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12/06/2024 | FRANCE | N°52400615

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2024, 52400615


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 juin 2024








Cassation partielle




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 615 F-D


Pourvoi n° U 22-18.896


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de

cassation
en date du 19 mai 2022.










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATIO...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 615 F-D

Pourvoi n° U 22-18.896

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 mai 2022.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024

Mme [L] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-18.896 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Onet services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations écrites de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [T], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Onet services, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 octobre 2021), Mme [T] a été engagée en qualité d'agent de service, le 3 janvier 2002, par la société Iss propreté. Son contrat de travail a été repris par la société Onet services (la société) à compter du 3 janvier 2007.

2. Elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnité compensatrice de jours de congés payés restant dus, d'une contestation de la mise à pied disciplinaire de trois jours notifiée le 26 avril 2013 ainsi que d'une demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ou, subsidiairement, pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, subsidiairement au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, alors :

« 1°/ que constituent un harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, dont les éléments médicaux, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'après avoir constaté que la salariée a dénoncé des agissements de harcèlement moral commis par ses collègues, la cour d'appel, pour juger non établie l'existence de faits de harcèlement moral, s'est bornée à relever que "la société a[vait] toujours pris soin de la changer de site en tenant compte de ses plaintes" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter une situation de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ que constituent un harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, dont les éléments médicaux, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'après avoir constaté que l'exposante se plaignait d'humiliations publiques par Mme [V], la cour d'appel s'est bornée à retenir que "si un conflit opposait effectivement [les deux salariées], il n'existait aucun harcèlement moral, chacune des parties reprochant à l'autre son comportement agressif" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter l'existence d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, dont les éléments médicaux, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au nombre des agissements constitutifs de harcèlement moral, la salariée avait invoqué sa mise à l'écart, des insultes et menaces, des humiliations, ainsi qu'un reliquat de congés restant dus, lesquels avaient conduit à la dégradation de son état de santé ; qu'en écartant l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral sans prendre en considération l'ensemble des éléments allégués par la salariée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 du code du travail et L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

6. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que l'employeur avait toujours pris le soin de la changer de site en tenant compte de ses plaintes, que si un conflit existait entre la salariée et sa cheffe d'équipe, il n'existait aucun harcèlement moral dans la mesure où chacune d'elles reprochait à l'autre son comportement, que la surcharge de travail invoquée n'était pas démontrée et que la salariée a refusé un changement de site ce qui démontre, à l'évidence, que ses fonctions lui convenaient.

7. En statuant ainsi, alors que la salariée invoquait également et offrait de démontrer sa mise à l'écart, les humiliations, insultes et menaces subies de la part d'autres salariés, la résistance de l'employeur pour solder ses congés payés ainsi qu'une dégradation de son état de santé en produisant notamment un certificat médical, la cour d'appel, qui, d'une part, n'a pas examiné tous les éléments présentés par la salariée, d'autre part, n'a pas apprécié si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, si l'employeur justifiait ses agissements par des éléments étrangers à tout harcèlement, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui déboute la salariée de ses demandes fondées sur le harcèlement moral entraîne la cassation des chefs de dispositif la condamnant aux dépens de première instance et d'appel et rejetant sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [T] de sa demande en annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied notifiée le 26 avril 2013, l'arrêt rendu le 27 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Onet service aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Onet service à payer à la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400615
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 27 octobre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2024, pourvoi n°52400615


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400615
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