de lots dans un immeuble en copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble (le syndicat des copropriétaires) en annulation de l'assemblée générale du 27 juin 2016, à titre incident, de celle du 8 avril 2014 qui avait désigné le syndic ayant convoqué la première, et à hauteur d'appel, de celle du 17 avril 2015 ayant reconduit le mandat dudit syndic.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
2. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 8 avril 2014, alors « que seul le copropriétaire ou son mandataire a qualité pour voter en assemblée générale des copropriétaires, chaque copropriétaire disposant d'un nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parties communes ; qu'en l'espèce, la société Le Désert Rouge soulignait expressément qu'aucune des quatre personnes désignées sur la feuille de présence annexée au procès-verbal de l'assemblée générale du 8 avril 2014 n'avait qualité pour voter lors de cette assemblée générale, M. [K] et Mme [B] n'étant pas copropriétaires, M. [J] [L] ne justifiant pas d'un pouvoir écrit de Mme [O] [L], et M. [Y] ne pouvant seul voter en méconnaissance du caractère délibératif de l'assemblée ; qu'en refusant d'annuler le procès-verbal d'assemblée générale du 8 avril 2014 au seul prétexte que n'aurait pas été contestée la présence des personnes mentionnées sur la feuille de présence sans aucunement rechercher si, en tout état de cause, ces personnes avaient qualité pour voter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 22 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction applicable à la date de l'assemblée générale, issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 22, I, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, et l'article 14 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-391 du 20 avril 2010 :
3. Selon le premier de ces textes, chaque copropriétaire dispose d'un nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parties communes. Tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote à un mandataire, que ce dernier soit ou non membre du syndicat.
4. Selon le second, il est tenu une feuille de présence pouvant comporter plusieurs feuillets, qui indique les nom et domicile de chaque copropriétaire ou associé, et, le cas échéant, de son mandataire, ainsi que le nombre de voix dont il dispose compte tenu, s'il y a lieu, des dispositions des articles 22 et 24 de la loi susvisée.
5. Pour rejeter la demande en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 8 avril 2014, l'arrêt retient que le défaut de mentions relatives aux domiciles des copropriétaires et au nombre de voix de la SCI sur la feuille de présence est insuffisant à justifier cette annulation, dès lors que n'est pas contestée l'exactitude des mentions y figurant quant à la présence de MM. [C] et [Y], de Mme [B] et de Mme [O] [L] représentée par Mme [V] [L], et que, même à admettre que seul M. [Y] ait participé à l'assemblée générale, son vote favorable suffisait à l'adoption des résolutions à la majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés.
6. En se déterminant ainsi, alors que l'irrégularité affectant la composition d'une assemblée générale entraîne sa nullité sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un grief, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les personnes mentionnées à la feuille de présence avaient qualité pour voter et si, ainsi que l'indiquait le procès-verbal, les copropriétaires étaient tous présents ou représentés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 27 juin 2016, alors « que pour débouter la SCI Le Désert Rouge de sa demande en nullité relative à l'assemblée générale du 27 juin 2016, la cour d'appel s'est bornée à retenir que « la demande de nullité de l'assemblée générale du 8 avril 2014 étant rejetée, l'élection d'[O] [L] comme syndic bénévole lui confère la qualité requise pour convoquer l'assemblée générale du 8 avril 2014 [lire 27 juin 2016] » ; qu'en conséquence, la cassation à intervenir sur le premier moyen, en ce qu'elle constatera qu'était fondée la demande en nullité de l'assemblée du 8 avril 2014 au cours de laquelle Mme [L] avait été désignée en qualité de syndic bénévole, emportera la censure du chef de l'arrêt ayant débouté l'exposante de sa demande en nullité de l'assemblée du 27 juin 2016, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
9. La cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation des dispositions critiquées par le deuxième moyen.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 17 avril 2015, alors « qu'aucune des parties ne prétendait que le délai pour agir en nullité de l'assemblée générale du 17 avril 2015 était expiré, le syndicat des copropriétaires se bornant à alléguer que la délibération n° 4 de cette assemblée n'aurait « fait l'objet d'aucun recours » ; que c'est donc de son propre mouvement, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, que la cour d'appel a considéré que la demande en nullité d'une assemblée générale « doit être formée par voie principale et dans le délai de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 » ; qu'en soulevant ce moyen d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
11. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
12. Pour rejeter la demande de la SCI en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 17 avril 2015, l'arrêt retient que la demande en nullité d'une assemblée générale doit être formée par voie principale et dans le délai de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965.
13. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 2] à [Localité 5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille vingt-quatre.