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13/06/2024 | FRANCE | N°22400566

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 juin 2024, 22400566


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 13 juin 2024








Cassation




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 566 F-D


Pourvoi n° K 22-18.796








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUIN 2024


M. [D] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-18.796 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 6)...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 juin 2024

Cassation

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 566 F-D

Pourvoi n° K 22-18.796

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUIN 2024

M. [D] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-18.796 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Apptio France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Apptio France, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2022) et les productions, le 16 décembre 2019, M. [I] a relevé appel d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans une instance l'opposant à la société Apptio France (la société).

2. Ce jugement a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, condamné la société à verser à M. [I] des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, l'indemnité conventionnelle de licenciement et débouté le salarié du surplus de ses demandes.

3. La déclaration d'appel est ainsi rédigée : « appel intégral sur la décision disputée et notamment en ce qu'elle a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes ».

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et seconde branches

Enoncé du moyen

4. M. [I] fait grief à l'arrêt de dire que l'acte d'appel du salarié n'a pas dévolu d'autre chef de jugement que celui de la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, d'estimer, par conséquent, que ne lui était pas dévolu l'ensemble des chefs du jugement relatifs à la nullité du licenciement résultant, à titre principal, de la méconnaissance de la liberté fondamentale du salarié d'ester en justice et, à titre subsidiaire, d'agissements de harcèlement moral qu'il a subi et dénoncé, relatifs à chacun de ces manquements, relatifs aux demandes en réintégration ou indemnitaires, principales et subsidiaires, y afférentes, relatifs au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relatifs à la rémunération variable, aux RSU et stock-options et à ses droits au titre du règlement de son complément de rémunération maladie, ainsi qu'aux demandes indemnitaires et en rappel de salaire, principales ou subsidiaires, y afférentes, de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions tenant à la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et à la condamnation de la société Apptio France des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et d'indemnité conventionnelle de licenciement et de le condamner à payer à la société une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, alors :

« 1°/ que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ; qu'en l'espèce, M. [I] formulait, devant les premiers juges, des demandes tendant, à titre principal, au prononcé de la nullité de son licenciement, à sa réintégration avec condamnation au paiement des rémunérations qu'il aurait perçues entre la rupture et la réintégration et à l'attribution des actions dues au titre des RSU et des stock options, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme pour licenciement nul, et à titre infiniment subsidiaire pour licenciement abusif, et de sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages intérêts pour perte de chance de pouvoir lever ses RSU et ses stock-options et, en tout état de cause, à la condamnation de l'employeur au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité, à titre de rappel de rémunération variable, et les congés payés y afférents, de rappel de salaire pour complément maladie ; que le jugement entrepris a, dans le dispositif de sa décision, requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, condamné la société Apptio France à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, et débouté le salarié du surplus de ses demandes ; que la déclaration d'appel de M. [I] indiquait « Objet/Portée de l'appel : Appel intégral sur la décision disputée et notamment en ce qu'elle a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes » ; que la cour d'appel a considéré, d'une part, qu'il résulte du dispositif du jugement que l'appelant n'a pas été débouté de l'ensemble de ses demandes mais seulement d'une partie de celles-ci, de sorte que le contenu de la déclaration d'appel ne correspond pas à la décision contestée et, d'autre part, que, s'il est exact que dans l'hypothèse d'un rejet de l'ensemble de ses demandes l'appelant n'a pas à les reformuler dans son acte d'appel, en revanche, dès lors qu'il a été fait droit à une partie de ses demandes il appartenait au salarié d'indiquer les chefs critiqués ; qu'elle en a conclu qu'hormis la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, la cour n'est saisie par M. [I] d'aucun autre chef de jugement, notamment relative à une demande financière ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait des éléments de la procédure et de l'arrêt attaqué que, mises à part trois demandes subsidiaires, toutes les autres demandes, dont les demandes principales, ont été rejetées, d'où il se déduisait que la déclaration d'appel, en visant expressément la décision des premiers juges de requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, critiquait expressément des chefs du dispositif du jugement entrepris, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ; qu'en l'espèce, M. [I] formulait, devant les premiers juges, des demandes tendant, à titre principal, au prononcé de la nullité de son licenciement, à sa réintégration avec condamnation au paiement des rémunérations qui auraient perçues entre la rupture et la réintégration et à l'attribution des actions dues au titre des RSU et des stock-options, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme pour licenciement nul, et à titre infiniment subsidiaire pour licenciement abusif, et de sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de
licenciement, de dommages-intérêts pour perte de chance de pouvoir lever ses RSU et ses stock-options et, en tout état de cause, à la condamnation de l'employeur au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité, à titre de rappel de rémunération variable, et les congés payés y afférents, de rappel de salaire pour complément maladie ; que le jugement entrepris a, dans le dispositif de sa décision, requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, condamné la société à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, et débouté le salarié du surplus de ses demandes ; que la déclaration d'appel de M. [I] indiquait « Objet/Portée de l'appel : Appel intégral sur la décision disputée et notamment en ce qu'elle a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes » ; que la cour d'appel a considéré, d'une part, qu'il résulte du dispositif du jugement que l'appelant n'a pas été débouté de l'ensemble de ses demandes mais seulement d'une partie de celle-ci, de sorte que le contenu de la déclaration d'appel ne correspond pas à la décision contestée et, d'autre part, que, s'il est exact que dans l'hypothèse d'un rejet de l'ensemble de ses demandes l'appelant n'a pas à les reformuler dans son acte d'appel, en revanche, dès lors qu'il a été fait droit à une partie de ses demandes il appartenait au salarié d'indiquer les chefs critiqués ; qu'elle en a conclu qu'hormis la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, la cour n'est saisie par M. [I] d'aucun autre chef de jugement, notamment relative à une demande financière ; qu'en statuant ainsi, alors qu'à supposer que seul le chef du jugement tenant à la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse avait saisi la cour d'appel, les chefs du jugement relatifs à la validité de la rupture, aux manquements affectant cette validité ainsi qu'aux conséquences de la nullité du licenciement, qui en dépendaient, lui étaient également dévolus, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 562 et 901, alinéa 1er, 4°, du code de procédure civile :

5. Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

6. En vertu du second, la déclaration d'appel qui tend à la réformation du jugement doit mentionner les chefs de jugement critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet de l'appel est indivisible.

7. Pour retenir qu'elle n'était saisie, au titre de l'appel principal, que de la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé que la déclaration d'appel n'énonçait pas d'autres chefs de jugement critiqués.

8. En statuant ainsi alors, d'une part, qu'il existait un lien de dépendance entre les chefs du jugement relatifs à l'appréciation de la cause du licenciement et les indemnités susceptibles d'être dues en conséquence, d'autre part, que le jugement du conseil de prud'hommes avait débouté M. [I] du surplus de ses demandes, la cour d'appel qui était saisie de l'ensemble des chefs du jugement, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt disant que l'acte d'appel de M. [I] n'a pas dévolu d'autre chef de jugement que celui de la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse entraîne la cassation des chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le11 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Apptio France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Apptio France et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400566
Date de la décision : 13/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 mai 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 jui. 2024, pourvoi n°22400566


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400566
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